Juliette Koudénoukpo Biaou, Directrice du Bureau Afrique de Onu-Environnement : « 2020 sera l’année des grands bilans »

Fulbert ADJIMEHOSSOU 17 janvier 2020

La vie sur terre dépend, bien plus qu’on l’imagine des océans. Mais dans le même temps, la pollution marine prend de l’ampleur et dégrade ces écosystèmes, du fait en partie des ports et de l’industrie. L’Onu Environnement s’en préoccupe. Juliette Biaou Koudénoukpo, Directrice du Bureau Afrique du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (Pnue) parle des enjeux, de la faiblesse des engagements. Elle considère, par ailleurs, 2020 comme l’année des bilans en ce qui concerne les défis environnementaux dans le monde.

En Afrique, on dit que les Ports constituent le poumon de l’économie. Mais il s’avère que ces infrastructures sont aussi sources de pollution des océans, pourvoyeurs d’oxygène pour les continents. Y a-t-il de raisons de s’en préoccuper ?
Effectivement, l’apport des activités portuaires dans les économies des pays africains est vraiment inestimable, compte tenu du rôle que jouent ces écosystèmes. Ces activités peuvent aussi nous amener à des effets vraiment néfastes aussi bien sur la santé que sur l’environnement si on n’y prend garde.
Lorsqu’on évoque les problèmes liés aux écosystèmes marins, on a toujours tendance à ne regarder que les océans, alors que tout part des écosystèmes terrestres. Tout ce qui vient s’échouer dans la mer vient sûrement des écosystèmes terrestres. Ça fait qu’au lieu de nous attaquer aux racines, nous avons toujours le regard sur les symptômes. C’est ce qui fait qu’on a l’impression que ça ne marche pas. On peut ne pas valoriser les écosystèmes marins à leurs justes valeurs compte tenu des activités que nous y menons et qui sont vraiment néfastes aussi bien sur la santé que sur l’environnement.

Quel est le défi à relever dans ce cas ?
C’est surtout la question de la modernisation de nos ports. Quand on parle des déchets dangereux et tout ce qui échoue dans la mer à travers les activités portuaires. Il y a comme un manque d’équipements, de modernisation pour pouvoir détecter justement ces problèmes. On ne peut résoudre un problème sans l’avoir détecter. Il y a un de mes collègues qui évoquait l’ignorance, en ce sens que même la façon de gérer les déchets que transportent les navires relève d’une ignorance notoire. Parfois, les déchets sont mis ensemble, y compris ceux qui sont dangereux. La façon dont le personnel des ports travaille traduit aussi un manque de modernité.

Pourtant il y a la convention de Bâle, la convention de Bamako et d’autres instruments qui règlementent les mouvements transfrontaliers de ces déchets. Que faut-il faire d’autres pour contraindre les ports d’Afrique à faire mieux ?
Avant de faire quelque chose d’autre, il faut d’abord bien faire ce qu’on a prévu déjà. Vous avez évoqué la convention de Bamako. Cet accord qui est d’ailleurs le seul traité des Nations Africaines a été signé en 1991. Il n’y a pas plus de 15 pays qui l’ont ratifié sur les 54 alors que nous nous rappelons bien la catastrophe environnementale connue sous le nom de l’affaire Probo Koala en Côte d’ivoire. Il faut d’abord que cette convention de Bamako soit ratifiée par tous les Etats du continent africain et que les textes de lois soient votés pour mettre en œuvre les dispositions en vue de protéger la population et notre environnement.

Nous sommes à 10 ans de l’atteinte des Objectifs de développement durables. Est-ce que vous gardez espoir que les points liés à la protection des écosystèmes et à la promotion de l’économie bleue seront atteints ?
On a le droit d’être optimiste. A vrai dire, c’est une façon de s’auto flageller et d’être dur envers soi-même lorsqu’on dit que rien n’a a avancé. En réalité, il y a des choses qui avancent. Le seul problème, c’est que ça n’avance pas à la vitesse qui nous permette de résoudre de façon efficace les problèmes. C’est en réalité de ça qu’il s’agit. Ça donne parfois l’impression que soit on avance à un pas et on en fait quatre en arrière, soit on refait les mêmes choses. La conscience environnementale n’est pas encore au niveau où il doit l’être. De façon générale, on a commencé par parler de conscience environnementale depuis la conférence de Stockton en 1972. Au niveau des activités portuaires, c’est même tout récent. Il faut vraiment accélérer pour pouvoir relever les défis qui sont les nôtres aujourd’hui.

Parlant de défis, quels devront être les priorités en 2020 ?
2020 sera une année vraiment superbe. C’est l’année des grands bilans. Pour la première fois, il y aura un bilan sur la mise en œuvre de l’accord de Paris. Pour la première fois il y aura un bilan sur la biodiversité, les objectifs d’Hais hip vont être évalués et des mesures hardies vont être prises pour pouvoir relever les tendances de dégradation de la biodiversité. Pour le sujet qui nous réunit, il y aura des décisions à prendre par rapport à l’approche stratégique sur les produits chimiques internationaux. C’est vraiment des évènements marquants de l’année 2020 qui vont donner l’opportunité de voir les décisions qu’il faut prendre d’abord au niveau politique. Tout commence là, à partir du moment où il y a la volonté politique, c’est que l’environnement propice et les mécanismes à mettre à œuvre vont suivre. Ça commence par la volonté politique. Tant qu’on ne va pas se rendre compte que tout ce dont nous parlons aujourd’hui au niveau des activités portuaires a un lien avec les humains, la planète, la paix, la croissance économique soutenue, c’est sûr qu’on ne va pas avancer. S’il y a une sensibilisation à faire, c’est pour mettre en exergue cette connexion-là.
Propos recueillis par Fulbert Rodrigue ADJIMEHOSSOU



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