Mesures préventives face au Covid-19 : L’état d’esprit à Cotonou à la veille de l’isolement annoncé

Bergedor HADJIHOU 30 mars 2020

A partir du lundi 30 mars, les Béninois en l’occurrence ceux issus des huit (08) communes ciblées par le communiqué du gouvernement dans le cadre du coronavirus, devront limiter leur déplacement au minimum nécessaire. A Cotonou, commune cible, certains essaient encore de se représenter ce qu’ils n’ont jamais vécu dans leur vie tandis que d’autres se préparent à se calfeutrer, en strict respect des mesures annoncées.

Cordon sanitaire, isolement, confinement. Ça sort de l’entendement pour certains Cotonois, même intellectuels. « ça ce n’est pas dans les films qu’on entend ça ? Quand un acteur a été exposé à des produits chimiques ou quelque chose, on essaie de le sauver. C’est là on parle d’isolement non ? », tente d’expliquer gaillardement un vendeur de pièces détachées. Et la suite laisse pantois : « cordon sanitaire euh euh… (Un long silence) C’est quand le bébé vient au monde ; ce qu’on lui coupe pour le séparer de sa maman là », s’empêtre Christiane, élève en classe de 4ème. .
Sur l’esplanade intérieure du stade Général Mathieu Kérékou, un peu comme l’arbre à palabres, le débat sur l’imminence de l’isolement des villes les plus exposées à la pandémie du coronavirus bat son plein. Ici, ce sont les expressions ‘’minimum nécessaire’’ et ‘’essentiel strict’’ qui causent un casse-tête aux usagers. « J’essaie de leur expliquer que tu peux circuler si ton activité est indispensable à la vie publique mais ils pensent que tout le pays sera à l’arrêt, qu’il y aura des files de contrôle interminables d’une commune à une autre », renseigne confusément André Noulekou.
Un peu en retrait du brouhaha général, un conducteur de taxi-moto prend l’air étalé sur le siège confortable de son ‘’bajaj’’, un masque de protection attaché au cou. Pour lui, les clients se font rares alors même que le mot d’ordre n’a pas encore commencé : « On n’en parle pas, mais les gens craignent déjà le zémidjan en raison de la distanciation sociale d’au moins un mètre exigée par les autorités. Ce sera une morosité économique terrible pour nous autres, acteurs des transports en commun », confie-t-il l’air inquiet.

Psychose relative dans les marchés
« Quand on veut traverser un moment pareil, le chef prend la parole pour rassurer les gens de ne pas paniquer mais on nous laisse dans l’incertitude. Avec tous les pays qui ferment leurs frontières, qui vous dit que demain, il n’y aura pas pénurie de ci et de ça. Il faut rassurer la population ». Devant l’étalage de produits vivriers au marché St Michel, Alokpon indexe ainsi le silence des autorités sur les perspectives économiques du Bénin et les dispositions pour contenir de possibles difficultés d’approvisionnement. Il est venu avec sa femme faire des provisions. Pour le couple, il s’agit normalement d’un déplacement de routine mais en raison de l’isolement, l’agenda a été légèrement modifié. « D’habitude, c’est le 01er du mois que nous faisons les emplettes. Nous venons cinq jours à l’avance. Vraisemblablement, les prix des denrées augmenteront dans les prochains jours. Hier, la voisine nous a avertis que les bonnes dames avaient commencé déjà par surenchérir ». Pour se préparer, pas forcément au pire mais à un isolement qui pourrait être reconduit comme ailleurs, Madame Kpatènon fait son marché comme si elle voulait nourrir un régiment : « On ne sait jamais, j’en prends plus qu’on en utilise autrefois. Je n’ai pas dit que c’est pour coronavirus hein ». Mais tout le monde n’a pas les moyens de remplir son grenier.
Dans le marché de Kindonou, la plupart des usagers sont venus pour des préoccupations ordinaires et non en raison d’un appel à rester chez soi : « Laissez-moi avec ça. Je ne suis pas venue pour affaire de virus. Pourquoi je vais rester chez moi. Ce n’est pas l’Etat qui me donne à manger non », lance une usagère. Si certains parviennent à avoir une attitude étale face à la plus grande crise sanitaire de leur génération, d’autres, préoccupés, se montrent plus disponibles à suivre à la lettre les deux semaines de vie de tanière : « chez moi, ce sera un calme plat, même pas mon nez, les voisins ne verront », conclut Fulgence, en imbibant ses mains de gel hydroalcoolique à la sortie d’un magasin de vente de friperie.
Bergedor HADJIHOU



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