Editorial : Dérives administratives !

Angelo DOSSOUMOU 12 septembre 2019

Tout est désormais clair. Dans le marigot de la fonction publique, il y a une cohabitation d’espèces qui nuit à l’environnement. Une énième partie de pêche aux algues indésirables, tapies au fond de l’eau et, une fois encore, la moisson laisse pantois. D’après le dernier Conseil des ministres, la vérification décidée en janvier 2017 par le gouvernement a révélé pas mal d’anomalies. Ainsi, sur la base de plus 37.000 dossiers étudiés qui ont servi au reversement des 30.776 agents, la Commission interministérielle a dénombré 25.135 régulièrement reversés et 5.641 qui l’ont été de façon fantaisiste. Pour être plus explicite, en dépit des conditions d’exercice connues d’avance, des responsables politiques et administratifs ont réussi à intégrer dans l’effectif des agents de l’Etat, des enfants et des vieillards. C’est assez curieux mais, ils sont un certain nombre d’agents occasionnels qui au moment de leur reversement avaient moins de 18 ans ou les 60 ans, l’âge d’admission à la retraite.
En plus de cette triste réalité longtemps couvée au sein de la fonction publique au lieu d’être dénoncée ou traquée, les inépuisables irrégularités relatives aux diplômes produits par les agents reversés n’ont pas échappé à la vigilance des membres de la Commission interministérielle. Pêle-mêle, il est à retenir des discordances de dates entre les actes de naissance et lesdits diplômes, leur postériorité à la date du recrutement et ceux obtenus à l’étranger mais non assortis de certificats d’équivalence ou d’authenticité. La magie administrative opérant par ici, il y avait 3.860 qui n’étaient pas recensés mais percevaient leur salaire. Pour une administration devant soutenir le développement, la tasse est vraiment pleine.
Alors, au-delà de la décision du gouvernement de ne pas sévir sauf contre les agents reversés détenteurs de faux diplômes, la vérification opérée par la Commission interministérielle prouve à suffisance que notre administration est remplie de faussaires. Du sommet à la base, l’indélicatesse et le clientélisme y ont élu domicile. C’est pourquoi, ne pas faire la lumière sur le pourquoi de cette situation et mettre un visage sur les complices des faussaires afin de décourager à jamais toute tentative, à mon avis, c’est faire le lit à d’autres dérives.
Sinon, c’est bien de faire l’état des lieux des reversements à la fonction publique et d’éviter de multiplier les cas sociaux en voulant sévir pour sévir. Mais, je suis de ceux-là qui croient, dur comme fer, qu’au Bénin, savoir sans agir ne suffit plus. Partant de ce fait, les lésés des compromissions politico-administratives sont aujourd’hui en droit de réclamer justice. D’ailleurs, ces milliers de jeunes n’ont fait aucun mal pour que des bambins, des séniles et des tricheurs leur dament le pion. Bref, au regard de certaines décisions au dernier Conseil des ministres, l’unanimité sur la pertinence d’un renoncement à la rigueur imprimée jusqu’ici au sommet de l’Etat sera difficile à faire.
En fin de compte, de mon point de vue, la quête du social ne doit pas être la porte ouverte aux dérives dans le recrutement des agents de l’Etat. Le mal est déjà fait. Mais, reste à voir comment agir pour qu’à la longue, cette magnanimité qui maintient dans la fonction publique, des agents qui y sont entrés sans au préalable remplir les conditions ne fasse des émules. Ça, c’est une autre paire de manches.



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