En vérité : La réforme des officiers

Moïse DOSSOUMOU 19 novembre 2019

On n’entend pas beaucoup parler d’eux. Dans leurs cercles, tout se passe un peu comme dans un couvent. C’est dans le calme, la discipline et la soumission à la hiérarchie que la vie se déroule dans les casernes. Sauf circonstances exceptionnelles, la « grande muette », comme on l’appelle souvent, n’étale pas les récriminations et autres mécontentements de ses éléments sur la place publique. Tout s’y passe selon des codes propres aux professionnels de la sécurité et de la défense. C’est évidemment la raison pour laquelle dans l’actualité on n’entend pas beaucoup parler d’eux. Mais ces derniers jours, une décision prise au sommet de l’Etat n’a pas rencontré l’assentiment des cadres en devenir de l’armée béninoise. En stoppant l’élan des élèves officiers qui rêvent de mener une belle carrière de commandement, cette mesure, quoique sujet à polémique, ne manque pas de pertinence. Les faits le démontrent aisément.
Par un courrier en date du 7 novembre dernier, le ministre délégué auprès du président de la République, chargé de la défense nationale transmettait les instructions reçues du chef de l’Etat au chef d’état major général des forces armées béninoises. Il faut croire que jusqu’à nouvel ordre, « tout départ en formation d’élèves officiers à l’intérieur comme à l’extérieur du territoire national est suspendu ». Fortunet Alain Nouatin qui s’est fait le devoir de transmettre l’information au Contre Amiral Patrick Jean-Baptiste Aho attend de ce dernier que la volonté du président de la République se traduise dans les actes. Le ciel vient ainsi de s’abattre sur la tête des élèves officiers dont le projet de formation au Bénin ou ailleurs est arrivé à maturation. Ce coup dur leur fera mettre pour le moment cette saine ambition entre parenthèse ? C’est dans l’ordre normal des choses que tout travailleur vise la promotion dans son secteur d’activité.
Cette instruction qui fait sans doute grincer des dents dans le rang des élèves officiers répond à une logique. Recrutés et formés aux frais de l’Etat, ils doivent en retour mettre leur expertise à son service. Pour qu’il en soit ainsi, il faudrait que le gouvernement soit en mesure de leur offrir les opportunités d’éclosion de leur savoir-faire. Or, lorsqu’on analyse la pyramide des effectifs par catégorie dans l’armée, on se rend compte qu’il y a trop d’officiers et peu de soldats à commander. Dans ces conditions, il vaut mieux chercher à utiliser à bon escient les officiers déjà formés quitte à faire une planification responsable pour ceux qui désirent monter en grade. La mesure paraît préjudiciable pour les jeunes officiers animés par la fougue et la volonté de servir leur pays mais, il faut à un moment donné équilibrer les effectifs sur la base des besoins réels du pays.
Dans l’armée ou à la police, de bons officiers chèrement formés attendent d’être utilisés. La difficulté réside dans l’indisponibilité de postes correspondant à leurs grades. Du coup, ils sont nombreux à rester à la maison depuis des mois. Paradoxalement, leur rémunération a un coût. S’il est vrai que l’armée et la police ont besoin d’officiers d’un certain niveau, il faut s’assurer qu’ils seront réellement utiles à la nation. Se faire former, c’est bien. Avoir l’opportunité de servir est encore mieux. La mesure de suspension des formations vise donc à faire l’état des lieux en vue de projections futures. Ceux qui subissent les revers de cette décision auront l’occasion de monter en grade plus tard dès que les conditions de leur apport à la République en qualité d’officiers seront réunies. Jusqu’à preuve du contraire, l’Etat est le seul employeur des forces de défense et de sécurité. Il a donc toutes les prérogatives pour définir ses besoins et priorités.



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