En vérité : Les caprices du Nigéria

Moïse DOSSOUMOU 27 août 2019

Une fois de plus, le géant de l’Est a tapé du poing sur la table. Comme à l’accoutumée, le petit poucet qu’est le Bénin est ébranlé, bouleversé de l’intérieur. Tout est devenu subitement sens dessus dessous. Les opérateurs économiques, les particuliers, la douane, les services diplomatiques sont tous embêtés. Personne ne perçoit d’un bon œil ce verrouillage que le Bénin a refusé de voir venir. Au lieu de penser anticipation et prévention, on préfère gérer le quotidien et les surprises à la petite semaine. D’ici quelques temps, lorsque tout rentrera plus ou moins dans l’ordre, ce dossier aussi sera déposé dans un coin du tiroir en attendant le prochain saut d’humeur de Muhammadu Buhari ou son successeur. Ainsi va le Bénin depuis des lustres. Nous sommes toujours surpris par les événements, même ceux dont la survenance ne laisse aucun doute. Une semaine déjà que Abuja est redevenu capricieux.
Depuis le 20 août dernier, c’est peu dire que la galère bat son plein. Même les Béninois qui ne sont pas aux prises directes avec le Nigéria en termes de relations commerciales et autres ressentent durement les conséquences de cette mesure. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, les commerçants de l’essence de contrebande dite « kpayo » s’en mettent plein les poches grâce à la spéculation au détriment des bourses des populations. Habituées à s’en procurer à prix réduit, celles-ci se résignent à faire le plein des réservoirs en déboursant plus que d’habitude. Une pilule difficile à avaler en cette veille de rentrée scolaire. Paradoxalement, le Bénin reconnu comme le meilleur élève de la Communauté économique ouest africaine, subit de plein fouet les affres de ce verrouillage. En attendant que l’intégration prônée prenne véritablement corps, Porto-Novo gagnerait à revisiter certains accords bilatéraux avec Abuja.
En dépit des avancées remarquables à travers le passeport et le visa Cedeao ainsi que l’institution récente de l’Union douanière à travers le Tarif extérieur commun (Tec), des difficultés persistent. En somme, les Etats n’en font qu’à leur tête. Pourtant, la marche vers l’intégration est irréversible. L’une de ses manifestations est la libre circulation des personnes (actuellement violée par le Nigéria) mais aussi des biens. Celle-ci « consiste à permettre aux produits ou marchandises originaires des Etats membres de franchir les frontières sans être soumis à la fiscalité de porte (droits de douane et autres droits et taxes) qui frappe exclusivement les produits étrangers lors du franchissement des frontières ». Or, en verrouillant ses frontières pour une durée de 28 jours, le Nigéria qui a misé sur le protectionnisme veut lutter contre la contrebande mais aussi et surtout contre la réexportation de marchandises étrangères sur son sol notamment les voitures d’occasion, le riz, la volaille, l’huile…
Qu’attend le Bénin pour mettre sur pied une cellule gouvernementale pérenne sur le Nigéria ? La présidence et/ou le ministère des affaires étrangères sont interpellés. Ce grand vide est à combler. La position de notre pays par rapport à ce géant n’est pas exploitée à bon escient. Hong Kong a pourtant donné l’exemple à tel point que ce petit bout de terre est devenu incontournable pour la grande Chine. Puisque la fermeture ou le verrouillage des frontières nigérianes cause autant de désagréments à notre pays qui se contente de subir, il est peut-être temps que la donne change. Les Béninois ont le choix de continuer à se tourner les pouces ou de décider de bâtir sur la durée. Développer la production locale en misant sur la qualité et le secteur tertiaire à travers des offres de services utiles voire indispensables sont des options salutaires. Le gouvernement sait ce qu’il à faire. Thomas Sankara avait été on ne peut plus clair. « L’esclave qui n’est pas capable d’assumer sa révolte ne mérite pas que l’on s’apitoie sur son sort ».



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