En vérité : Patrimoine culturel en reconstitution

Moïse DOSSOUMOU 23 janvier 2020

Une nouvelle dynamique est en cours. Lentement mais sûrement, les biens culturels témoins de l’épopée royale des siècles antérieurs et qui, par la force des choses, séjournent en Europe, notamment en France, retrouvent peu à peu le chemin du bercail. En dehors des cercles officiels où se traite et se négocie la demande de restitution de certaines œuvres formulée par la partie béninoise, parallèlement, des mécènes se signalent sur ce terrain de fort belle manière. En effet, le galeriste parisien Robert Vallois, attaché à la culture et aux valeurs africaines, s’investit depuis quelques années dans l’acheminement de certaines pièces sacrées de la France vers le Bénin. Leur point de chute, le Petit Musée de la Récade, érigé à Lobozounkpa dans la commune d’Abomey-Calavi. Depuis sa création, cet espace sert de promotion et de valorisation de la richesse culturelle et cultuelle de la civilisation « fon ».
Ouvert en 2015, avec une collection originelle constituée de 37 récades anciennes et 6 objets royaux, ce musée a enrichi son patrimoine au fil du temps. Le 17 janvier dernier, 8 sabres, 4 objets de culte et 16 récades se sont ajoutés au lot de pièces uniques exposées au public. Soustraits à une vente aux enchères à Naples en Italie l’année écoulée, grâce au plaidoyer d’une association qui a sollicité le pouvoir discrétionnaire du ministère français de la culture, ces objets collectés par des administrateurs coloniaux à la fin du XIXème siècle ont finalement échoué au Bénin. Les mécènes regroupés au sein du collectif des antiquaires de Saint-Germain-des-Prés ont rendu la chose possible. Loin de toute considération diplomatique, ce creuset de personnes de bonne volonté s’active pour le retour de certains biens culturels. Le moins qu’on puisse dire est que le résultat force l’admiration.
Les récades qui constituent l’essentiel de la collection de ce musée sont des sceptres royaux du Danxomè en forme de canne coudée avec un manche en bois poli et une partie supérieure en métal ouvragé représentant le plus souvent un animal. Considérée comme l’un des sept symboles d’autorité du souverain fon, la récade encore appelée bâton de commandement est aussi utilisée par les rois d’Abomey pour esquisser des pas de danse. Accrochée à l’épaule gauche et tenue par la main droite, son usage codifié est réservé aux initiés. La moisson de pièces précieuses récoltée par ce musée permet de croire en des lendemains meilleurs pour ce qui est des 26 œuvres parties de l’ancien royaume du Danxomè en 1892 que le Bénin réclame à la France. La requête lancée en août 2016 par Patrice Talon a reçu un écho favorable auprès de son homologue français.
C’est Ouagadougou que Emmanuel Macron a choisi en novembre 2017 pour exprimer sa volonté de restituer à l’Afrique certains biens jalousement gardés par la France depuis des lustres. Depuis, les discussions se sont enchaînées. Divers actes et engagements ont été pris dont une loi en cours d’élaboration par la partie française pour le transfert de propriété des œuvres réclamées. Le séjour à Cotonou en décembre dernier de Frank Riester, ministre français de la culture s’annonce décisif pour la suite du processus puisqu’il a permis la signature du programme de travail commun qui régit désormais la coopération muséale entre les deux pays. 2020 ou 2021 vont consacrer la restitution effective des œuvres tant attendues. Un exploit qui devra être réalisé par Jean-Michel Abimbola, ministre du tourisme, des arts et de la culture. Sur ce chantier, il n’a pas droit à l’erreur. Aujourd’hui plus qu’hier, le Bénin est sur la bonne lancée quant à la reconstitution de son patrimoine royal.



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