Rencontre députés de la mouvance-chef de l’Etat sur le dossier Sodeco : Le réquisitoire de Azannaï et Fikara contre Yayi.

Angelo DOSSOUMOU 28 novembre 2013

Des journaux ont fait état d’une rencontre le lundi dernier entre le président Boni Yayi et ses députés et du refus de certains parmi ceux-ci de le suivre aveuglément dans son aventure d’arracher à la Société commune de participation (Scp) de façon unilatérale ses 17,5% d’actions dans la Société de développement du coton (Sodeco) et d’y nommer un nouveau directeur général. L’information ne souffre désormais d’aucun doute. Elle a été confirmée par les députés Candide Azannaï et Saka Fikara respectivement présidents du parti Restaurer l’espoir et du Mouvement pour la démocratie et la solidarité (Mds). C’était hier au Bénin Marina hôtel de Cotonou où les deux députés sont longuement revenus sur les détails de la rencontre Yayi-députés de la mouvance présidentielle.
D’abord pour l’honorable Azannaï, ce n’est pas la première fois qu’une telle rencontre se tient entre le chef de l’Etat et ses députés. Mais, contrairement aux autres fois, le président de Restaurer l’espoir n’a pas caché ses appréhensions suite à des propos du premier magistrat sur les opérateurs économiques Sébastien Ajavon et Patrice Talon d’une part et sur le dossier Sodeco d’autre part, des propos qu’il a qualifiés de dangereux. Ensuite, faisant une synthèse desdits propos, il a souligné que pendant plus de trois heures d’horloge, le président Yayi a voué aux gémonies les deux grandes personnalités du monde des affaires au Bénin que sont le président du patronat, Sébastien Ajavon et le magnat des intrants coton, Patrice Talon. « Le président Yayi a servi des choses indicibles sur eux que nous nous gardons de révéler. Et au delà des injures, s’agissant de Ajavon, il est revenu sur les rumeurs autour de la Tva et de la détaxe non reversée à des sociétés. Il a dit qu’il y a une mafia autour de la Tva et que c’est grâce à cela que Ajavon a bâti sa fortune et qu’à cet effet, un diplomate et des douaniers ont été sanctionnés », a-t-il signifié. Après avoir rappelé la doctrine qui fonde la Tva et la dangerosité de la position du chef de l’Etat qui ne veut pas prendre en compte des décisions de justice dans cette affaire, il a conclu que l’objectif de l’actuel locataire de la Marina est de détruire cet homme d’affaires.

Le plat de résistance
Dans le dossier Sodeco, Candide Azannaï a déclaré que le chef de l’Etat s’en est pris à Talon avec des propos acides. Plus grave, d’après le conférencier, le président Yayi aurait dit que le dossier Sodeco, il n’en connaît rien et qu’il était au Ghana quand le dossier a été signé. Tout en exhibant des signatures apposées au bas du document, il a remarqué qu’il y avait celle de l’ancien ministre Grégoire Akofodji, actuellement député à l’Assemblée nationale et présent à la rencontre. Interpellé par le chef de l’Etat, celui-ci a simplement révélé que la décision relative à la Sodeco a été prise en Conseil des ministres. Courroucé et après avoir déversé sa bile sur le député Akofodji qui n’est rien d’autre que son beau-frère, Yayi a martelé que tout a été fait dans son dos et qu’il n’était pas en Conseil des ministres. Puis, a laissé entendre le député Azannaï, le chef de l’Etat n’a également pas raté son ancien premier ministre qui a été indexé dans les affaires Pvi, Sodeco…

Nago, Kêkê et Domingo contre l’illégalité
C’est donc pour atteindre des objectifs, notamment nommer un nouveau directeur général à la tête de la Sodeco que les députés ont été invités lundi dernier à la Marina. Et, a fait remarquer l’honorable Azannaï, pour cela, Yayi a eu recours à un mensonge d’Etat. Mais, continue-t-il, tous les députés présents ne se sont pas laissés attendrir par le récit présidentiel. Primo, confia le député Azannaï, le président de l’Assemblée nationale Mathurin Coffi Nago confus, étonné et abattu par les propos entendus, a demandé des documents et des supports si tant est que le chef de l’Etat veut être appuyé par la représentation nationale avant d’appeler au calme. Le député Cyriaque Domingo étonné a, de son côté, rappelé à l’attention de tous ceux qui étaient présents que c’est le président Yayi même qui leur avait dit que le Pvi était bon et que c’est toujours lui-même qui est revenu leur dire qu’il est mauvais et qu’il n’était au courant de rien alors que sa signature était au bas du document du Pvi. L’autre député dont l’intervention aura retenu l’attention est la présidente de la commission des lois, Hélène Aholou-Kêkê. D’après son collègue Azannaï, la première femme avocate au Bénin n’a pas fait la langue de bois. « Nous devons vous soutenir M. le président, mais lorsque des lois existent, on ne peut que suivre la loi. Je vous déconseille de nommer un administrateur à la Sodeco en conseil des ministres et je vous préconise la voie de la justice », a servi la juriste députée.

Une plainte contre Yayi
Pour l’honorable Azannaï, la Sodeco est une société de type Ohada. Alors, il s’est interrogé sur les raisons qui poussent Yayi à demander le soutien des députés pour violer la loi. Il s’emporte : « Il n’est pas au dessus de la loi. Il n’est pas hors-la-loi ». Aussi au cours des débats, d’après toujours Azannaï, le chef de l’Etat a confié qu’il aurait appris qu’il y a une action ouverte contre lui à la Cour commune de justice et d’arbitrage à Abidjan. Mais, toujours d’après les confidences d’Azannaï, le président s’est emporté et a dit qu’il attend celui qui viendra saisir le Bénin. « Il se trompe largement. L’Etat est une continuité et il sera tenu personnellement responsable. Il invite la majorité pour revêtir de légalité un fait illégal. C’est un coup de force politique. Aucun opérateur économique ne doit tolérer cela car, les affaires ne sont vertueuses nulle part », prévient Azannaï tout en mettant en exergue les propos attentatoires à l’Etat de droit du premier magistrat. Par ailleurs, le député de la 16ème circonscription électorale qui a fait le parallèle entre les actes que pose Yayi en économie et en politique, a assuré que c’est un cynisme contre la démocratie qui se remarque. Il ajoute : « Nous sommes dans un Etat policier. Si on laisse cela, il bousculera la Constitution. Yayi a fait beaucoup de dégâts. Nous ne voulons pas la mort du pécheur mais qu’il se repentisse. Nous sommes dans l’action permanente. Partout où est la vérité, je suis. Mais là où il y a la méchanceté, vous ne me verrez pas. La force qui est en nous, est plus forte que les avantages que nous perdons ». Sur sa position sur l’échiquier politique, il s’est dit contre le débat de personnes. Bien qu’étant de l’Union pour la majorité plurielle et non des Fcbe, il a signalé que la politique a des règles que tout acteur politique se doit de respecter et qu’il sait là où il va car, n’étant pas un novice en politique. « J’ai plus d’expérience politique que Yayi et il sait de quoi je suis capable et je ne peux pas soutenir ce qu’il fait de mal. Moi, je suis un politicien. L’argent, le matériel, la femme ne me disent rien. Rien ne me dit rien » relate-t-il. Toujours d’après ses propos, il est comme Messi ou Ronaldo dans le paysage politique béninois. Il soutient : « On me veut et si je voulais être riche, il suffisait que je dise que tout ce qui se fait est bon. Je prends des risques. On a bloqué mes affaires. Mais je sais que la roue tourne. Je suis un homme libre et si Yayi à qui nous avons confié un mandat d’un Etat de droit veut aller au terme de ce mandat, il n’a qu’à faire doucement… »

Fikara enfonce le clou
Le député de l’Union fait la Nation, Saka Fikara n’a également pas été avare en explications sur l’erreur qui est en train d’être commise sur la tête du peuple béninois dans le dossier Sodeco. Soulignant que le code de l’Ohada a été bel et bien ratifié par le Bénin et que le chef de l’Etat menace de ne pas le respecter alors que sa première fonction est de faire respecter la loi, il a conclu à une haine sur les hommes d’affaires béninois. Heureusement, note-t-il, tous les députés, même ceux de la majorité présidentielle savent aujourd’hui que le chef de l’Etat viole la loi. « Je me demande pourquoi Boni Yayi s’acharne-t-il autant contre les hommes d’affaires de son pays. Aujourd’hui, tous les pans du Pvi sont en train d’être remis à une entreprise étrangère sans appel d’offres. J’invite les entreprises étrangères à comprendre que Yayi veut les utiliser pour faire mal à certains hommes d’affaires nationaux et il faut qu’elles le rappellent à l’ordre. Moi, je n’ai jamais vu un président avoir un sentiment aussi anti nationaliste depuis 1960 », a-t-il commenté. Le député Un, après le long réquisitoire contre les agissements du président Boni Yayi, a conclu à la nécessité de dire non et du devoir de combattre les dérives du régime en place.



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