Entretien avec le Père Clément Marie Bonou, « Le Carême n’est pas la simple obéissance à une loi religieuse mais une étape de conversion profonde »

La rédaction 6 mars 2019

Aujourd’hui démarre pour les chrétiens catholiques quarante jours de carême. A travers cette interview, le père Clément Marie Bonou, Frère Franciscain de l’Immaculée explique les fondements de cette période. Il donne quelques conseils pour mieux jouir des grâces du carême.

Quelle est l’origine et la signification du carême ?
Parler de l’origine du Carême pour le chrétien catholique, c’est parler de l’origine même du christianisme. La célébration annuelle du Carême est nécessairement liée au Christ Jésus. Le carême est un temps de préparation à la célébration de Pâques. Son objectif est de rendre les chrétiens aptes à rejoindre le coeur de la foi, la mort et la résurrection du Christ. Comme Jésus au désert, nous sommes invités à vivre quarante jours et quarante nuits de purification, de confrontation, de mise à l’épreuve et de combat spirituel.
Il faut tout de même reconnaître que c’est depuis le IVème siècle qu’on commence à l’instituer comme temps de pénitence et de renouvellement pour toute l’Eglise, avec la pratique du jeûne et de l’abstinence. Etymologiquement, on appelle « carême » la période de quarante jours réservée à la préparation de Pâques, et marquée par l’ultime préparation des catéchumènes qui doivent recevoir le baptême le jour de Pâques. "Carême" vient de "quarante" en latin « quadragesima ». À lui seul ce mot évoque les quarante ans passés par le peuple hébreu au désert, entre l’Égypte opulente et la Terre promise (livre de l’Exode), mais aussi les quarante jours et les quarante nuits de marche d’Élie jusqu’à la montagne de Dieu, l’Horeb (1 Rois 19,8), et les quarante jours passés par Jésus au désert, poussé par l’Esprit après son baptême, avant de se lancer sur les routes pour y faire entendre la parole de Dieu (Matthieu 4). Le Carême commence le Mercredi des Cendres et se termine immédiatement avant la Messe de la Cène du Seigneur (Jeudi Saint).

Qui peut faire le carême ?
Voici d’abord ce que dit le Catéchisme de l’Eglise Catholique : « L’Eglise s’unit chaque année par les quarante jours du Grand Carême au mystère de Jésus dans le désert » (Catéchisme de l’Eglise catholique, n° 540). Le Code de Droit Canonique précise : « Tous les fidèles, chacun à sa manière, sont obligés par la loi divine à faire pénitence ». Cependant, afin que tous s’unissent à une pratique commune de pénitence, on a fixé certains jours pénitentiels pendant lesquels les fidèles se dédient de manière particulière à la prière, réalisent des œuvres de piété et de charité, et s’oublient en accomplissant leurs propres obligations avec la plus grande fidélité et surtout, en observant le jeûne et l’abstinence ». (Code de droit canonique, 1249)

Pourquoi une fois l’an ?
Le Carême n’est pas seulement un temps de sacrifice ou de pénitence, c’est avant tout une invitation que l’Eglise adresse chaque année aux fidèles chrétiens pour se concentrer sur l’essentiel : Jésus-Christ. Mais garder ses yeux sur Lui, le suivre et l’imiter, est exigeant. Cela demande de choisir entre la vie d’amour que propose le Christ et nos petits égoïsmes. Le Carême est un temps pour revenir à l’essentiel et considérer le superflu et l’accessoire à leur juste place. Faire pénitence c’est se détacher de ce qui nous retient, s’ouvrir aux autres et se convertir au Christ pour accéder à la vraie liberté d’aimer comme Lui nous a aimés jusqu’à donner sa vie.
Du mercredi des Cendres, qui nous rappelle que notre vie sur terre n’est qu’un passage, à la nuit de Pâques qui nous montre que l’Éternité nous attend, il y a quarante jours de préparation. Pour atteindre ce nombre symbolique, il faut enlever les cinq dimanches du Carême ainsi que le dimanche des Rameaux, qui ne sont pas des jours de pénitence. En effet, même pendant le Carême, nous sommes invités, le dimanche, à célébrer la Résurrection du Seigneur. À travers la messe de chacun de ces jours de Carême, l’Église nous donne un nouvel élan pour profiter pleinement de ce temps de Carême.

Le Carême, est-ce le ramadan des chrétiens ?
Sans offenser les musulmans dont le jeûne et les temps de prière peuvent être impressionnants, le Carême chrétien est différent. Il est préparation à la victoire d’un Dieu fait homme, sur le mal. Le réduire à la pénitence serait erroné. Le Carême n’est pas la simple obéissance à une loi religieuse mais une étape de conversion profonde, par la prière qui nous unit à notre créateur et sauveur. L’extérieur compte peu, c’est notre cœur qui doit changer. C’est un élan d’amour vers Dieu pour répondre à son appel. Il est mort et ressuscité et comme lui nous passons du détachement (nos privations) à la lumière de Pâques (notre conversion).

Quelles sont les grâces du carême ?
L’Eglise nous invite à faire du Carême un temps de retraite spirituelle dans lequel l’effort de méditation et de prière doit être soutenu d’un effort de mortification personnelle, laissée à la libre générosité de chacun. C’est un temps durant lequel les chrétiens se mettent plus intensément en présence du "mystère" de leur foi, pour se préparer à le célébrer pleinement à Pâques : la vie, la mort et la résurrection de Jésus Christ. C’est donc uniquement dans la lumière de Pâques que nous pouvons comprendre cette "quarantaine" qui inscrit dans le temps notre marche en Dieu.

Quelles sont les attitudes à avoir durant cette période ?
Si on vit bien le Carême, on doit obtenir une authentique et profonde conversion personnelle et nous préparer de cette manière à la plus grande fête de l’année : le dimanche de la Résurrection du Seigneur. L’objectif principal de ce temps est le retour à Dieu qu’on appelle « Conversion ». Se convertir veut dire se réconcilier avec Dieu, s’éloigner du mal, pour établir une relation d’amitié avec le Créateur. Cela suppose de se laisser aller au repentir et à la Confession de tous et chacun de nos péchés. Une fois rétablis dans la grâce (sans conscience de péché mortel), nous devons prendre la résolution de changer de l’intérieur (dans les attitudes) tout ce qui ne plaît pas à Dieu.

Comment concrétiser cela ?
De diverses manières, mais toujours en réalisant des œuvres de conversion, comme par exemple : S’approcher du Sacrement de Réconciliation (Sacrement de la Pénitence ou Confession) et faire une bonne confession : claire, concise, concrète et complète. Il faut dépasser les divisions par le pardon, et grandir dans l’esprit fraternel et pratiquer les Œuvres de miséricorde.

A propos des œuvres de miséricorde, de quoi s’agit-il ?
L’Eglise parle des œuvres de Miséricorde spirituelles et corporelles.
Les œuvres de miséricorde spirituelles sont : Enseigner l’ignorant ; Conseiller celui qui en a besoin ; Corriger l’égaré ; Pardonner les injures ; Consoler le triste ; Souffrir avec patience les adversités et les faiblesses du prochain ; Prier Dieu pour les vivants et pour les morts.
Les œuvres de miséricorde corporelles sont : Visiter le malade ; Donner à manger à celui qui a faim ; Donner à boire à celui qui a soif ; Secourir le captif ; Vêtir celui qui est sans vêtement ; Accueillir le pèlerin ; Enterrer les morts.

Quelle est la particularité de ce carême cette année ?
Au risque de me répéter, je précise que le Carême n’est pas seulement un temps de sacrifice ou de pénitence, c’est avant tout une invitation à nous concentrer sur l’essentiel : Jésus-Christ. Mais garder ses yeux sur Lui, le suivre et l’imiter, est exigeant. Cela demande de choisir entre la vie d’amour que propose le Christ et nos petits égoïsmes... Le Carême est un temps pour revenir à l’essentiel et considérer le superflu et l’accessoire à leur juste place. Faire pénitence c’est se détacher de ce qui nous retient, s’ouvrir aux autres et se convertir au Christ pour accéder à la vraie liberté d’aimer comme Lui nous a aimés jusqu’à donner sa vie. Si nous sommes dans cette dynamique et cet esprit, chaque année sera toujours différente, parce que c’est un renouvellement dans la grâce…et la grâce divine a toujours du nouveau pour l’âme.

Chaque carême ne nous offre pas des combats d’égale ampleur.
Il y a un combat fondamental qui demeure toujours, dont la structure se retrouve dans le récit symbolique des tentations de Jésus au désert. Que ce soit dans la violence d’une crise ou dans la simple clairvoyance sur les enjeux du quotidien, nous sommes mis, par nos résistances, nos angoisses ou nos refus, au cœur du drame qui se joue dans le Christ et dont nous percevons le véritable sens à la lumière de Pâques.

Que conseillez‐vous aux fidèles catholiques ?
Je vais tout simplement offrir cette prière, intitulée « Prière pour le temps de Carême ». Elle contient sous forme d’oraison, l’essentiel à vivre pour ce temps de grâces :
Propos recueillis par Hospice KOUMONDJI (Coll.)



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