Funérailles au Bénin : Eglise et coutume : un mort, différents rites de passage

La rédaction 13 juin 2017

Messe corps présent, rites traditionnels. Selon les religions et les coutumes, l’inhumation d’un défunt requiert un ensemble de pratiques qui malgré, leur dissemblance, concourt à la même finalité : remplir les formalités d’ici-bas pour assurer un repos paisible à l’âme du disparu dans l’au-delà.

Pèlerin sur terre, à l’heure de rejoindre Dieu, et les ancêtres, le dernier voyage suscite plein d’émoi, d’incertitudes mais aussi d’espérance autour du disparu. Ce samedi 20 mai 2017, debout sur le parvis de l’église, Germaine ne peut retenir ses larmes. La quarantaine, elle a du mal à croire à la mort de son frère. Pourtant, elle devra accepter cette douloureuse séparation qui constitue, selon le père célébrant, un chemin pour la vie éternelle. Le prêtre Ange Gabin Ganyé, administrateur de la paroisse Sainte Thérèse d’Avila de Gankon explique : « Pendant que le corps se transforme en poussière, l’âme subsiste et c’est elle qui continue de vivre dans l’au-delà ». L’espérance chrétienne s’enracine alors dans la foi que la mort n’est pas la fin de tout être. Cette séparation du corps de l’âme, est également vue en Islam comme un seuil naturel à franchir pour une prochaine existence. « Le créateur des cieux et de la terre a dit ‘’toute âme goûtera à la mort ‘’ parce que cette vie est transitoire. On goûte à la mort car c’est le seul moyen de quitter cette vie pour l’au-delà », souligne Almoudas-sir Betemam Imam.
Les rites funéraires constituent un ensemble codifié de pratiques et de cérémonies pour préserver une place au défunt dans l’au-delà. Ils varient, selon le sociologue Jacques Aguia-Daho, en fonction de la personne décédée, de son statut social et des circonstances de son décès.

En marche vers Allah
L’islam est connu pour sa particularité d’enterrer une personne décédée en 24 heures. Selon certains croyants musulmans, il s’agit là d’un droit du défunt. Mais, avant son dernier soupir, le mourant doit faire sa profession de foi, encore appelée la ‘’chahada’’. « En islam, lorsque quelqu’un est sur le point de mourir, il est conseillé de l’aider à proclamer la profession de foi qui dit ‘’j’atteste qu’il n’y a pas de divinité en dehors de Allah et Mohammed est son messager’’ », précise Almoudas-sir Betemam.
Après le décès, si le fidèle musulman avait des dettes impayées, il faut les rembourser car l’âme du croyant demeure en suspens tant que ses dettes ne sont pas acquittées. Il s’agit là d’une précision à laquelle tient l’Imam avant de revenir sur les rites nécessaires. « Une toilette purificatrice s’impose en islam. Ce rituel musulman, vise à protéger le fidèle disparu de toute impureté extérieure pour préparer son entrée dans l’au-delà. Aucune personne en état d’impureté ne doit approcher le corps du défunt », déclare-t-il. Il est par ailleurs recommandé à ceux qui se chargeront du lavage et de la préparation du corps de faire leurs ablutions. Le lavage et la préparation du corps doivent être effectués par des personnes du même sexe que le défunt. Après la toilette rituelle, le défunt est enveloppé dans un linge blanc. Le passage du défunt à la mosquée n’est pas obligatoire car c’est un endroit pour les vivants et non les morts. Les prières s’effectuent dans la maison du défunt et au cimetière au moment de l’inhumation. Lors de l’enterrement, l’imam récite la prière funéraire. « Cette prière consiste à demander la grâce de Dieu et à implorer sa miséricorde pour le défunt, puisqu’il va à la rencontre de son créateur », affirme Almoudas-sir Betemam. Au moment d’enterrer le défunt, selon les prescriptions musulmanes, le corps doit être allongé sur le côté droit, en faisant face à l’orient, conformément à la tradition prophétique. Autre particularité chez les musulmans, le cercueil n’est pas admis. « L’islam a formellement déconseillé d’enterrer un musulman avec un cercueil ou des habits de luxe. Dieu nous a informés dans le coran qu’il a créé l’homme à partir de la terre. Ce corps retourne à la terre, donc il n’a pas besoin de protection contre la terre », déclare l’Imam. L’inhumation est alors simple, sans fleurs ni aucun embellissement de la tombe.

Miséricorde pour le salut éternel

Chez les chrétiens catholiques, les rites sont tout autres avec en toile de fond, la quête de la miséricorde de Dieu. Des veillées sont organisées pour implorer le créateur. « Une messe corps présent est dite pour un défunt qui a respecté les exigences de la vie chrétienne catholique. Dans le cas contraire, il est dite une absoute. L’Eglise prie pour le défunt et demande à Dieu de lui pardonner ses péchés », explique le père Ange Gabin Ganyé. Au cours de la célébration eucharistique, la liturgie se rapporte à la foi chrétienne en la résurrection. A la fin de la messe, une prière en l’honneur des morts est récitée. L’encens et l’eau bénite appliqués sur le cercueil marquent l’importance de la croyance en la résurrection. « L’encensement du corps marque un signe de respect pour le défunt », ajoute le père Ange Gabin Ganyé. L’encens est aussi considéré comme une prière silencieuse où l’on demande au Seigneur d’accueillir la personne décédée. L’eau bénite quant à elle est un symbole de vie et constitue un rappel du baptême de la personne décédée. Chez les protestants, les obsèques se déroulent généralement au temple. Le culte n’est pas rendu au défunt mais permet aux vivants d’écouter la parole de Dieu. « Il s’agit d’un acte de foi qui transmet un message en la vie éternelle et en la résurrection et non une intercession pour le repos de l’âme du défunt », explique Bernard, instituteur et fidèle protestant. Ici, il n’y a point d’encensement bien que la dépouille fera l’objet d’une bénédiction avant l’enterrement.

La complexité des rites

Dans nos religions traditionnelles, les cérémonies funéraires varient d’une ethnie à l’autre et sont beaucoup plus complexes. Selon le sociologue Jacques Aguia-Daho, il y a des rites en direction de la personne décédée, de ses proches, et d’autres rites pour maintenir une union entre le défunt et sa famille. Le corps est enterré avec tout le matériel nécessaire pour le voyage afin qu’il ne pas soit démuni dans sa nouvelle existence. Selon les ethnies, on place dans ou sur la tombe des ustensiles de cuisine pour que le défunt puisse manger, des armes pour qu’il puisse se défendre, des cauris pour acheter ce dont il aurait besoin etc. Seuls les initiés pratiquent ces rituels et invoquent les ancêtres pour qu’ils accueillent celui qui va les rejoindre. L’âme du défunt qui n’aurait pas reçu les rites funéraires errerait et pourrait tourmenter les membres de sa famille. Dans certaines cultures au Bénin, les ongles ou les cheveux du défunt sont utilisés pour matérialiser sa présence parmi les vivants.

Des réjouissances pour célébrer le mort
Après les rites dans l’intimité familiale, le reste des funérailles constitue une grande occasion de réjouissance. « La levée du deuil est célébrée à travers des chants et des danses comme le ‘’avizinli’’, parce qu’on estime que la personne qui n’existe plus devient plus forte et plus puissante. Il ne faut donc pas la laisser partir avec les larmes », précise Jacques Aguia-Daho.
Certains rituels spécifiques ont pour but de recréer une identité au défunt et consistent à le transformer en ancêtre. La transformation du mort en ancêtre est matérialisée dans certaines cultures par l’édification d’un autel commémoratif appelé ‘Assin’’, en forme de parasol en fer orné de figurines. Lors des cérémonies familiales d’hommages aux ancêtres, la prêtresse de la famille se charge de faire des prières et des offrandes. Des animaux sont souvent immolés et leur sang est répandu sur les ‘’Assin’’. Le sang est l’offrande ultime car il possède une force vitale qui passe par la mort de l’animal et qui transfère la vie à l’ancêtre. Les officiants proclament alors successivement les noms des ancêtres et les louanges qui les accompagnent. Ils réactualisent la présence des défunts parmi les vivants et les honorent par des prières et des offrandes pour pouvoir bénéficier de leur bienveillance. Les cérémonies d’hommages aux défunts et la dévotion due aux ancêtres s’inscrivent dans une volonté d’harmonie entre l’au-delà et le monde physique. « Les familles en crise retrouvent l’union au cours de ces occasions où les morts sont célébrés », explique le sociologue Jacques Aguia-Daho.

Une vie au-delà de la mort

Selon la plupart des religions, ce sont les actes sur terre qui conditionnent la vie post mortem, au paradis ou en enfer. Pour Rafiou un fidèle musulman, la croyance en l’au-delà rend les gens responsables, craignant Dieu. Pour d’autres, la miséricorde de Dieu est en rapport avec l’existence d’une vie après la mort. « Les attributs de justice et de miséricorde de Dieu n’auraient plus de sens si la vie après la mort n’existait pas », précise Lucien, fidèle catholique de la Paroisse Ste Famille de Tankpe. Outre le paradis et l’enfer, la religion chrétienne catholique parle aussi du purgatoire. « Il y a des gens qui malgré leurs efforts pour rester dans la volonté de Dieu ici-bas n’y arrivent toujours pas. Ceux-là ont un temps de purification au purgatoire avant d’entrer dans le royaume de Dieu », explique Ange Gabin Ganye, prêtre. A ceux qui séjournent au purgatoire, l’Eglise catholique recommande la prière et des messes en leur intention. « Les messes en l’honneur des morts permettent de réaffirmer les liens qui nous unissent à nos défunts. Grâce à nos prières et à ces messes dédiées aux défunts, ils ne tombent pas dans l’oubli et certaines âmes sortent du purgatoire », déclare Christine, couturière et fidèle catholique. Les adeptes des religions endogènes quant à eux croient en un principe supérieur, souffle vital ou âme, qui réside dans les lieux où les objets. A la mort d’une personne, son âme se transforme en esprit qui peut venir aider les vivants ou se mélanger au monde des quatre éléments : l’eau, l’air, le feu et la terre. « Les sociétés qui ont maintenu les rites de passage vivent plus aisément la présence des morts », déclare Jacques Aguia-Daho sociologue. La mort marque la fin d’une étape, et non de la vie. Les différentes religions malgré la diversité des rites funéraires, croient en l’existence d’une vie après la mort. Ainsi, les morts ne sont pas morts. Ils sont dans l’eau qui coule, dans le feu qui brûle, dans le vent qui souffle.
Alida DOSSOU-YOVO (Stag)



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