Interview avec Richard Flash : « … Je n’ai pas changé de rythme musical… »

La rédaction 7 septembre 2016

Richard Kakpo alias Richard Flash est un artiste béninois connu pour ses tubes zouk. Considéré comme l’un des chanteurs Zouk Love les plus en vogue en Afrique, le natif d’Agatogbo s’intéresse depuis peu à d’autres rythmes locaux. Dans cette interview accordée à votre journal, il parle de sa nouvelle trouvaille discographique et fait des suggestions pour le rayonnement de la culture béninoise.

Pourquoi avez-vous choisi de faire de la musique ?
Si vous voulez savoir pourquoi je me suis initié à la chanson, je ne pourrais pas vous l’expliquer parce que c’est inné en moi. Je m’amusais avec la musique depuis mon enfance. Mais peu après, j’ai commencé par prendre ça au sérieux. C’est ainsi que je me suis essayé et en 2002, j’ai lancé mon premier album. Je suis arrivé à la musique par passion. J’ai aimé la musique, j’aime la musique et maintenant, c’est devenu mon métier. Je n’ai pas choisi de faire la musique, c’est la musique qui m’a choisi.

Combien d’albums avez-vous à votre actif ?
Actuellement, j’ai quatre albums. Le premier, comme je l’ai dit, est sorti le 20 juin 2002. Puis après, il y a eu « Zékèmi » en 2004, « Je veux » en 2010, et « Kpatagnon » que j’ai lancé en décembre 2015. Mes morceaux traitent souvent de la vie, de ce que je vis au quotidien. Je prends en compte ce que les gens vivent autour de moi, leur malheur, leur bonheur, bref, je parle des faits sociaux. Je chante donc pour cicatriser les plaies, pour apaiser les cœurs.

Quelle est l’actualité musicale chez vous ?
C’est mon album « Kpatagnon » qui bat son plein avec les titres « Davê » et « Zero » en tête. Cet album se joue tout comme si le public béninois l’attendait. On n’a pas fini de faire la promotion de cet album parce que comme je le dis, je ne fais pas d’album chaque année. Je le fais peut être chaque quatre ou cinq ans. Le temps de faire sérieusement ce que je veux proposer au public.

Le monde connaît Richard Flash comme l’icône béninoise du Zouk, mais depuis votre dernier album, vous pratiquez un autre genre musical avec une variété de langues. Pourquoi cette subite reconversion ?
Ce n’est pas maintenant que j’ai commencé à chanter dans ma langue maternelle. Mon second album « Héminonson » est chanté en Xwéla. D’ailleurs, avant ma carrière musicale, c’était mon combat. J’avais pour ambition de pouvoir travailler pour que cette langue ne meure pas. Les gens ne parlent plus couramment le Xwéla. Je n’ai pas changé de rythme musical. J’ai un prochain album Zouk qui sortira en 2017. Mais, j’ai voulu faire une expérience, celle de toucher à d’autres rythmes et de savoir ce que ceux qui font ces rythmes-là font. Je me suis fait plaisir en réalisant cet album, « Kpatagnon » dans lequel j’ai touché à tous les rythmes. Je voulais même titrer l’album « No format » puisqu’il n’y a pas de titre. Tout est fait avec la volonté, la passion de la musique et finalement on l’a surnommé « Kpatagnon » qui signifie « Tout ce que Dieu fait est bon ». J’ai également veillé à ce que les 8 morceaux qu’il y a sur l’album soient bons. Ce qui est bien, c’est le retour que j’ai eu. Les gens ont accueilli l’album et l’ont beaucoup apprécié. Je pense renouveler cette expérience pour mes fans et pour moi-même, parce que ça me fait du bien.

Quel regard portez-vous sur les jeunes artistes ?
Franchement, je sais qu’il y a des talents dans la musique béninoise. Mais, ils travaillent peu. On ne travaille pas parce qu’on veut vite faire des albums pour sortir à la télé ou parce qu’on veut prouver qu’on est le meilleur. Tout ce qu’il faut, c’est de faire de la bonne musique. Il faut que les artistes travaillent mieux les sons, qu’ils travaillent aussi les textes parce que c’est le message qui est véhiculé. Moi, je fais passer de bons messages, et quand vous faites passer des messages dans vos chansons, ces chansons vivent longtemps et traversent le temps. Et c’est par rapport à ça qu’on dit qu’un artiste ne meurt jamais parce que ses œuvres restent et ses messages demeurent. Gnonas Pedro et Gg Vickey restent encore vivants. Il y a certains artistes qui ont fait le beau temps au Bénin, mais les gens ne se souviennent plus d’eux, parce qu’ils ont fait de la pacotille. Ce n’est pas parce qu’ils ont bafoué le boulot, mais ils ont eu le succès d’un seul instant. Cela participe de la qualité de notre culture et de l’image de notre pays à l’extérieur. C’est la fierté que l’artiste doit chercher en travaillant sur son album.

Quel artiste béninois vous inspire le mieux ?
Je veux ressembler à Richard Flash parce qu’il est particulier et polyvalent. Il touche à tout. Mais, j’ai de l’estime pour Gnonas Pédro. C’est quelqu’un que je respecte beaucoup, qui a beaucoup fait pour la musique béninoise, mais qui n’a pas été payé à son prix réel. Il est parti un peu tôt, mais franchement je veux ressembler à Richard Flash.

D’où vous vient l’inspiration ?
C’est compliqué parce que je travaille parfois comme un fou. Il suffit que quelque chose m’arrive en tête et que je prenne mon portable et que je l’enregistre, la base de ce que j’ai envie de chanter. Mais, je travaille avec une équipe (Raphael, Jean, etc). Lorsque j’ai des idées comme ça, je le leur dis et on voit ensemble comment on va les habiller. On ne peut jamais faire les choses seul. Vous ne pouvez pas vous cacher pour faire un album, il faut travailler avec humilité et quand vous avez du succès, les gens ne voient pas les professionnels qui ont travaillé, mais plutôt l’artiste seul.

Quelles sont vos relations avec les autres artistes béninois ?
J’entretiens de bonnes relations avec les autres artistes. J’ai fait de featuring avec beaucoup d’artistes béninois. Il s’agit entre autres de Rabislo, Kinzah, et actuellement, je prépare un featuring avec Zeynab Habib, donc je suis ouvert à toutes les expériences. C’est ça qui va faire grandir le Bénin. On ne peut pas hisser seul le drapeau du Bénin.

Que pensez-vous de l’abattement du Fonds d’aide à la culture ?
Avec cet abattement, le même problème existera. Mais l’on saura au moins que ces sous vont rester dans la caisse de l’Etat. Ça servira peut-être à récupérer nos patrimoines qui sont à l’extérieur ou à promouvoir la culture autrement. Je ne suis pas contre la mesure d’abattement. Les gens ont voulu que ce fonds soit réduit et ils l’ont eu parce que, si on donne le fonds à 100%, et que malheureusement cela ne sert à la culture béninoise qu’à 25% et qu’il y a que quelques clans qui se réunissent pour le partager, rien ne va vraiment fonctionner. Je ne suis pas contre, je suis parfaitement d’accord qu’on me dise aujourd’hui même que le fonds a disparu, que le fonds n’existera plus, moi je dirai qu’ils ont certainement raison parce qu’ils auraient fait des audits qui relèveraient certainement des choses.

Vous dites cela parce que vous n’avez jamais pu bénéficier du fonds ?
J’ai perçu de l’argent au Fonds d’aide à la culture. J’ai demandé de financement pour mon album qui doit être réalisé à Lobogo. Je voulais faire un concert gratuit. J’ai reçu de l’argent, mais je ne dirai pas le montant, comme tous les autres artistes d’ailleurs. Je n’ai pas reçu 20 millions comme le disent certains, mais j’ai reçu de l’argent du fonds d’aide et je suis allé donner un concert gratuit à Lobogo.

Que proposez-vous concrètement pour le rayonnement de la culture béninoise ?
Comme le gouvernement a mis en place un comité pour les réformes politiques, il faut qu’il mette en place un comité pour les réformes culturelles. J’en ai toujours parlé. Il faut mettre en place un comité dont les membres seront payés le mois, comme on l’a fait pour les réformes politiques. C’est ainsi qu’on va relever ce qui constitue des obstacles au développement de la culture béninoise. Le comité aura à déposer un projet dans lequel il va proposer des actions en vue de la promotion de la culture béninoise à l’extérieur. Mais, il faudra associer les artistes, sinon, ça ne marchera pas. Ainsi, ils feront un travail sérieux et ils vont proposer un projet impeccable.

Votre mot de la fin.
En 2017, je ferai une tournée nationale. Je parcourrai, avec mon équipe, tous les départements du Bénin pour offrir aux populations des concerts. Et pour permettre à tous de venir à moi, le ticket sera à un prix dérisoire. J’invite donc tout le monde à ces concerts. Je dirais merci aux fans et je leur demanderais de toujours me soutenir, car l’aventure continue.
Propos recueillis par Opportune AKOUTE (Stag.)



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