Kora Abidjan 2012 : Les lauréats béninois parlent de leur fructueuse aventure

Isac A. YAÏ 4 avril 2013

Trois artistes béninois ont reçu les trophées Kora organisés en décembre 2012 à Abidjan en Côte d’Ivoire. Ces lauréats sur qui le Bénin peut désormais miser ont pour noms Yvan, Sessimè et les Frères Guèdèhounguè. Chacun dans sa catégorie a hissé au plus haut niveau les couleurs nationales. Ils parlent ici de leur stratégie pour remporter ce trophée, de la gestion de leur stress le jour de la cérémonie et de l’importance de ce trophée dans leur carrière.

Yvan : "J’ai reçu la plus grande distinction de la musique africaine, il faut maintenant viser plus haut"

Le chantre de l’Eternel a été béni. Sa voix mise au service de Dieu tout Puissant n’a pas résonné dans le désert. Elle a retenti et toute l’Afrique en a eu un écho de l’autre côté d’Abidjan en Côte d’Ivoire en décembre 2012. Ce mois bénit lui a révélé le plus grand jour dans sa carrière d’artiste : il a remporté pour la première fois le trophée Kora de la catégorie "Meilleur artiste de la musique religieuse". Cette distinction marque ainsi à l’encre indélébile son nom au fronton de la musique africaine. Ce trophée confirme qu’il n’est pas en errance dans la musique. Il démontre également qu’il n’a pas mal fait en utilisant sa voix comme un instrument pour Dieu. Ce Dieu qu’il adore et loue tant, vient de le récompenser en le révélant meilleur de sa catégorie aux trophées Kora 2012. Comment a-t-il donc mené sa campagne pour arriver à décrocher ce trophée ? Quels ont été ses sentiments lors de la cérémonie ? Que représente cette distinction dans sa carrière… ? Suivez plutôt l’artiste pour le comprendre.

Quel était le morceau proposé à cette compétition continentale ?

C’est le titre "Ton amour me suffit" qui figure sur mon deuxième album en préparation. J’ai choisi ce titre parce que je lui donné un style spécial que tout le monde ne connaît pas encore. C’est un nouveau style et j’estime qu’il a eu un effet sur le jury.

Comment as-tu préparé ta participation aux trophées Kora ?

Je l’ai préparée avec beaucoup de joie. Il faut noter que j’ai été un peu plus intelligent que les autres parce que j’ai fait une petite tournée dans la sous région. J’ai été au Nigeria, au Togo et au Burkina-Faso. J’ai envoyé par la suite certains membres de mon staff au Gabon, au Cameroun et au Tchad. J’ai essayé de toucher ces pays là parce que c’était nécessaire. Quand on vote du Bénin, cela fait un point pour moi, mais quand on vote d’un autre pays, cela fait deux points. Donc, c’était très important de faire cette tournée. Et dès le départ, j’étais le numéro un sur Internet et par Sms.

Les trophées Kora sont pour les musiciens ce que représente la coupe d’Afrique ou la coupe du monde pour les footballeurs. On chante, oui. On vend nos disques, oui. On a des cachets…, mais le Kora reconnaît les mérites et la qualité des artistes. De surcroît, c’est la plus grande distinction continentale en matière de musique africaine et de sa diaspora. Cela veut dire que le monde entier reconnaît ce trophée. Raison pour laquelle j’ai pris cette compétition au sérieux et cela a donné un bon résultat.

Lors de la soirée de gala proprement dite, comment étais-tu dans la salle ?

J’avais beaucoup de stress, parce que j’étais le seul artiste béninois qui a eu la chance de prester sur la scène de Chris Brown. Il y avait environ un kilomètre qui séparait le podium de scène et la salle de la soirée de remise de trophée. J’avais fini à peine de chanter quand on me disait qu’il faut que je sois dans la salle de remise de trophée car, mon jury passe dans 5 minutes. J’ai seulement eu le temps de porter une chemise et je suis parti. Dieu a su faire les choses car, à peine je rentrais dans la salle et on appelait mon nom. Je me demandais si c’était vraiment moi ou quelqu’un d’autre que le ministre Bakayoko appelait, parce que c’était lui qui avait lu le nom. Il avait appelé avec hésitation mon nom. Vous ne pouviez donc pas imaginer tout ce que j’ai ressenti dans ce laps de temps. Est-ce la peur ou l’assurance, je ne saurais le dire. Je n’ai pas eu le temps de m’asseoir, je suis allé directement sur le podium prendre le trophée. J’étais tellement stressé, mais j’ai su le masquer. Je pense que ceux qui étaient dans ma catégorie n’ont pas démérité. Le Gabonais, l’Ivoirien, le Ghanéen n’étaient pas les moindres car, j’ai beaucoup aimé leur musique, mais Dieu a voulu que le trophée soit à moi.

Ce trophée me procure la joie et me pousse à continuer. C’est un sentiment de gratitude envers mon Seigneur, les Béninois, les Togolais, les Nigérians, les Burkinabés, les Camerounais, les Tchadiens…, envers tous ceux qui ont voté de près ou de loin pour que j’aie ce trophée.

Le trophée Kora étant la plus grande distinction au plan continental, que représente-t-il dans ta carrière ?

Le trophée Kora, c’est comme un tampon pour dire "Bravo Yvan. Tu as bien travaillé. Bravo au Bénin parce que tu l’as bien représenté. Maintenant, va encore plus loin". Parce que si j’ai reçu la plus grande distinction de la musique africaine, il faut maintenant viser plus haut. Il ne faut donc pas descendre. Il faut viser les grammy Awards, les B.a.t Awards…

Je remercie donc Dieu Tout Puissant de m’avoir accordé ce trophée. Je remercie également ma mère et ma sœur, mon staff et tous ceux qui ont participé à cette réussite.

Sessimè : "Ce trophée représente beaucoup de responsabilités et une aubaine pour aller de l’avant"

Seule femme du trio gagnant, Sessimè est le fruit de l’émission Stars Promo. Cette voix montante de la musique béninoise ne cesse de rafler les trophées depuis son premier album. Et pourtant, personne ne vendait cher sa peau au départ. Mais les connaisseurs de la musique peuvent vous dire qu’elle a un bon timbre vocal. Elle ne cesse donc de confirmer tout le bien qu’on pense d’elle en montant en flèche dans sa carrière. Sa première participation aux trophées Kora a été la bonne, car elle a remporté le trophée de sa catégorie "Meilleur espoir féminin de la musique africaine". Ce trophée, la plus grande distinction qu’un artiste peut avoir sur le continent africain, démontre qu’elle est effectivement un espoir de la musique africaine et qu’elle est sur la bonne voie. Quelle a été sa stratégie pour la compétition ? Que pense-telle de cette distinction ? Lisez plutôt l’élément qui suit…

Quel était le morceau proposé aux trophées Kora ?

C’était "Manyavio" qui m’avait déjà procuré beaucoup de distinctions au Bénin. J’ai choisi ce morceau parce qu’il était en promotion, donc connu du public. C’est un morceau qui a connu un vrai travail artistique et culturel.

J’ai d’abord considéré cette nomination comme une victoire car, parmi les milliers de dossiers provenus de toute l’Afrique et sa diaspora, si j’ai été retenue, c’est une grande chance. Donc, il ne fallait pas gaspiller cette chance-là. Il fallait donc mettre tout en branle pour que la victoire finale puisse être de mon côté.

Comment as-tu préparé ta campagne ?

Les organisateurs nous ont informés que pour les résultats définitifs lors de la soirée, la note du jury comptait pour 30%, pour le public comptait en tout pour 70% (Sms, Internet…). Avec le Seigneur, quand on met en terre un grain de maïs, c’est un épi qu’on récolte. J’ai dit à mon Dieu, même si c’est à une seule personne que je dis vote pour moi, je suis sûre que toi tu multiplieras l’action et que de bouche à oreilles de millions de personnes seront informées. J’étais à Lomé au Togo pour quelques spectacles. J’en ai profité pour inviter le public togolais à voter pour moi à travers plusieurs émissions de radio et de télévision.

Ici au Bénin, plusieurs responsables de radio et de télévision m’ont gracieusement invitée sur leurs médias afin de pouvoir appeler le peuple béninois à voter pour moi. Je les remercie pour cette action patriotique. J’allais aussi régulièrement sur scène, donc à la fin de chaque prestation, j’invitais le public à voter pour moi. Mon staff également avait parcouru les lycées et collèges. Chacun a joué son rôle et ça à donné un bon résultat. Donc, si j’ai remporté le trophée, c’est d’abord grâce aux votes des Béninois, parce que je n’ai pas parcouru assez de pays pour faire ma campagne. Je dis donc merci à tout le monde, grands et petits qui ont voté et qui mont permis de remporter ce trophée.

Le jour même de la cérémonie, comment t’es-tu sentie dans la salle parmi ces milliers d’artistes de renommée internationale ?

Quand on croit en Dieu, on essaie d’avoir de l’assurance et on se dit, si ça marche, c’est la volonté de Dieu et si ça ne marche pas, c’est également sa volonté. Mais on reste en prière pour que ça marche. Je sais que c’est Dieu qui a le dernier mot et Dieu ne veut que du bien pour ses enfants. J’étais donc en confiance, mais le soir où il fallait prendre le départ pour la cérémonie proprement dite, j’avais le trac, le stress et une grande peur d’aller dans la salle et d’en ressortir sans le trophée. J’étais dans la salle avec les autres artistes béninois Yvan, Les frères Guèdèhoungué, Fafa Rufino. Ont était tous en union de prière jusqu’à ce que Didier Drogba prononce mon nom comme lauréate de ma catégorie. J’ai senti l’adrénaline dans tout mon corps et j’ai eu comme impression que mon sang a fait un seul tour. Je ne me rappelle pas de comment j’ai pu marcher jusqu’au podium car, j’avais hâte de prendre ce trophée en main. Je rends grâce à Dieu pour cette élévation qu’il m’a donnée et qu’il a donnée à mon pays. Le Bénin était premier ex æquo avec trois trophées à côté du pays organisateur la Côte d’Ivoire. Malheureusement, Fafa n’a pas eu son trophée. Je pense que d’autres jours viendront où elle aura ce trophée à l’heure prévue par Dieu.

Les aînés ont ce trophée dans la musique béninoise, des artistes de renommée internationale l’ont, Michael Jackson aussi a pris par là.

Je dois féliciter Monsieur Ernest Adjovi, promoteur de Kora, le plus grand événement culturel du continent africain. Je tire chapeau à Monsieur Ernest Adjovi car, malgré toutes les critiques, il a tenu bon et Kora ne s’est pas évaporé dans le temps. Kora a donc eu lieu et il faut lui reconnaître ce mérite. J’espère qu’il tiendra encore pour longtemps, parce qu’on veut remporter d’autres trophées. S’il se sentait en difficulté, il faut que les personnes de bonne volonté, ceux qui croient en la chose culturelle puissent l’aider à tenir bon pour que Kora ne meurt pas. Le continent africain ne compte pas assez d’événements pareils et que le seul qui fait encore vivre les artistes disparaisse, on ne veut même pas penser à cela. Il faudrait que d’autres générations viennent tenir ce trophée que des générations ont tenu avant moi.

Que représente ce trophée dans ta carrière ?

C’est une confirmation. Comme je l’ai toujours dit, sur le parcours du combattant, il faut des victoires pour savoir que la guerre est remportée. Cela démontre qu’on n’a pas emprunté la mauvaise voie, nous sommes sur la bonne voie et on a la chance d’aller de l’avant. Je suis contente d’avoir ce trophée au début de ma carrière. Cela me permettra de me fortifier et de forger davantage mon travail. Cela me permettra également de redoubler d’effort, de rigueur, de professionnalisme et que cela m’ouvre des portes à l’extérieur, parce que les trophées Kora sont reconnus en Afrique et dans le monde. Ce trophée représente donc beaucoup de responsabilités et en même temps une aubaine pour aller de l’avant et à la rencontre des autres cultures.

Les Frères Guèdèhounguè : "Nous n’avons plus le droit de travailler en dessous de ce mérite"

Ils ont pour nom Les Frères Guèdèhounguè. Unis au départ par le sang, ils le sont davantage par la musique. La qualité et le côté atypique de leur musique les a révélés au public béninois. Ayant déjà à leur actif deux albums, ils ont été nominés aux trophées Kora en 2010 dans la catégorie "Meilleur groupe traditionnel". Cette première participation n’était pas la bonne car, ils étaient revenus bredouilles au pays. Mais le découragement n’étant pas au programme, ils ont redoublé d’ardeur au travail. Ayant tiré leçon de leur échec en 2010, ils ont travaillé en conséquence pour améliorer la qualité de leurs morceaux. Ainsi, deux ans plus tard, ils ont tenté à nouveau l’aventure en participant aux trophées Kora qui se sont déroulés en décembre 2012 à Abidjan en Côte d’Ivoire. Cette deuxième participation était la bonne car, ils ont pu décrocher le trophée de la catégorie "Meilleur groupe traditionnel". Ce n’est pas le fruit des incantations habituelles qu’on leur connaît, mais celui d’un travail bien fait. Comment se sont ils préparés pour pouvoir décrocher ce trophée de reconnaissance de leur talent ? Découvrez la réponse…

Quel morceau avez-vous proposé pour la compétition ?

Nous avons proposé le morceau "Feu de brousse", car ce clip a été réalisé pour les compétitions. Après avoir raté le trophée en 2010, nous avons cherché à savoir les raisons de notre échec. C’est cela qui nous a amenés à travailler en conséquence. Cela a permis de tourner "Feu de brousse" qui est le premier morceau de notre troisième album.

Comment avez-vous préparé la campagne pour le vote du public ?

Quand nous avons su qu’il y avait une phase de vote par Sms et sur Internet, on a été très vigilant. On était connecté tous les jours pour sensibiliser les gens en collaboration avec nos amis et nos fans. Nous avons aussi créé des comptes Face book pour mettre le paquet. Nous ne nous sommes pas du tout amusés. On est aussi passé sur les chaînes de télévision et de radio pour sensibiliser le peuple béninois à nous soutenir jusqu’au bout en votant massivement pour nous.

Nous n’avons pas voyagé spécialement pour sensibiliser les citoyens des autres pays à voter pour nous. Mais nous avons appelé nos amis et autres qui sont à l’extérieur, de voter pour nous et de sensibiliser leurs amis à en faire autant. Lors de nos prestations dans certains pays comme le Togo, le Gabon, l’Algérie et la Pointe noire, nous invitons aussi le public à voter pour nous.

Le jour même de la soirée de Gala à Abidjan, quels étaient vos sentiments avant la délibération ?

Depuis Cotonou, on était confiant que cette fois-ci, on n’allait pas passer à côté. Mais une fois dans la salle, la peur s’est emparé de nous. Mais là où notre peur a pris de l’ampleur, c’est quand Yvan et Sessimè ont reçu leur trophée. On s’est demandé est-ce que le Bénin peut remporter trois trophées à lui seul. Pour nous, c’était donc fini. On ne croyait pratiquement plus à ça, mais on se donnait du courage pour ne pas laisser transparaître notre peur. Quand le jury est arrivé sur notre clip, on avait peur davantage. Après le passage des clips, quand ils ont annoncé notre nom, on a sauté de joie et nous sommes montés sur le podium pour recevoir le trophée et fredonner quelque chose. Ce qui nous a beaucoup fait plaisir, c’est que tous les Béninois qui étaient présents dans la salle sont montés sur le podium avec nous.

Ce trophée étant la plus grande distinction continentale, qu’est-ce qu’il représente dans votre carrière ?

C’est une grande responsabilité et une charge. Je dis cela parce que nous n’avons plus le droit de travailler en dessous de ce mérite. Il faut donc chercher à aller plus loin et viser des trophées hors du continent. Il faut alors que les gens sentent dans notre travail que nous avons reçu une telle distinction.

Ce trophée est aussi un encouragement et un soulagement. Cela veut dire qu’on ne s’est pas peiné pour rien. Cela veut également dire qu’on ne s’est pas trompé de chemin. Par ce trophée, nous venons d’inscrire notre nom dans l’histoire de la musique de notre pays et celle de l’Afrique. C’est donc une tache indélébile que les générations futures viendront retrouver.



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