Dialogue politique au Bénin : Le comité préparatoire vole en éclats

Angelo DOSSOUMOU 5 janvier 2015

Le dialogue politique tant souhaité par Boni Yayi risque de ne pas avoir lieu

Les travaux du comité préparatoire pour le dialogue politique démarrés le 22 décembre dernier sont bloqués. La Plate-forme et le Prd constituant l’opposition et la Rb qui est membre de la majorité présidentielle se sont retirés des travaux et en ont donné, vendredi dernier au Chant d’oiseau de Cotonou, les raisons aux médias. Marius Francisco et Joël Godonou (Rb), Lazare Sèhouéto (Un), Amissétou Affo Djobo (femmes baromètres), Séraphin Agbahoungbata (Alternative citoyenne) pour ne citer que ceux-là ont dénoncé le refus des Fcbe d’accéder à leurs préalables avant le dialogue politique.
Ainsi, du côté de la Plate-forme et du Prd, dans les documents produits en vue de ce dialogue politique figurent les préalables relatifs à l’accès équitable aux médias du service public, notamment la télévision nationale, le retrait par le chef de l’Etat du projet de révision de la Constitution et enfin le caractère exécutoire des points d’accord. Pour la Rb qui adhère pleinement à ces préalables, il faut y ajouter la sécurité des participants et une répartition équitable des temps de parole au cours de ce dialogue politique. « Les lois sur l’accès aux médias sont ignorées. A cela, il faut ajouter le manque du traitement professionnel des activités de l’opposition. Il est honteux que nous soyons à rappeler le B.a.-ba de la déontologie et des règles journalistiques et que nous soyons à le réclamer au gouvernement », s’est plaint Lazare Sèhouéto qui a justifié le deuxième préalable à savoir le retrait du projet de révision de la Constitution par le besoin de décrispation de la tension sociopolitique et de créer les conditions d’une ambiance détendue lors du dialogue politique.
Cependant, Lazare Sèhouéto a tenu à nuancer cette requête de l’opposition : « Nous voulons de révision mais dans les 12 premiers mois du prochain mandat. Ce sera dans la sérénité et non dans la hantise ». S’agissant du troisième préalable, Lazare Sèhouéto dit ne pas comprendre le refus de la majorité d’accéder à cette requête avant tout dialogue. « S’ils refusent que les points d’accord soient exécutoires, pourquoi ferons-nous le dialogue ? On ne fait pas un dialogue pour la forme. Sinon, c’est un marché de dupe. C’est inadmissible et c’est un manque de respect pour les forces politiques », a-t-il dénoncé.

« Ils veulent être juge et partie »
L’autre point d’achoppement qui a amené les partis de l’opposition et la Rb à se retirer est relatif au choix des personnes chargées de conduire les travaux du dialogue politique. Si pour l’opposition, le présidium doit être constitué de façon paritaire, c’est-à-dire deux représentants de l’opposition, deux de la mouvance et une personne sur laquelle les deux parties doivent s’accorder, les Fcbe ne sont pas de cet avis. « Depuis le 22 décembre, les Fcbe nous ont roulé dans la farine. Nous avons été suffisamment patients. On a concédé beaucoup de choses. Ils veulent être juge et partie », s’est insurgé Edmond Zinsou du Prd. Toutefois, pour lui et le Prd, au lieu de faire de la tergiversation, les forces politiques doivent trouver un consensus pour aller aux élections. « Pour des gens qui ne se sont pas parlés depuis des années, il faut des préalables. C’est un dialogue entre les démocrates de ce pays. Et dans la mouvance, il y a des démocrates comme dans l’opposition. Nous avons foi que la raison va prévaloir pour nous permettre de sortir de l’impasse », a indiqué Joël Godonou de la Rb. Lazare Sèhouéto reste aussi positif par rapport au dénouement de la situation de blocage, mais ne se fait pas d’illusions sur d’où peut venir la solution : « Le président Yayi et ses partisans ont les cartes en main. On ne peut pas faire un dialogue et seule une partie viendra en rendre compte ». Le Sg du Prd, Wabi Fagbémi qui a relevé 90 fois le mot dialogue politique dans le discours du chef de l’Etat à la nation a aussi foi que rien n’est perdu, mais Séraphin Agbahoungbata est catégorique : « Nous n’avons plus le droit de croire que le président Boni Yayi et les Fcbe sont de bonne foi ». Le défi est lancé à la mouvance et à son leader.
Comité préparatoire pour le dialogue politique
Les partisans dénoncent le blocage et la kyrielle de préalable

DECLARATION DE PRESSE DE L’ALLIANCE FORCES CAURIS POUR UN BENIN EMERGENT (FCBE)
Au sujet de la crise au sein du Comité Préparatoire du dialogue politique
Militantes et militants de l’Alliance Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE),

Chers amis journalistes,
Mesdames et Messieurs,

Le comité préparatoire du dialogue politique vient de voler en éclat.
Les représentants de la plate forme, du PRD, et de la RB viennent de se retirer unilatéralement du comité préparatoire du dialogue politique.
En effet, à la suite des décisions du Conseil des Ministres en ses séances du mardi 25 et du jeudi 27 novembre 2014, le comité préparatoire créé par arrêté N°055/MCRI/DC/SGM/DRFM/DAP/SA du Ministère Chargé des Relations avec les Institutions (MCRI) a démarré ses travaux depuis le 22 décembre 2014.
La méthode utilisée jusque là est de recenser les points d’accord et de réserver les points de désaccord pour le dialogue politique. On était prêt de finir nos travaux et d’adopter le communiqué final, quand les représentants de l’opposition (la plate forme, le PRD et la RB) sont revenus sur certains points de préalables.
Il s’agit de :
1. L’accès égalitaire des partis politiques et alliances de partis politiques aux médias du service public.
2. Le retrait de l’Assemblée Nationale du projet portant révision de la constitution par le Président de la République ;
3. Rendre exécutoire les points d’accord du dialogue ;
Par ailleurs ils ont tous estimé que le Président de la République doit être tenu à l’écart de la direction du dialogue politique.
Ces positions ont amené les Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) à réagir comme il suit :
a. Les préalables pouvaient être discutés et réglés au dialogue tel que retenu par consensus. La question de l’accès équitable aux médias publics et privés est déjà inscrite au 7ième point des questions à débattre ;
b. L’amélioration de notre loi fondamentale était déjà inscrite dans le projet de société du Chef de l’Etat et n’avait rien à voir avec les projets de confiscation du pouvoir qui sont en cours ailleurs dans d’autres pays en Afrique et qu’il est loisible à l’Assemblée Nationale de rejeter ou de l’étudier. On ne saurait alors en faire un préalable à opposer au dialogue politique ;
c. Le dialogue a été convoqué par le Chef de l’Etat pour essentiellement trouver un consensus en vue de l’organisation des élections municipales, communales, locales et législatives. Les points d’accord devraient être des propositions et non des injonctions au Président de la République.
Nous leur avons juste opposé nos points de vue et ils se sont retirés sans autres formes de procès prouvant alors qu’ils n’avaient en réalité jamais voulu d’un dialogue politique.
Face à cette situation, nous prenons à témoin l’opinion publique nationale et internationale de la volonté du Chef de l’Etat et de son Gouvernement d’organiser le dialogue politique pour aller à un consensus en vue des élections communales, municipales et locales avant les législatives à bonne date. Mais l’opposition dans toutes ses tendances, a voulu noyer cet objectif dans une kyrielle de revendications et de préalables pour finir par se retirer sans incident objectif.
Cela ne nous étonne guerre de la part de l’Union fait la Nation et ses alliés car qu’il vous souvienne que depuis 2012 qu’aux termes des journées de l’Union fait la Nation (l’UN) organisées à Cotonou, les 26,27 et 28 juillet 2012 sur le thème : « Rénover le système politique pour mieux gérer le Bénin », l’Union fait la Nation déclare dans sa position 2 page 19 ce qui suit ; nous citons : « l’UN est prête à participer à un dialogue bien préparé. L’organisation d’un dialogue politique national pourrait offrir un cadre de concertation pour rappeler les exigences fondamentales de la démocratie, réaffirmer les règles de fonctionnement des institutions et recréer les conditions de paix. Toutefois son succès dépend d’un accord préalable sur la composition des participants, sur les objectifs poursuivis et sur les thèmes qui y seront débattus. Son succès dépend également de la pression populaire sur le déroulement de ses travaux »
Il apparait clairement que ce que veulent l’Union fait la Nation et ses alliés, c’est l’organisation d’une conférence nationale bis dont l’objectif est la déstabilisation de notre démocratie et de ses institutions donc de notre nation.
En définitive, l’UN et ses alliés dans leur démarche, veulent rendre notre pays ingouvernable, ce que l’Alliance Forces Cauris pour un Bénin Emergent (FCBE) n’acceptera jamais. En tout état de cause nous réitérons notre entière disponibilité au dialogue politique en vue de l’organisation des élections municipales, communales, locales et législatives dans le respect strict de la constitution.
Fait à Cotonou le 02 janvier 2015

A chacun ses explications en ce qui concerne le blocage des travaux du comité préparatoire pour le dialogue politique. Si pour l’opposition constituée de la Plate-forme et du Prd à laquelle s’est ajouté la Rb, membre de la majorité présidentielle, il ne peut y avoir de dialogue sans que la mouvance présidentielle n’accède à un minimum de ses préalables, pour les Fcbe, il n’en est pas question. Ainsi, pour le premier camp qui est monté au créneau vendredi dernier au Chant d’oiseau, l’accès équitable aux médias du service publique, le retrait du projet de révision de la Constitution par le chef de l’Etat et le caractère exécutoire des points d’accord lors du dialogue politique sont des conditions avant toute discussion. Du côté des Fcbe qui se sont, dans la soirée du même jour, adonnés au même exercice, les préalables évoqués par l’opposition et la Rb ne répondent à aucune logique. D’ailleurs arguent-ils, le dialogue a été convoqué par le Chef de l’Etat pour essentiellement trouver un consensus en vue de l’organisation des élections municipales, communales, locales et législatives. De plus, soutiennent-ils les points d’accord qui, pour l’opposition, doivent être exécutoire devraient être pour les Fcbe des propositions et non des injonctions au Président de la République. C’est donc pour toutes ces raisons que les partisans du chef de l’Etat ont opposé leur refus à accéder aux préalables de l’opposition qui s’est retiré des travaux du comité préparatoire.

Les explications du Mcri, Gustave Sonon

« Le comité préparatoire du dialogue politique est mis en place sur instruction du conseil des ministres en ses séances de 25 et 27 novembre 2014. C’est 25 membres pour la plupart venus des grandes formations politiques. Il faut préciser qu’il n’existe pas encore un cadre formel pour le dialogue politique au Bénin. Et donc c’est face à l’exigence du protocole additionnel de la Cedeao et du code électoral d’obtenir le consensus avant toute révision des lois électorales dans l’espace de 6 mois que ce comité est mis en place.
Les travaux démarrés le 22 décembre se sont déroulés dans une ambiance de convivialité jusqu’à vendredi après-midi où la tension a monté. D’abord, force est de reconnaître que tout dialogue franc entraîne toujours de pareils circonstances donc des échanges houleux. L’arrêt des travaux intervenu est donc pour le gouvernement une suspension parce qu’il ne s’agit que d’incompréhensions entre les forces politiques opposées. Cette suspension, souhaite le Mcri, aidera à calmer les ardeurs et ramènera les uns et les autres à de bons sentiments. Maintenant dans le fond, quel bilan peut-on faire à l’étape actuelle des discussions.

Il est établi un code de conduite :
  Les propositions à formuler doivent tenir compte de l’existence au Bénin d’une Constitution.
  On doit garder à l’esprit les différents pouvoirs en vigueur dans notre pays et le respect dû aux institutions.
 Les décisions seront prises par consensus et non par vote. En cas de défaut de consensus, les points en question soient débattus par la suite au dialogue politique.

Il y a eu des points d’accord :
  Accord sur le principe qu’un décret convoque le dialogue politique
  Accord sur le fait que la grande préoccupation aujourd’hui, c’est l’organisation des élections
  Accord sur l’objectif global et les objectifs spécifiques
  Accord sur les résultats attendus du dialogue
  Accord sur l’ensemble des points à débattre au dialogue
  Accord sur l’invitation des présidents des institutions dont Cos-Lépi et Cena au dialogue
  Accord sur le lieu de tenue du dialogue, c’est-à-dire le palais des congrès
  Accord sur le mode de délibération qui sera par consensus et non par vote

Quels sont maintenant les points de divergence
  Disposition pratique d’accès équitable ou égalitaire aux médias de service publique
  Date de convocation du dialogue
  Les modalités de mise en application des points d’accord au cours du dialogue parce que certains estiment que les décisions doivent être exécutoires.
  Le présidium du dialogue. Certains ne veulent pas du gouvernement au présidium et d’autres oui.
  Les préalables
  Suspension du cos lépi accès aux médias
Compte rendu sera fait en conseil des ministres de ce qui est fait jusque-là. Le Mcri, président du comité préparatoire, précise que le comité préparatoire ne décide pas mais recense les points à débattre au dialogue proprement dit. Le Mcri détaille par ailleurs le contexte dans lequel les discussions se déroulent. En effet, le Bénin est le 3ème pays démocratiquement stable en Afrique après l’Afrique du sud et le Botswana. C’est pour dire que la situation actuelle du pays est de loin comparable à ce qui s’est passé en 1989.



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