Sabin Sèdégnon, Aumônier diocésain adjoint de la jeunesse/Cotonou au sujet du carême « Nous sommes appelés à vivre en fuyant le péché et à faire violence sur nous pour jeûner, partager, et prier »

Fulbert ADJIMEHOSSOU 16 février 2018

Les chrétiens catholiques ont entamé depuis hier 40 jours de marche vers la fête de Pâques. A travers cette interview, l’Aumônier diocésain adjoint de la jeunesse catholique de l’Archidiocèse de Cotonou, le Père Sabin Sèdégnon, explique les fondamentaux du temps de carême ; une période, dit-il, de prière, de pénitence et de partage.

Que représente le carême pour les chrétiens catholiques ?
Le carême prend tout son sens par rapport à la Pâque du Seigneur. En effet, ce que nous a apporté la résurrection de Jésus-Christ est immense. Mais à cause de notre vie de désobéissance vis-à-vis de Dieu, nous n’arrivons pas à bénéficier de ses grâces. Ce temps nous est donc offert pour que nous puissions nous rapprocher de Dieu qui est prêt à tout moment à se faire proche de nous. Le carême est un temps pour le chrétien catholique de se rapprocher de Dieu en éliminant de sa vie, tout ce qui l’empêche d’être proche du Seigneur, c’est à dire le Péché. Ainsi, pendant 40 jours, nous sommes appelés à vivre en fuyant le péché et à faire violence sur nous pour jeûner, partager, et prier.

Quels sont les principes auxquels le chrétien catholique est soumis durant le carême ?
Nous mettons beaucoup plus l’accent sur les trois P : la prière, la pénitence et le partage. Il faut faire l’effort de prier mieux que nous le faisions avant. Cela nous rapproche de Dieu et nous permet de dominer nos mauvais penchants.
Le jeûne n’a de sens que par rapport à la prière. Rester à jeun sans prier, c’est comme si on n’a rien fait. Le jeûne nous aide à être sobres, à être disposés à recevoir la grâce de Dieu. Ensuite, quand nous jeûnons, ce que nous mettons de côté ne doit pas nous revenir comme un gain. Nous devons partager cela. Tout le monde a quelque chose à partager.
Je voudrais aussi préciser que le carême chrétien a quelque chose d’un peu différent du carême musulman. Il n’est pas demandé au chrétien de rester à jeun nécessairement toute la journée. Il y a deux jours seulement où il nous est demandé de jeûner toute la journée. C’est le mercredi des cendres et le vendredi saint. Pour les autres jours, il est demandé de diminuer la nourriture par rapport aux repas, mais surtout jeûner par rapport aux comportements et aux plaisirs, tout ce qui habituellement nous prend beaucoup de temps et nous décharge spirituellement.

Il y a quelques jours, le pape déplorait le refroidissement de la charité des hommes. Comment faut-il vivre alors cette période dans un monde de moins en moins solidaire ?
Je voudrais avant tout revenir sur le contenu du message du pape qui invite les chrétiens à vivre ce temps dans la joie et la vérité. Le Pape François a expliqué que jeûner, tout en étant triste, n’est pas bien. Il nous faut partager la joie. Il a basé son message sur Mathieu 24 V12 qui dit qu’à cause de l’ampleur du mal, la charité de la plupart des hommes se refroidira. Et c’est déjà le cas. Les riches ne se sentent pas dans l’obligation de partager. Mais en réalité, ceux qui ont un plus en dehors de ce qu’il leur faut pour vivre bien, le seigneur leur a confié cela pour qu’il soit partagé aux autres. Ceux qui thésaurisent les biens commettent alors un grand péché. Le Pape nous interpelle à ce sujet et démontre que tout le monde a quelque chose à partager. Il y a le savoir, la connaissance, l’aide que nous pouvons nous porter les uns aux autres. Le message attire également notre attention sur les faux prophètes qui sèment la peur dans l’esprit des jeunes pour les exploiter. Mais la prière nous aidera à discerner le bon grain de l’ivraie pour ne pas être une proie pour les faux prophètes. Le pape nous a rappelé l’initiative de 24 heures pour adorer le Seigneur et vivre le sacrement de la réconciliation. Les dates identifiées sont les 9 et 10 mars.

En dehors des 3 P, quelle place Dieu doit-il occuper dans nos vies en ce temps de carême ?
Ce n’est pas seulement dans le temps de carême que nous devons donner une place à Dieu dans nos vies. Ce temps qui nous est donné, c’est pour que nous puissions prendre de bonnes habitudes et nous entrainer dans le quotidien avec Dieu. Pour l’homme intelligent tout simplement, Dieu doit être pour lui, celui dont il dépend toute la vie. Le temps de carême n’est qu’une période pour nous aider à prendre conscience de ce que nous ne faisons pas assez. Malheureusement, c’est lorsque nous sommes en difficulté que nous cherchons à nous rapprocher de Dieu. C’est une perte. Si nous nous attelons chaque jour à bénéficier de lui, nous aurions bénéficié constamment de sa grâce. Nous perdons en pensant qu’on n’a pas le temps de Dieu. Beaucoup de chrétiens catholiques souffrent de cela et la source de cette souffrance, c’est eux-mêmes. C’est la première place que Dieu doit prendre dans nos vies, non seulement pendant ce temps de carême mais à tout moment.

Vous n’êtes pas sans savoir que les réseaux sociaux occupent une bonne place dans la vie des jeunes. Faut-il aussi se priver de son portable en cette période de carême ?
Il y a quelques années, les réseaux sociaux n’étaient pas aussi développés que ça. Mais aujourd’hui, je me demande si un jeune peut passer une journée sans toucher à son téléphone, aller sur Whatsapp et Messenger. C’est le moment pour que nous puissions nous exercer à cela pour montrer que ce n’est pas les réseaux sociaux qui nous possèdent mais le contraire. Il s’agit de mettre ce temps de privation à nous exercer au bon usage de ces outils. Il y a des jeunes catholiques qui sentent le besoin de mettre leurs forums au service de leur croissance spirituelle et de l’évangélisation. C’est à encourager. Encore qu’il faut savoir l’utiliser pour que cela ne prenne pas tout le temps. Il faut se donner des principes clairs. On peut se donner un temps d’aller consulter sa boite, ses messageries Whatsapp et répondre juste en évitant de dire n’importe quoi sur les réseaux sociaux. Pendant la journée, je gagne du temps pour la prière, pour la solidarité fraternelle, pour rendre visite aux personnes en difficulté. Comme je le dis souvent, nous rechargeons nos portables pour nous décharger spirituellement. Je pense qu’on peut s’exercer à cela et enlever un peu les écouteurs des oreilles.

Des milliers de jeunes vont se rendre le 23 février prochain à Dassa pour le pèlerinage national. Quels en sont les enjeux ?
Ce pèlerinage concerne tous les diocèses du Bénin. Cotonou a l’habitude de faire de façon alternative Dassa et Allada. Nous rentrons dans le mouvement d’ensemble. Ce pèlerinage se situe dans la marche du synode des évêques pour la jeunesse. Un synode se déroule en trois temps. Il y a la préparation durant l’année qui précède, la réunion des évêques à Rome et enfin la synthèse d’un document que le Pape publie un ou deux ans plus tard. Nous sommes dans la première phase. C’est dans ce cadre que se situe le pèlerinage national de cette année. Le thème du synode est : « Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel ». Les jeunes se mettent ensemble aux pieds de notre dame d’Arigbo pour réfléchir. Les thèmes qui seront abordés à l’occasion se situent dans le même sillage que le thème du synode. Rien que pour Cotonou, les inscrits dépassent déjà 4.000. Le pèlerinage intervient en plein chœur de carême, et cela pourra aider les participants.

Votre message à l’endroit de la jeunesse
Je vais m’inspirer de la prière du Pape François pour les jeunes en vue du synode qui aura lieu en octobre 2018. « Seigneur Jésus, ton église qui chemine vers le synode tourne son regard vers tous les jeunes du monde, nous te prions pour qu’avec courage, ils prennent en main leur vie. Qu’ils aspirent aux choses les plus belles et les plus profondes et qu’ils conservent toujours un cœur libre ». Le problème du manque d’emploi, du chômage est crucial aujourd’hui et je profite de cette prière pour demander à mes frères et sœurs de prendre leur vie en main. Il ne faut pas paresser, il faut rechercher les diplômes tant qu’il est encore possible. Les offres d’emplois et les concours n’attendent pas les diplômes. C’est plutôt le contraire. Ensuite, il ne faut pas nécessairement attendre un emploi qui pourra me ramener des revenus de bac+8 si c’est le diplôme que j’ai. Il ne faut pas rester oisif. C’est ainsi qu’on peut prendre sa vie en main. Par rapport à la vie matrimoniale, il ne faut pas mettre les charrues avant les bœufs. Il est plus urgent de manger que de faire des enfants. Chaque chose à son temps. Et pour finir, aspirer aux choses les plus belles, il faut chercher à être meilleur et nous laisser attirer par ce qui est bien et non précaire. Il faut avoir un cœur libre qui nous dispose à accueillir Dieu.
Propos recueillis par Fulbert ADJIMEHOSSOU



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