Père Patrice Biaou Adjéran sur le mercredi des Cendres et le temps de Carême : « Ce n’est pas le Carême qui nous sanctifie, mais c’est nous qui, par nos pratiques, nous sanctifions durant le temps de Carême… »

13 février 2024

Père Patrice Biaou Adjéran, curé de la paroisse Sainte Thérèse de Godomey rappelle, dans cet entretien, l’essentiel à comprendre de l’imposition des Cendres et du temps de Carême. Il a aussi invité la communauté et les hommes à ce qui est important, poser des actes qui plaisent à Dieu.

Ce mercredi, l’Eglise célèbre l’imposition des Cendres. Rappelez-nous ce qu’on peut comprendre à travers ce rituel.
L’imposition des Cendres, qui fait partie des pratiques liturgiques de l’Eglise et qui ouvre le temps fort de carême, est un rappel à tout chrétien et à tout homme de la fragilité de la personne humaine, de son appel à l’humilité et aussi de ce que nous sommes poussière et nous retournerons poussière. La Cendre, dans l’ancien Testament, comme par exemple le cas de David, c’est une marque de pénitence face aux péchés qui gagnent l’homme. A travers ce rite d’imposition des Cendres, nous entrons dans un processus de pénitence qui nous fait comprendre que nous sommes fragiles et faibles et nous avons besoin de la force de Dieu pour nous comporter de façon à lui plaire.

Ce processus dans lequel l’imposition des Cendres fait entrer dure 46 jours avant Pâques. Pourquoi cela ?
Le Carême dans lequel l’Eglise entre le mercredi des Cendres signifie Quarantaine. C’est quarante jours sans compter les dimanches, si les dimanches sont comptés, cela fait 46 jours, pour rappeler un temps de préparation comme 40 années de traversée de désert par le peuple d’Israël, Jonas qui a passé 40 jours dans les seins du monstre marin et 40 jours de Jésus au désert avant d’entrer dans l’effectivité de son ministère public. C’est la symbolique d’une préparation. Il faut souligner que l’Eglise ne fait rien au hasard. L’Eglise prépare toujours les grands événements de son existence et ceux qui nous ouvrent aux mystères du salut en Jésus Christ. C’est un temps de préparation qui nous conduit à Pâques et nous fait comprendre que c’est un temps de sanctification et de mise en condition pour entrer dans la grande grâce de la Résurrection qui rappellera la fête de Pâques.

D’où provient la cendre utilisée le mercredi des Cendres ?
La cendre que nous utilisons de façon pratique provient des rameaux bénis et séchés. Des rameaux que le peuple de Dieu a brandis pour exalter le Seigneur Jésus Christ le dimanche des Rameaux. Ce sont ces rameaux qu’on collecte, qu’on brûle et qu’on bénit avant de les imposer aux fidèles.

Peut-on choisir la cendre d’autres choses pour le mercredi des Cendres ?
Il faut rappeler que les rameaux ont permis d’exalter le Seigneur le dimanche des Rameaux et la passion du Seigneur. Donc, ces rameaux ont été bénis. Il faut aussi comprendre que la célébration comporte deux parties. Il y a le dimanche des Rameaux et la passion du Seigneur. Le lien ici, c’est que nous sommes dans une dynamique de sanctification et ces sanctifications passent par des symboles tels que des rameaux séchés et bénis par la suite. N’empêche que sous d’autres cieux, d’autres cendres ont été utilisées lors de l’imposition des Cendres à condition de les avoir bénies préalablement. Dans l’Eglise, il y a des symboles qui nous ouvrent aux mystères du Christ mais ils ne sont pas figés. Autrement dit, si dans des conditions difficiles, celui qui n’a pas la possibilité d’avoir des rameaux séchés, peut prendre autre chose qui produit la cendre qu’il faut avant de les imposer. Au-delà du symbole, il est important de s’attacher aux messages. Recevoir la cendre sur son front est un symbole mais le message qu’il transmet est plus grand que le symbole. Pour moi, il ne faut pas simplement s’arrêter au symbole mais s’attacher aux messages et vivre le message de pénitence. Après la conversion, il faut savoir que sans Dieu nous ne sommes rien, nous ne valons rien et nous ne pouvons rien. C’est la plus simple expression de l’homme qui est fragile.

En quoi cette pratique d’imposition des Cendres est-elle nécessaire ?
La nécessité de cette pratique des Cendres se trouve dans ce que le temps de Carême est fondamentalement un temps de conversion. Et entrer dans le temps de conversion par cette porte que j’appelle l’imposition des Cendres, c’est nous préparer psychologiquement, moralement, spirituellement voire matériellement pour entrer dans un processus de conversion durant tout le temps de Carême. C’est comme une porte sainte par laquelle nous entrons pour vivre saintement le temps de Carême.

Des dispositions sont prises à cet effet pour permettre même aux malades de recevoir les Cendres. Qu’advient-il de ceux qui ne pourront pas le faire malgré les dispositions ?
Il n’y a pas de sanction possible. Nous sommes dans une dynamique de symbole qui amène à poser des actes concrets. Cette préoccupation me rappelle ce que j’ai vécu sous d’autres cieux. Malgré les dispositions de l’Eglise, beaucoup viennent après le mercredi des Cendres pour recevoir la cendre. Certains se sentent psychologiquement affectés de n’avoir pas reçu la cendre et ils demandent jusqu’au dimanche. Le message est pourtant clair. La liturgie dit : ‘’mercredi des Cendres’’. Après mercredi, c’est jeudi ou vendredi après les Cendres. C’est pour dire que le symbole, c’est de recevoir la cendre pour commencer le temps de Carême. Chez d’autres, il y a une sorte de fétichisme ou superstition sur les Cendres. Ailleurs, d’autres se servent des cendres pour préparer des tisanes en vue des guérisons. Cela fait que des malades qui n’ont pas pu recevoir la cendre se sentent oubliés et cela les met mal à l’aise. Je dirai que c’est un acte de foi reçu dans la foi et qui nous amène à vivre dans la foi. Ne pas le recevoir le mercredi des Cendres peut déranger mais cela n’empêche pas de vivre le Carême. Si faute de temps, je n’ai pas pu recevoir la cendre le mercredi des Cendres, cela ne m’empêche pas de vivre le temps de Carême avec la disposition que j’ai prise en terme d’effort et résolution. Il est préférable de se préparer pour un temps de Carême avec les dispositions requises. On se donne une ligne de conduite à avoir durant le temps de Carême et cette ligne de conduite, je m’attele à la vivre. La cendre que je vais recevoir me met en route. Recevoir la cendre est une mise en route pour l’entraînement au combat spirituel. Je reçois la cendre pour m’amener à la conversion durant tout le temps de Carême.

Un message à la communauté de l’Eglise notamment à celle de votre paroisse
Il faut saisir le temps de Carême comme une occasion de sanctification, un appel à la sainteté et ne pas traverser le Carême comme on traverserait le temps ordinaire. Il faut se donner des résolutions réalistes et se parer de bonnes résolutions et de courage pour mieux les vivre. Le principal avantage du temps de Carême, c’est de nous rapprocher et de Dieu et de nos frères et sœurs. Il s’agit aussi de voir dans son attitude quotidienne ce qui ne plaît pas à Dieu pour que le temps de Carême soit sanctifiant. Ce n’est pas le Carême qui nous sanctifie mais c’est nous qui, par nos pratiques, nous sanctifions durant le temps de Carême de telle sorte qu’à la fin de ce temps, chacun, après son bilan, puisse se dire : « J’ai vécu un beau Carême ». Je souligne aussi qu’avec ma petite expérience de jeune prêtre, le temps de Carême, c’est aussi le temps des grandes tentations. C’est le temps où on peut se mettre facilement en colère, des choses inattendues peuvent t’arriver. C’est le temps où la chair peut facilement se prononcer dans la vie d’un chrétien. Pour moi, c’est le temps des grands combats. Le combat spirituel existe toujours car le temps de Carême est aussi le moment où l’esprit de mal se lève pour tenter les chrétiens. Il faut faire tout saintement pendant le temps de Carême.

Votre mot de la fin
Je souhaite un bon, fructueux et sanctifiant temps de Carême à tout le peuple de Dieu. Que ce temps de Carême nous rapproche vraiment de Dieu et de nos frères et sœurs. Pour moi, il ne faudrait pas entrer dans le Carême avec des situations difficiles avec le frère ou la sœur et finir le Carême avec la même situation. Il faut qu’il y ait un changement. Et il n’y a pas de changement sans résolution et sans effort. Il n’y a pas de changement sans mourir à soi. J’invite le peuple de Dieu à ne pas renoncer à des sacrifices pour plaire à Dieu. Le plus important, ce n’est pas de faire le Carême mais le vivre avec ses exigences. Je les invite aussi à ne pas tomber dans une erreur qui est moins criant ici. Ailleurs où il y a un fort taux de musulmans, certains s’astreignent au régime musulman de jeûne. Beaucoup font le jeûne chrétien comme le jeûne musulman où ils ne trompent qu’à 18 h. A connaissance, le jeûne chrétien est flexible. Je jeûne en fonction de ce que je peux. Si je suis malade et astreint à prendre des médicaments, je ne peux pas jeûner comme une personne bien portante peut le faire. Le jeûne qui plaît à Dieu n’est pas se priver de nourriture mais changer de comportement. Nous pouvons jeûner de nos injures, de nos colères et simplement de nos péchés. Nous devons faire attention à nos penchants mauvais. C’est cela qui pollue notre relation avec le Seigneur. Que le peuple de Dieu ne renonce pas à consentir des sacrifices pour plaire à Dieu.
Réalisation : Fidégnon HOUEDOHOUN



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