Fulbert ADJIMEHOSSOU, Secrétaire général du Réseau des acteurs des médias pour l’eau, l’environnement et le climat (Ramec) : “Il faut communiquer l’espoir tout en informant sur l’urgence”

3 mai 2024

Pourquoi avez-vous choisi de vous spécialiser dans les questions environnementales ?
Ce n’est pas comme si j’avais eu le choix. J’ai décidé de me concentrer principalement sur les questions liées à l’environnement car j’ai toujours souhaité faire de la nature mon espace de travail, de militantisme et d’épanouissement. Il y a bien évidemment une logique à cela. J’ai étudié les sciences techniques et environnementales à l’université. De cette position, je constatais que les médias abordaient peu les sujets liés à notre cadre de vie.
Devenu journaliste, toutes les alertes que je recevais me poussaient à en faire davantage. J’étais incité à consacrer mon temps aux signaux précurseurs émanant des études, aux bouleversements déjà ressentis par les communautés, à la façon dont elles faisaient face à la crise écologique et climatique, et surtout à comment elles développaient la résilience. Pour moi, il était donc naturel de me spécialiser dans les questions environnementales et de m’y engager un peu plus chaque jour.

Quelle doit être, selon vous, la posture du journaliste face à la crise environnementale ?
C’est déjà bien de remarquer que c’est un devoir pour tous de couvrir l’urgence environnementale. Dans tous les cas, lorsqu’une crise atteint un niveau tel qu’elle monopolise l’actualité pendant plusieurs mois, comme ce fut le cas avec la Covid-19, les médias n’ont pas le choix.
Mais il ne faut pas attendre que les catastrophes se produisent pour se mobiliser. Sinon, la couverture ne pourra se faire que de manière lacunaire. Il faut s’y préparer et être habitué. Un journaliste spécialisé dans l’économie est suffisamment outillé pour aborder la crise climatique sous l’angle des pertes et dommages, des besoins de financement, de la corruption au détriment de la nature, etc.
Un journaliste santé est bien placé pour informer et alerter sur les effets sanitaires, visibles et invisibles, de la crise environnementale. Un journaliste culturel est capable de nous faire découvrir de belles productions sur la manière dont la préservation des forêts influence la conservation de ces écosystèmes, ou sur la façon dont l’érosion côtière affecte une partie de notre patrimoine culturel.
Que dire du journaliste politique, qui peut interroger les partis politiques sur les contradictions entre leurs discours environnementaux et leurs actions politiques ? Il y a tant de tâches à accomplir chaque jour qu’on ne peut pas tout confier au seul spécialiste des sciences ou de l’environnement.
Les médias doivent avoir une ligne éditoriale sensible à l’urgence climatique, pour tous les DESKS. Ensuite, lorsqu’on aborde les questions environnementales, il ne faut pas en ajouter à la peur. Il faut communiquer l’espoir tout en informant sur l’urgence. On a tendance à croire que semer la panique incitera les gens à agir, mais il est essentiel d’adopter une approche plus constructive. Lorsque je suis confronté à des projections climatiques alarmantes, ma posture est d’aller à la rencontre des communautés pour comprendre comment elles vivent la situation, comment elles s’adaptent et comment leurs voix et leurs solutions peuvent être prises en compte.
Il y a de la place pour l’investigation. Le danger n’est pas l’inaction des décideurs ou des industriels, mais plutôt lorsqu’ils prétendent avoir accompli des actions dont les résultats ne sont pas vérifiables. Cela frustre et complique la situation. C’est le devoir de tout journaliste de rester vigilant. Notre posture ne doit pas être celle des scientifiques ou de la société civile. Nous devons garder la tête sur les épaules, faire preuve de discernement et comprendre ce dont le grand public a le plus besoin. Le langage que nous utilisons doit être adapté, communiquant l’urgence avec des messages clés, un langage accessible et des exemples concrets. Le journaliste qui couvre l’urgence environnementale, comme tout autre journaliste, valorise le détail, la précision, les faits, l’histoire, le familier et l’instant présent. Il est avant tout citoyen, habitant de la terre, et subit aussi. Mais, il faut toujours qu’il se rappelle son rôle : informer et éveiller.



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