30 ans après la conférence nationale : Diagnostic et propositions de Talon pour relever le Bénin

Arnaud DOUMANHOUN 20 février 2020

A l’heure du bilan. Patrice Talon s’est livré volontiers à l’exercice. 30 ans après la conférence, des acteurs directs ou indirects se prononcent et qui mieux que l’actuel patron du Palais de la Marina pour évoquer à partir de son expérience actuelle de la gestion du pouvoir d’Etat, le chemin parcouru, les acquis et les perspectives d’un lendemain meilleur pour cette communauté d’Hommes au large de l’océan Atlantique. Sur l’objet, Patrice Talon a assuré au cours de son débat télévisé ce 19 février 2020 à la télévision nationale.
La constance que partage le chef de l’Etat : « j’étais rempli d’enthousiasme, euphorique même en suivant en direct sur les ondes de la Radio béninoise le déroulement de cette conférence qui, pour moi, constitue le fait majeur, fondateur de la nation béninoise, après notre indépendance ». Un sentiment de fierté qui continue de nourrir les espoirs à l’échelle de la nation. « Qui d’entre nous à l’époque n’a pas été envahi par une fierté de vivre une mutation dans une ambiance telle, sans effusion de sang, en bonne convivialité ? Qui n’a pas été envahi par l’espérance, l’espérance de démocratie, de liberté, de développement ? », s’est interrogé Patrice Talon.
Ce sera d’ailleurs la problématique des lendemains de la conférence nationale, sur laquelle les avis sont aussi diversifiés que contradictoires. Mais l’homme du nouveau départ ne passera pas par quatre chemins pour livrer ses impressions : ‘’30 ans sont passés. Tout le monde reconnaît que nous manquons de tout, que même les choses les plus caractéristiques de ce que nous avons été : l’école s’est dégradée, la santé, n’en parlons plus ; les infrastructures minimum ; le confort de vie : l’eau, l’électricité, manquent à la plupart de nos concitoyens’’.
A en croire le chef de l’Etat, il y a lieu de s’interroger sur le fait que le développement ne soit pas au rendez-vous, 30 ans après la conférence nationale, afin de procéder aux ajustements nécessaires. ‘’C’est ce que j’ai essayé de faire avec mon équipe et cela peut être diversement apprécié. Est-ce qu’il n’était pas temps de réformer nos habitudes, de nous mettre au travail plus sérieusement ? Les réformes, ce n’est que ça’’. Selon le diagnostic du patron du régime du Nouveau départ, dans la plupart des secteurs de vie, ses compatriotes ont manqué de sérieux, de rigueur, de détermination et de volonté.

Les réformes au prix de la liberté ?
A la question de savoir si les libertés ont reculé au Bénin, en cet anniversaire de la conférence nationale qui a inauguré une nouvelle ère pour les libertés individuelles et collectives, Patrice Talon s’inscrit en faux. Et quand le journaliste lui oppose une publication d’Amnesty international en date du 20 janvier qui parle d’un climat de peur et de censure en évoquant 17 activistes et journalistes en prison du fait du code du numérique, les classements de Reporters Sans frontières qui ne sont pas en faveur du pays, il répond : « Je ne vois pas que les réformes nous ont fait perdre notre liberté, la démocratie ou la liberté tout court. Ces choix que nous avons opérés il y a 30 ans à la satisfaction de tous les Béninois, de la nation entière sont à préserver. D’ailleurs, notre pays reste un pays de démocratie moderne. Les libertés ne sont pas compromises », avant d’ajouter, « je n’ai pas l’impression que nous avons perdu la liberté de faire ce qui est permis et compatible avec l’intérêt général. On a peut-être perdu la liberté de faire impunément ce qui n’est pas compatible avec l’intérêt ou ce qui est préjudiciable à l’intérêt général ».
Ainsi, Patrice Talon met en rapport la liberté avec l’intérêt général. Pour lui, on peut choisir d’enfreindre les lois de la République mais il faut être disposé à en répondre.

Un reniement d’un des acquis de la conférence nationale ?
La question relative à la réforme du système partisan a été l’une des préoccupations abordées au cours de ces échanges avec Patrice Talon sur la conférence nationale qui, il faut le rappeler, a opté pour le multipartisme intégral.
« Est-ce qu’un parti politique qui a vocation à conquérir le pouvoir et l’exécuter peut être sans gêne un parti de quartier, de région, d’une ethnie ? La réforme du système partisan n’a pas remis en cause le multipartisme intégral. L’idéal pour nous, c’est que les partis aient l’envergure nationale compatible avec la responsabilité nationale qui va avec l’exercice du pouvoir ».
Il explique que la réforme actuelle exige que les partis politiques qui ont la responsabilité même exclusive d’animer la vie politique, de produire les dirigeants politiques, doivent avoir une envergure nationale, représentés partout dans le pays et être en mesure tout au moins de présenter des candidats aux élections législatives et communales dans toutes les circonscriptions.
Ainsi, pour Patrice Talon, même si tout n’est pas parfait, des pas sont franchis et 30 ans après la conférence nationale, au Bénin, l’environnement politique est en pleine métamorphose.

Lutte contre l’impunité, encore du chemin
Aucune autosatisfaction. Le président Patrice Talon ne s’est pas satisfait des résultats du pays en matière de lutte contre l’impunité surtout au regard du dernier rapport de Transparency International. De la 95e place en 2016, le Bénin est passé au 80e rang sur 180 pays en 2019 pour ce qui concerne l’indice de perception de la lutte contre la corruption. « Je voudrais que dans le monde entier, le Bénin soit cité comme le pays où la lutte contre l’impunité soit la plus appréciable de tous les pays du monde. Je voudrais être premier, je voudrais que le Bénin soit premier ». Il ne manque pas non plus de répondre au reproche qu’on fait au régime en qualifiant bien souvent à tort ou à raison, cette lutte de sélective. « Jusque-là, jamais personne ne répond de ses actes notamment les dirigeants de la cité. Jamais ! Cette appréciation est subjective ».
Ainsi, Patrice Talon est plus proche, en matière d’idéologie, de cette assertion de l’Abbé Pierre qui dit : « L’histoire des peuples est faite de longues disciplines et de soudaines indisciplines. Il arrive un moment où quelqu’un sort du lot et dit NON ».



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