7e législature : Les appréciations sous l’égide de l’Abdc

Isac A. YAÏ 28 septembre 2018

« La septième législature dans la démocratie béninoise ». C’est autour de cette thématique que l’Association béninoise de droit constitutionnel (Abdc) en collaboration avec la Fondation Hanns Seidel a mobilisé ce jeudi 27 septembre, à la salle de conférence de la Cour d’appel de Cotonou, des personnalités politiques, des juristes et autres acteurs de la société civile pour apprécier l’action parlementaire au cours de ces dernières années.
Globalement, la 7e législature a été très prolifique en termes de production de lois dans divers domaines de la vie du pays. A en croire le député Jean Michel Abimbola, de la majorité présidentielle, au total 141 lois et 61 accords de financement (au 10 septembre 2018) sont à mettre à l’actif de cette législature qui tire à sa fin. « C’était une législature de réformes », a-t-il indiqué. Mais au-delà de cette explosion législative, le président de l’Abdc, le professeur Joël Aïvo, le juriste Serge Prince Agbodjan et autres participants à ce rendez-vous d’échanges, se sont plutôt interrogés sur la qualité desdites lois, surtout leur impact sur le progrès social. Sur la question, beaucoup de réserves sont émises. Aussi, les acteurs sont-ils restés sur leur faim quant au contrôle de l’action gouvernementale, qui a suffisamment fait défaut au cours de la 7e législature. Et ce serait l’un des défis majeurs à relever par le prochain parlement.

Professeur Joël Aïvo : « Je souhaite que les gouvernants aient des résultats, mais dans la liberté et la sécurité pour chacun d’entre nous ».

Notre pays le Bénin est fondé sur la Constitution de 1990 qui elle-même est adossée à un héritage qui a été pétri dans le sang, dans la sueur ; A la conférence nationale, nous avons dégagé quelques principes et dit que notre vivre ensemble sera adossé à ces principes. Que plus jamais, nous allons faire recours à des citoyens qui amènent à prendre la fuite, à se retrouver en prison injustement. Et ce que je veux dire, c’est que notre vivre ensemble est adossé à ce corps de principes ; et c’est pour ça que certains sont si déterminés, qu’on a le sentiment qu’ils sont têtus, ils ne comprennent rien, ils disent les mêmes choses. Vous savez, les présidents Kérékou et Soglo, nous les avons contraints à gouverner dans un cadre, de même que Boni Yayi, un cadre de liberté, de pluralisme, de concurrence. Qu’ils veulent des résultats ou pas, on a dit, nous voulons vivre et nous développer dans la liberté. Ça, c’est un projet. Nous voulons nous développer dans la liberté. Donc, mes chers amis, souffrez que, à chaque fois, qu’un de nos citoyens a le sentiment que nous voulons aller plus vite, mais dans un cadre qui ressemble de moins en moins à un cadre de liberté, à un cadre de pluralisme, de sécurité, qu’il puisse le rappeler.
Excusez-moi, mais je vous dirai en tant que citoyen, en tant que universitaire, j’ai beaucoup d’amis au Bmp, j’ai beaucoup d’amis de l’autre côté, mais je me suis fait le devoir de rappeler à chaque fois, que moi je concède tout sauf la liberté et la démocratie, le pluralisme. Je souhaite que les gouvernants aient des résultats, mais dans la liberté et la sécurité pour chacun d’entre nous.
C’est vrai que la commission des lois a été très active et a voté beaucoup de lois, et on ne peut plus faire de reproches à ce niveau. Je prends l’exemple d’une loi.
En droit du travail, le contrat à durée indéterminée c’est le principe et le contrat à durée déterminée est l’exception. Ce n’est pas pour rien que dans tous les pays sérieux et normaux du monde on dit que quand je travaille et que par exemple, je veux rédiger des projets et que je veux avoir un contrat à durée indéterminée, je vais pouvoir louer, faire un prêt et réaliser. Donc, le fait que le réaménagement du code du travail, le réaménagement des lois sociales, amène quelqu’un à rester à vie dans un contrat à durée déterminée, est-ce qu’on a un impact pour permettre d’atteindre l’objectif de flexibilité du marché et pour permettre de recruter assez vite ? C’est une grosse source d’insécurité.
Je souhaite que très vite, le progrès social auquel nous aspirons, au nom de ça et de la sécurité, et pour tous ces jeunes qui arrivent sur le marché du travail, s’il y a possibilité de correction, qu’on corrige. En revanche, si vous me dites que l’application de la loi a déjà donné des résultats en termes de lutte contre le chômage et de création d’emploi et qu’il y a des statistiques, d’accord.
L’autre question est relative au code électoral et à la charte des partis politiques. Je ne serai jamais convaincu. Il n’y a pas un pays au monde, un pays de notre espèce, qui ait fixé un tel montant comme caution financière. Il m’a fallu trois jours pour digérer que le parlement de notre pays a pu adopter une loi qui impose 249 millions pour un candidat aux élections législatives. Le multipartisme est intégral ou il ne l’est pas du tout.

Anne Adjaï Sika : « La déclaration de Maputo pour le financement des partis politiques nous oblige à de grands regroupements. Maintenant, s’il y a des failles dans la loi, il va falloir rectifier »

Il nous faut avoir des citoyens de type Platon. Il faut des gens qui puissent dire « non », même quand ils sont du côté du pouvoir. Ce n’est pas seulement quand on est de l’autre côté qu’il faut dire « non ». Ceux aujourd’hui qui disent non, ils étaient aux côtés du pouvoir et ils ont dit « oui ». Aujourd’hui, ils se retrouvent dans l’opposition, et c’est maintenant qu’ils croient critiquer.
Quand on signe des déclarations, quand on ratifie des conventions, on les respecte, on les met en application. C’est pour cela qu’il y a la société civile et l’opposition. J’étais membre de la délégation qui a signé la déclaration de Maputo pour le financement des partis politiques. Ça nous oblige à de grands regroupements, aussi bien dans la mouvance que dans l’opposition.
Il a été donc question de grands regroupements pour financer les partis politiques. C’est à travers ce financement que les partis peuvent recruter du personnel. Ils peuvent faire de grandes activités. Si c’est pour cela qu’on a mis les 250 millions de francs Fcfa, ils doivent être en mesure de payer pour les membres de leur parti, ce qu’on leur demande comme caution. Si ce n’est pas ça, alors, c’est de l’arnaque. Maintenant, s’il y a des failles dans la loi, il va falloir rectifier. C’est le rôle de la société civile et de l’opposition pour réduire les dérives de l’Etat.
C’est la première législature qui m’a donné cette joie de faire la politique. J’avais devant moi deux groupes. L’opposition qui félicitait le régime en place quand c’était bien fait, et les députés du régime qui est en place qui désapprouvaient le Gouvernement quand c’est mal fait. Chacun n’a qu’à aller avec sa conscience. Il nous faut avoir des députés de type Platon. Je vous demande de faire appel à votre conscience, la conscience morale.

Jean Michel Abimbola : « Je fais le pari que l’histoire rendra justice à la 7e législature pour beaucoup de choses »

En ce qui concerne le bilan qualitatif des lois votées par les députés de la 7e législature, je pense que nous n’avons pas suffisamment de profondeur temporelle pour pouvoir analyser tous les impacts. Nous pouvons dire nos sentiments, nos craintes, exprimer nos sensations, nous pouvons extrapoler mais il est impossible de dire, quel sera l’impact positif ou négatif pour notre démocratie des lois majeures, des réformes majeures que nous avons prises à l’assemblée nationale. Je voudrais dire enfin que je fais le pari que l’histoire rendra justice à la 7e législature pour beaucoup de choses.
Vous avez dans cette législature des hommes réputés de grande qualité, toutes tendances confondues. Vous avez des gens d’un niveau que la seule législature qui pourra l’égaler, c’est la première législature. La deuxième chose, c’est au niveau de la production en quantité et en qualité et au niveau de la volonté de changer notre société et de faire avancer notre société positivement.

Léon Basile Ahossi : « Sous la 7ème législature, nous nous occupons beaucoup plus des questions politiques…. »

C’est vrai que de dehors, on observe beaucoup de bruits, beaucoup de mouvements, beaucoup d’agitations, mais, du point de vue du parlementaire de la minorité que je suis, du parlementaire de l’opposition que je suis, tout n’est pas noir. Tout n’est pas noir parce que les hommes qui ont été sélectionnés à travers tout le pays pour composer le parlement ne peuvent pas tous, à un moment donné, ne pas connaître leur vrai rôle. C’est vrai que depuis 2016, les choses se sont accélérées, une autre vitesse, Les choses ont pris une autre tournure. Et c’est bien heureux que nos populations constatent que la production parlementaire augmente, et c’est aussi de bon droit qu’elles s’interrogent sur la qualité de la production parlementaire sous la 7ème législature.
Je crois que nous n’avons pas toujours la parole facile pour expliquer à nos mandants ce que nous faisons parce qu’il nous arrive la plupart du temps de faire beaucoup plus des choses politiques que ce qui devrait permettre à notre société de s’épanouir, de se développer. Je crois que sous la 7e législature, nous nous occupons beaucoup plus des questions politiques que de ce qui peut permettre à notre pays d’emprunter, d’amorcer la route du développement. Certainement, je ne suis pas et je ne serai pas compris comme un député objectif, si je me mettais à critiquer la plupart des lois qui ont été votées et je dois dire contre lesquelles la minorité a souvent voté, mais que nous assumons en tant que députés.
Je voudrais demander en partant d’ici, qu’on aille dire à nos électeurs de balayer toute la 7ème législature parce qu’il n’y a pas de Diogène dedans et Alexandre le Grand est en train de conquérir et ira bientôt au-delà des mers. J’ai entendu beaucoup de choses. Nous avons voté beaucoup de lois : la loi sur la fonction publique, la loi sur les collaborateurs extérieurs et tout ça est venu déstructurer notre fonction publique. C’est venu précariser l’emploi. Les collaborateurs extérieurs nous permettent de faire venir nos amis qui nous coûtent plus cher que les petits béninois qui végètent dans un désert de compétences.
La police républicaine est une grave erreur que nous assumerons pendant longtemps. Aujourd’hui, il y a des gens plus gradés qui servent sous des gens moins gradés. Allez au commissariat de Comè, vous verrez qu’il y a des gens plus gradés qui servent sous des gens moins gradés. Je ne parle pas de la douane où un commandant commande un colonel. C’est ça les réformes. Et j’ai entendu dire qu’on justifie La Criet par le fait que les autres structures n’étaient pas outillées. Mais n’était-il pas plus simple de leur donner des outils ? J’ai été heureux d’entendre toutes les communications. Ça met au grand jour que l’Assemblée n’existe plus. Nous avons commis des erreurs. Il faut que les électeurs le comprennent et que peut-être que je serai candidat, et si les électeurs ne me jugent pas convenable, qu’ils me retirent leur vote.

Candide Azannaï : « Le défi pour la législature à venir, c’est de réhabiliter le parlement »

Je voudrais un peu m’amuser sur deux volets. Le premier, c’est le prototype du conseiller du chef, du conseiller du roi, et dire à chacun que ce prototype ne se retrouvera pas dans des types de caractères comme les caractères de Platon. Pas du tout ! Mais le conseiller du roi va s’inspirer d’un texte extraordinaire qui a eu lieu entre Alexandre Legrand, symbole du pouvoir et de direction de l’Etat et Diogène, symbole de la nudité, de la vérité. Un jour, Diogène se promenait sur la place publique et s’est couché. Il était là et entend des cliquetis, et arrive Legrand Alexandre. Diogène se réveille et dit : mais qu’est-ce que tu veux ? Alexandre dit « tu ne me connais pas ? ». Il dit : « je ne te connais pas, mais tu m’as l’air d’un voleur, d’un brigand, alors viens-tu me dérober mes biens ? » et à Alexandre de dire « mais écoute, j’ai de l’or, j’ai dominé la place, j’ai dominé tout le monde et je vais bientôt franchir les océans ». Diogène lui répond : « oui, tu es pauvre, tu n’as rien et tu es venu me dérober. Moi j’ai quelque chose qui est la vertu et le courage. Ce que tu n’as pas, Alexandre ».
Voilà un texte extraordinaire qu’on doit enseigner dans les écoles, dans les formations de dirigeants. Parce que si vous n’avez pas cette capacité de dire la vérité au chef, vous allez couler le chef. Le chef n’est pas le spécialiste. Il n’est pas Aristote, il n’est pas Hegel. Le chef c’est l’homme simple que vous avez vu que vous avez élu, que vous avez choisi.
C’est pour ça que je loue le professeur Joël Aïvo. Ce n’est pas l’accumulation de diplômes, d’attestations qui fait l’homme qui connait. L’homme qui connait, c’est l’homme qui assume la connaissance. Nous avons des textes meilleurs.
Moi quand j’étais jeune, j’ai pris part à tous les combats. Je continue malheureusement. Je suis obligé de reprendre mes vieux treillis et la bagarre.
Le second volet de mon intervention, c’est le prototype du parlementaire. Le parlementaire a une fonction très simple. Il représente, il est représentant. Et dans les systèmes démocratiques, surtout dans le système de représentation qui est le nôtre, le représentant est à côté du représenté. C’est dangereux ! Lorsque vous représentez quelqu’un qui est à côté de vous, vous ne pouvez pas tout faire. Parce que si vous êtes en train de faire mal, la personne que vous représentez ne sera pas d’accord.
Si le représentant traduit mal, le peuple va lui dire vous avez mal traduit et la chute ne sera pas bien. Ne croyez pas que vous allez attendre la fin du mandat pour aller faire une reddition de comptes, non ! Le représenté peut à tout moment dire, ce que vous avez dit n’est pas juste.
La démocratie est norme et il n’y a pas de variation, de tropicalisation. On ne peut pas gouverner avec des normes qui ne sont pas démocratiques. Nous avons un pays magnifique. Il n’y a pas possibilité à dire, vous tenez la route et je vous arrache votre liberté, vous tenez des soins de santé et vous n’avez plus de liberté, vous tenez le développement et je tue le multipartisme intégral. On ne peut être ni représentant, ni chef d’Etat, ni président de la République, ni ministre que lorsqu’on parle du référentiel qui est la conférence nationale. Notre pays est conçu autour d’une République qu’on appelle République du Bénin, qui n’est pas créee avant. Nous avons créé à la conférence nationale la République de Bénin, qui a commencé en mars 1990, sur des bases et un consensus. Et le principal, c’est le multipartisme intégral.
Le multipartisme intégral, c’est ça notre base, la liberté, c’est ça notre base. Il n’y a pas d’autres choses à faire. Et je voudrais vous dire que le défi pour la législature à venir, c’est de réhabiliter le parlement. Parce que le parlement est devenu inaudible. Quand un chef d’Etat vous appelle pour dire, voilà ce que je veux que vous fassiez, dites-lui le peuple ne veut pas. Je laisse chacun à sa conscience.

Éric Houndété : « Le défi pour la 8e législature est de former ses membres à la connaissance des procédures, des textes parlementaires… »

Le défi pour la 8e législature est de former ses membres à la connaissance des procédures, à la nécessité du respect des procédures, des textes parlementaires. Il se trouve encore que trois ans après, presque à la fin de la législature, des députés ne connaissent pas les textes qui régissent l’organisation parlementaire, ne savent pas que le gouvernement doit recevoir le budget de l’Assemblée Nationale et intégrer. Et qui trouvent de justification à ces manquements du gouvernement.
Tous les citoyens qui sont appelés dans une fonction doivent comprendre la fonction. La question, c’est le député qui se définit comme étant le représentant du peuple. Certains comprennent cela comme étant le représentant du président de la République ou du chef de l’Etat et s’efforcent de montrer qu’ils doivent être et prouver au chef qu’ils sont ses représentants à l’Assemblée nationale.
Lorsque nous sommes fiers d’avoir voté 141 lois, des lois sociales, des lois économiques, sécuritaires…, toutes choses qui n’ont pas manqué au cours des anciennes législatures, il est important qu’avant de prendre une loi et après l’avoir prise que d’abord, nous évaluons le passé pour situer la pertinence de la nécessité du changement et ensuite évaluer l’impact de ce que nous faisons.
Le Bénin a évalué la nécessité de donner des chances à chaque citoyen d’avoir accès aux centres de santé à travers la loi sur le Régime d’assurance maladie universelle ; parce que lorsque vous êtes en situation de maladie, vous n’avez toujours pas les moyens de faire face aux soins. En 2015, nous avons voté la loi sur le Ramu. A cette date, cette loi est mise au placard par le chef de l’état qui nous promet l’Arche.

Honorable Orden Alladatin : « Ce n’est pas juste de dire que ce sont les opposants qui ont le plus posé de questions ce dont il est question, ce n’est pas une démission du gouvernement… »

J’ai découvert un parlement de travailleurs, toutes tendances confondue. Nos discussions sont des discussions sérieuses. Parfois j’observe que tout ce qui se dit en plénière n’est pas la vérité du parlement, ce que nous disons n’est pas la vérité de la production législative que j’ai vécue. Les discussions se font surtout au niveau des commissions. Il nous est arrivé de demander des suspensions en plénière et de retourner en commission discuter sur des objections faites par des députés de l’opposition, et ça on en parle peu.
J’aurais voulu avoir des statistiques des deux dernières législatures aussi pour ce qui concerne le contrôle de l’action gouvernementale. On n’en a pas eu. C’est important pour la postérité, pour la recherche quand on apprécie la législature en cours par rapport au contrôle de l’action gouvernementale et qu’on ne compare pas à ce que vous avez été, ça cause un petit problème en matière d’analyse, d’évaluation. J’aurais bien voulu l’avoir.
L’honorable Dakpè Sossou de la majorité a été celui qui a posé le plus de questions au gouvernement en termes de questions d’actualité, de questions orales et de mise en place de commissions parlementaires. Il a été aussi avec Talon depuis, il est resté avec le président Talon jusqu’aujourd’hui, donc ce n’est pas juste de dire que ce sont les opposants qui ont le plus posé de questions et ce dont il est questions, ce n’est pas une démission du gouvernement. C’est que les questions ne sont pas programmées. C’est un problème que l’on a et qu’il faut solutionner. Parfois, vous voyez des ministres venir poireauter du matin jusqu’au soir sans être programmés, sans être reçus, c’est ça la vérité. Donc, il ne faut pas croire que le gouvernement ignore le parlement.
Nous avons intérêt que les ministres passent au parlement pour venir répondre à la représentation nationale. C’est nous qui sommes surtout demandeurs, parce que quand le gouvernement passe, le gouvernement dit tellement de choses que nous disons, mais pourquoi vous ne venez pas souvent nous le dire.
Moi je vais commencer par m’organiser pour avoir la possibilité de prendre la parole après l’intervention des ministres. Chaque fois qu’un opposant va poser une question, je poserai la même question pour avoir l’opportunité de parler, c’est une stratégie personnelle que je vous livre. Sur la question des partis politiques et du code, je vous en prie, ne lisons pas trois éléments de façon isolée. Le code, la charte des partis politiques et la loi à venir sur le financement public des partis politiques sont à lire ensemble.
Si vous les lisez de façon isolée, je comprends la perception et vous serez outillés à avoir ces appréhensions. Lisez de façon couplée, je ne veux pas opiner sur les montants mais je voudrais dire l’objectif visé et je suis convaincu que dans les dix prochaines années, peut-être dans les quinze prochaines années, je militerai pour qu’il y ait la caution zéro. Le montant n’est pas l’essentiel, l’essentiel c’est là où nous allons.
Moi j’ai l’impression que le confort démocratique que nous avons bâti depuis 1990 nous nous y complaisons et nous sommes en arrière, il faut bouger et c’est parce qu’il faut bouger que j’ai la chance d’approcher le pouvoir. Il faut bousculer un certain nombre d’habitudes que moi je prends parfois pour du libertinage. Nous ne voulons pas construire de libertinage. Vous avez tous vu dans ce pays depuis 1990 comment ça s’est passé en matière de grève. Dans le pays, le député que je suis, je dis que je prends mes responsabilités. Pour l’interdiction du droit de grève des agents de la santé, j’assume. Je voudrais défier les prochains pouvoirs qui vont venir puis qu’aucun pouvoir n’est éternel, d’avoir à abolir cette loi lorsqu’ils seront aux affaires, pour donner aux militaires, aux policiers, aux agents de santé le droit d’aller en grève.
Par rapport à la loi sur l’emploi qui a été évoqué, je vais noter au passage que Macron a fait évoluer la loi sur l’embauche chez lui par décret, nous, nous l’avons fait par loi.

Le juriste Serge Prince Agbodjan : « On peut aisément constater que l’héritage de la 7e législature a été une explosion législative. Mais il est intéressant de s’interroger sur la qualité et la cohérence des lois… »

Le constituant a produit à notre avis tout le mécanisme pour permettre à l’Assemblée nationale de jouer son rôle législatif et d’assurer sa 2è mission qui est le contrôle de l’action gouvernementale.
Vous avez l’article 79 qui fonde le principe du contrôle, l’article 113 qui oblige le gouvernement à fournir des explications qui seront demandées par les députés dans le cadre du contrôle et enfin l’article 138 de la Constitution qui indique l’infraction « outrage à l’Assemblée » dès lors qu’il y a refus de respecter les interpellations. Cela signifie que le constituant insiste sur la question du contrôle et du fonctionnement de l’Assemblée nationale, pour qu’elle ne quitte pas le contexte dans lequel on l’a placée, qui est de voter les lois, mais en même temps, de contrôler l’action gouvernementale.
Mais on peut tout aisément constater que l’héritage de la 7e législature a été une explosion législative, et nous avons eu dans cette explosion législative des lois qui ont touché la vie sociale, la vie sécuritaire… Mais il est intéressant de s’interroger sur la qualité et la cohérence des lois. Pour la qualité et la cohérence des lois, il ne nous est pas possible d’avoir l’impact, cependant, il nous est possible d’avoir des indicateurs qui peuvent nous permettre de savoir si ces lois, ont une capacité de répondre à la préoccupation des citoyens.

Quelques incohérences dans les lois
1er indicateur, cette explosion a été caractérisée par l’indicateur que nous a donné la Cour constitutionnelle présidée par le professeur Holo. Nous avons senti que la plupart de ces lois qui sont passées en contrôle de constitutionnalité, sont revenues à l’Assemblée nationale d’une part parce qu’il y a des incohérences dans les textes et d’autre part, parce que ça constitue des reculs par rapport au niveau de démocratie qu’on avait. On peut discourir sur la Cour mais pour nous, c’est un indicateur.
2è indicateur, c’est l’incohérence notée au niveau de certaines lois. A titre d’exemple, le législateur béninois a décidé de nous sortir une charte des partis politiques. Et dans cette charte, je crois à l’article 11, ils nous indiquent que les citoyens sont libres d’adhérer à un parti politique. Mais lorsqu’ils élaborent le code électoral, ils viennent dire que pour être député ou élu local, il faut être présenté par un parti politique. L’honorable Jean-Michel Abimbola a même dit qu’on ne peut pas contraindre le Président de la République à passer par un parti politique, et c’est la réalité. Mais le code électoral vient dire qu’on peut contraindre un autre citoyen, pour être député, à passer par un parti politique. Ça pose un problème d’incohérence de la loi.
La 2e incohérence qu’on peut noter est liée à la loi portant amendement du code de procédure pénale. En effet, le législateur a supprimé les cours d’assises parce qu’il estime qu’elles n’ont pas une possibilité d’appel des décisions et que ça devient un contrôle de cassation qui est un contrôle de légalité et donc, parmi les éléments de contrôle de lois pour être plus explicite. Parmi les éléments qui ont fondé la suppression de la cour d’assises, en dehors des questions de financement, il y a eu cette volonté de permettre aux justiciables de pouvoir s’exprimer au second degré.
Mais ce même législateur, quelques mois après, vient nous sortir une autre juridiction qu’on appelle la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme, et empêche le citoyen de pouvoir aller en appel. Et nous sommes ici en matière des libertés et de la vie des personnes et vous avez vu les premières décisions, 20 ans de prison. Et lorsque nous prenons de pareilles décisions sans même donner la possibilité d’une instruction plus longue, nous risquons de faire des erreurs. Ce faisant, nous risquons de faire des victimes. On me dira que la Haute Cour de justice aussi tranche sans appel et je répondrai en disant que c’est parce qu’il y a des garde-fous. Regardez la procédure de la Haute Cour de justice. Il y a d’abord une demande d’autorisation qu’on envoie à la chambre d’accusation (constituée de trois juges) de la cour d’appel (composée également de trois juges) qui fait son instruction, qui finit son instruction, ne prend pas son ordonnance de renvoi devant la juridiction, s’arrête ; renvoie l’instruction vers le parlement pour demander maintenant la mise en accusation pour permettre à ce qu’on revoie encore. Après avoir fait tout cela, on siège. Voilà assez de garanties à celui qu’on veut inculper de pouvoir avoir les moyens de se faire entendre.
Autre élément d’incohérence qui se pose aujourd’hui et qui se posera largement, c’est la réforme liée à la mise en place des tribunaux de commerce.
Nous sommes dans un vide aujourd’hui, dans la mesure où nous n’avons pas les cours d’appel de commerce et nous n’avons pas non plus la possibilité d’avoir le fonctionnement des décisions ou jugements rendus par le tribunal de commerce qui sont appelés. On pourrait appeler ça un déni de justice qui est patent aujourd’hui.

Le contrôle de l’action gouvernementale
En ce qui concerne le contrôle de l’action gouvernementale, le seul indicateur que nous avons aujourd’hui, c’est celui que nous a donné par deux fois, le Vice-président de l’Assemblée nationale à l’occasion des vœux. Le vœu de 2017 pour l’exercice 2016, le Vice-président indique qu’au niveau du contrôle de l’action gouvernementale, beaucoup de choix restent à faire en matière de questions au gouvernement et de contrôle parlementaire. Il va plus loin en nous donnant des chiffres : ‘’19 questions d’actualité ont été posées au gouvernement, 4 ont été examinées. 44 questions orales avec débat ont été posées au gouvernement, 3 seulement ont été examinées. 3 questions orales sans débat ont été posées au gouvernement en 2016, aucune n’a été envoyée et 11 questions écrites ont été posées au gouvernement, 6 seulement ont été répondues. En matière de commission d’enquête, il n’y en avait en pas en 2016.
Pour les vœux de 2018 exercice 2017, après l’alarme que les députés eux-mêmes ont donnée en 2016, le Vice-président de l’Assemblée indique dans son vœu du 11 janvier 2018, que la question du contrôle se repose car il souligne que sur ‘’16 questions d’actualité qui ont été posées, 9 ont été examinées. Sur 60 questions orales avec débat posées, 18 seulement ont été examinées. En 14 questions écrites envoyées, aucune n’a été enregistrée alors même que le mécanisme constitutionnel permet que lorsque le gouvernement ne répond pas, c’est une question d’interpellation qui peut amener à l’outrage à l’Assemblée. La question de droit qui se pose est : qu’est-ce qui se passe sur le contrôle gouvernemental ? Est-ce qu’il n’y a pas de souci dans cette législature en ce qui concerne le contrôle de l’action gouvernementale ?
Et ça pourrait être les défis que les prochaines législatures doivent pouvoir relever pour permettre à tout le processus législatif de prendre corps. La condition du développement du Bénin, selon notre préambule, est la garantie du respect des droits de l’homme et des libertés publiques.



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