Alain Orounla : « Le dialogue politique n’est pas la conférence, ni une assise nationale… »

La rédaction 8 octobre 2019

Depuis l’annonce de ce dialogue politique, il s’est répandu dans l’opinion un certain nombre d’interprétations qui sont de nature à semer la confusion dans les esprits et à percevoir cette invitation bienveillante du gouvernement et de son chef comme de nature à confondre les genres et les notions. Le dialogue politique auquel les acteurs politiques sont conviés n’a rien à voir avec ce que nous avons pu connaître par le passé, c’est-à-dire la conférence nationale ou un dialogue national.
Alors il est apparu nécessaire de préciser quel est le cadre et le contenu à donner à ce que nous appelons dialogue politique qui est radicalement distinct de ce qui a été semé dans les esprits à savoir une conférence ou un dialogue national. Donc, je m’emploierai à vous dire que le dialogue politique n’est pas la conférence, ni une assise nationale. Des exercices qui sont imposées par les circonstances, par le temps, c’est-à-dire qu’on invite à un dialogue national ou à une conférence nationale comme on a pu en connaître en 1990, lorsqu’il s’agit de s’asseoir pour changer l’orientation politique du pays, pour revoir les bases économiques, lorsqu’on est dans une situation de crise nationale, sociale et on se revoit pour redéfinir les bases du vivre ensemble, les nouvelles orientations à donner. C’est ce qui s’est passé en 1990 où on a dû arriver à cette conférence dite des forces vives de la Nation, parce que les fonctionnaires étaient sans salaire, l’administration était paralysée, l’économie était totalement asphyxiée et vivre en ce moment dans notre pays était devenu difficile, voire impossible. C’est ce genre de situation qui appelle à un sursaut national et qui invite la discussion de toutes les composantes de la Nation pour trouver une solution de sortie de crise. C’est ça une conférence nationale. Le dialogue national requiert la présence de toutes les composantes ou de la plupart des composantes de la Nation.

‘’Ce dialogue ne nécessite pas que tout le monde s’y invite’’
L’exercice auquel le gouvernement du Bénin et son chef convie la classe politique, c’est un dialogue politique pour résoudre des problèmes spécifiques et des problèmes rigoureusement politiques. Ce dialogue ne postule pas qu’on débatte de ces questions devant la nation, ce dialogue ne nécessite pas que tout le monde s’y invite. Et je fais référence à la société civile dont certains représentants ont des revendications qui ne rentrent pas dans le cadre de ce dialogue politique. Parce que la politique ce n’est pas l’affaire de la société civile, la politique n’est pas l’affaire du clergé par exemple.
La politique et les réajustements politiques, c’est l’affaire des politiques. Et s’il y a un cadre constitutionnel qui est défini pour ceux qui peuvent prendre part à un dialogue politique, c’est notre Constitution qui le postule et qui confère à la classe politique et plus précisément aux partis politiques le quasi-monopole d’animer la vie politique. Donc le Gouvernement de la République du Bénin entend continuer la dynamique amorcée depuis 2016 à éviter le mélange de genre et à proposer des cadres appropriés pour résoudre des problèmes spécifiques qui se posent.

‘’Le gouvernement n’est pas sourd aux difficultés de certains acteurs politiques’’
L’invitation du chef de l’Etat est une adresse aux formations politiques pour se concerter et essayer de corriger ou réajuster ce dont on a eu à se plaindre il y a quelques mois à savoir, les lois qui régissent l’animation de la vie politique, les lois relatives au nouveau code électoral qui a été adopté par l’Assemblée et promulgué, ainsi que la loi relative à la charte des partis politiques. Il s’agira de comment s’organiser dorénavant et qui est habileté ou non à se prononcer sur la vie politique et à animer la vie politique. Donc, c’est rigoureusement dans ce cadre qu’il faut voir le dialogue auquel les formations politiques sont conviées. Je dois vous le dire, parce que la question ne fait pas mystère. Il s’agit bien de ces instruments qui ont pu bien poser problème à quelques acteurs politiques. Et l’adresse du Président de la République témoigne de ce que le gouvernement n’est pas sourd aux difficultés de certains acteurs politiques et de certaines formations politiques qui ont exprimé leurs doléances de diverses manières.
…Ces doléances qui se sont exprimées pas de façon ordonnées ont été entendues et appréciées. Au-delà de cette compréhension, nous avons organisé des élections boudées par certaines formations politiques qui se sont réfugiées sur des prétextes qu’il ne m’appartient pas de qualifier. Que ces revendications soient exprimées maladroitement ou pas, le gouvernement prend la mesure des difficultés qui ont pu se présenter à certains acteurs politiques et prend ses responsabilités en mettant la balle à terre et demande à revoir ce qui a pu donner le sentiment à certains acteurs politiques de se dire exclus du jeu politique. Je crois que c’est un acte de responsabilité qu’il faut saluer. Vous avez compris à travers mes propos qu’il y a déjà une clarification à opérer, et je crois qu’elle est comprise entre le dialogue politique qui est l’affaire exclusive des hommes politiques et des formations politiques et le dialogue national ou la conférence nationale que rien n’exige aujourd’hui d’envisager.

‘’L’invitation s’adresse donc à ceux qui ont déjà fait l’effort de se conformer…’’
Mais qui sont ceux qui doivent être invités pour participer à ce dialogue politique ? Évidemment, tous les acteurs politiques ou plus exactement les formations politiques. De quelles formations politiques peut-il s’agir ? Il s’agit bien évidemment de formations politiques reconnues comme telle par les lois en vigueur en République du Bénin. C’est au moins, des formations politiques qui partagent un souci honnête et bienveillant de participer au débat et de se préoccuper de ce qui est leur rôle fondamental à savoir l’animation de la vie politique pas dans des intérêts partisans mais dans un intérêt général, c’est-à-dire de protection et d’orientation de nos compatriotes. L’invitation s’adresse donc à ceux qui ont déjà fait l’effort de se conformer puisque nonobstant les difficultés qui se sont présentées aux acteurs politiques dans ce tournant des réformes, il y en a qui ont fait l’effort de se conformer. Ils sont plus de deux contrairement à ce qui est répandu dans l’opinion. Ils sont une demi-dizaine à se conformer à temps aux normes des partis politiques au sens des lois issues de la réforme du système partisan.

‘’On a élargi l’invitation aux formations en difficultés…’’
Mais le gouvernement a élargi le cas de ces formations politiques à celles qui étaient en difficultés pour se conformer et à qui on a facilité la procédure en assouplissant les critères qui ne sont pas au-dessus de qui que ce soit. Les formations politiques ont réussi à franchir le cap. On a élargi l’invitation aux formations en difficultés qui ont fait l’effort de se conformer aux différentes réformes aujourd’hui résultant des deux lois dont je vous ai parlé en introduction, et qui ont au moins déposé leur dossier pour manifester un intérêt pour les affaires de la cité. C’est ce qui explique la liste qui figure sur le communiqué que vous avez dû voir. C’est donc des critères larges mais précis. Ne peuvent qu’être invités que ceux qui souhaitent être invités. Ceux qui ne sont pas invités sont ceux qui n’ont pas manifesté le souci d’être associés ou qui ont pris l’option de continuer dans la contestation, la rébellion contre ce qui paraît aujourd’hui une évidence.
Voilà le sens et le cadre dans lequel le dialogue national qui démarrera le 10 octobre prochain a été pensé. C’est-à-dire avec bienveillance, responsabilité et avec une sollicitude certaine, un esprit d’ouverture et d’intelligence que nul de bonne foi ne peut contester. Je crois que l’essentiel est dit. Parce que ce qui est important, c’est de clarifier les choses afin que l’intoxication soit plus réduite.

Réponses aux préoccupations des médias
Le gouvernement aurait bien voulu inviter toutes les formations, mais sur un critère simple d’éligibilité, celui de se conformer aux lois en vigueur en République. Et je puis vous dire, sans violer quelque confidence que ce soit, que nous ne sommes pas certains que tous ceux qui ont fait la démarche aujourd’hui remplissent les conditions pour être reconnus. Mais on a pu tirer de leur démarche une manifestation de volonté d’aller vers un dialogue responsable.
Nous avons un ami journaliste qui a parlé de l’ordre du jour. Je ne crois pas avoir abordé l’ordre du jour. C’est un menu. Nous allons à un dialogue politique demandé par des voix autorisées et non autorisées. Puisque nous avons pu assister à l’intrusion d’organismes ou d’Etats dans les affaires internes de notre pays qui est un Etat souverain, un appel au dialogue est nécessaire pour corriger ce que nous avons dénoncé comme des facteurs d’exclusion. Si on veut être cohérent et qu’on parle de dialogue politique aujourd’hui, il ne peut s’agir de ces éléments qui, à un moment, ont pu semer l’incompréhension entre Béninois. On n’a pas besoin d’établir un menu du jour. Nous avons un contenu auquel les formations politiques animées par des gens intelligents savent de quoi il sera question. Et ce dialogue s’organisera. Nous ne sommes pas dans le cas d’une conférence nationale, et rien n’exige qu’une conférence nationale soit forcément dirigée par le Clergé. Pourquoi ne pas la faire diriger par les Imams ? Je n’en sais rien… Donc, il s’agit d’un dialogue politique. Il faut le comprendre, et il faut l’entendre surtout qu’il ne requiert pas qu’on remette le schéma de 1990. Vous n’imaginerez pas, quand on invite par exemple au dialogue social, quand il y a des difficultés entre salariés ou des fonctionnaires avec leurs employeurs respectifs, on invite les syndicats. C’est l’affaire des syndicats et de leurs employeurs. De tels dialogues ne requièrent pas la présence de formation politique, mais peut-être de facilitateurs. Un dialogue, c’est entre les acteurs sociaux. Le dialogue politique, c’est entre les acteurs politiques. Et parmi ces derniers, la ligne de démarcation, c’est la loi, la légalité. Ou on est dans le cadre de la loi, un défaut d’invitation pourrait être vite rattrapé, ou on décide d’être en marge de la légalité et la République ne peut faire autrement que de prendre acte de la manifestation, de l’option fondamentale, pour ne pas respecter la loi, et tracer un critère objectif vérifiable.
Qu’une formation politique décide ne pas y prendre part, je veux parler des Forces Cauris pour un Bénin émergent, il n’est pas parvenu au Gouvernement que cette formation politique ait plusieurs ailes. Nous prenons acte de la démarche de cette formation politique qui a essayé de se conformer sans succès. Mais aujourd’hui ce parti entreprend cette démarche, ceci dans un contexte nouveau. Donc les Forces Cauris pour un Bénin Emergent sont invités. A l’heure où je vous parle, le Gouvernement n’a reçu aucune correspondance officielle de cette formation pour décliner l’invitation, ce qui serait sournois. Donc, je ne peux valablement opiner, en disant que les Fcbe ont des exigences ou ont décidé de ne pas répondre à cette invitation. A l’heure où je vous parle, nous n’avons pas de déclinatoire d’invitation qui soit parvenu au service officiel du Gouvernement. Et je crains qu’il s’agisse encore d’informations qui ne sont pas vérifiées ou qui ne sont de sources dignes de foi. Je rassure donc les uns et les autres sur le fait que nous n’avons pas de déclinatoire d’invitation de la part des Fcbe qui est a priori un parti sans ailes à notre connaissance.
Vous avez parlé de facilitateur, mais il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. De la même manière, je vous dis que nous n’avons pas de correspondance officielle sur qui veut venir et qui ne veut pas venir, ce que nous maîtrisons est qui est invité. Objectivement, je ne suis pas venu vous parler d’un facilitateur. Je crois que la voix la plus autorisée pour dire que tel facilitateur est désigné, c’est celle du gouvernement. Nous n’allons pas subir les impératifs de certaines opinions. Ce que je peux vous dire c’est que le président de la République qui n’a jamais été dans un exercice de dialogue politique, en conviant certaines formations politiques, ne s’impose pas comme facilitateur. Ce qui doit et peut faciliter, il l’a déjà fait. Mais soyez rassurés, car il n’a pas l’intention de diriger les débats ni d’imposer quoi que ce soit. Il est le président de la République et reste équidistant des acteurs politiques, des formations politiques à qui je souhaite qu’on laisse le privilège d’organiser les travaux comme elles l’auraient convenu ou comme elles se seraient entendues. Donc en présumant que, parce qu’on n’aurait pas désigné un facilitateur, ce dialogue serait forcément voué à l’échec, j’ai noté que l’on a pu exiger, mais nous ne savons pas qui c’est précisément, qu’il y ait des préalables, notamment le retour d’exilés politiques ou de prisonniers politiques. Je voudrais vous dire qu’à ce jour, je n’ai pas et le gouvernement n’a pas connaissance d’exilés politiques. Ça n’existe pas au Bénin. Nous ne sommes plus dans ce régime. Il y a très longtemps que nous avons tourné le dos à cette pratique où quelqu’un est recherché ou condamné pour ses opinions politiques. Que certains brandissent cet argument pour masquer des raisons pour lesquelles la justice les recherche ne permet pas d’établir ce parallèle douteux en disant qu’il y ait des exilés politiques et qui se déclarent tous seuls et qu’on devrait en exiger le retour ou la mise en liberté afin que ce dialogue puisse se tenir. Toujours est-il qu’il y a suffisamment d’acteurs politiques en liberté qui sont dans une posture d’opposition et qui participent à ce débat, qui se sont toujours exprimés librement de sorte qu’il n’est pas toujours honnête de prendre ces raccourcis pour noircir ce que l’on essaye de rendre un peu plus propre que ça ne l’était.
Enfin, nous avons été interpellés sur la situation d’un individu qui aurait caricaturé, qui aurait pris la liberté d’outrager le chef de l’Etat. Ce n’est pas forcément le plus grave, mais faire des manipulations qui induisent les populations en erreur et dans une forme de terreur en maquillant les images. Je peux vous dire que le président de la République se porte plutôt très bien. Nous qui travaillons à ses côtés le témoignons. Il est bien en forme pour s’occuper des affaires de ce pays qui le préoccupent énormément, et que ces genres de profanation qui ont tendance à se généraliser dans d’autres pays, ce phénomène qu’on appelle des montages pour caricaturer ou dénaturer ne sont pas forcément de bon goût, surtout dans les pays comme le nôtre. Celui qui s’est rendu responsable de ces manipulations a été interpellé, mais je sais que le président qui est la principale victime n’est pas dans la logique de le faire poursuivre. Ceci étant, puisque sa plainte pourrait amener les services judiciaires à s’occuper de ce cas, le président a pardonné. Je suppose que les services judiciaires sauront tenir compte de cette abstention, de cette générosité du Chef de l’Etat pour se contenter d’un rappel à la loi à l’encontre de ce citoyen indélicat. Je profite de cette occasion pour convier nos compatriotes à éviter les excès que nous avons pu connaître ces derniers temps, des prophéties de mauvaise augure, des spéculations qui, si elles étaient avérées, feraient plus de tort à l’ensemble de nos compatriotes que ça ne soulagerait les esprits malins de ceux qui prennent l’habitude de se livrer à ce genre d’exercice.

Propos recueillis : Arnaud DOUMANHOUN



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