Débat sur la proposition de loi visant le droit de grève des Magistrats : La Commission des lois retire son rapport en séance plénière hier au Parlement

Karim O. ANONRIN 30 juillet 2014

L’examen en plénière hier au Parlement du rapport de la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme présidée par la députée Hélène Kèkè Aholou sur la proposition de loi portant modification de l’article 18 de la loi portant statut de la magistrature n’est pas allé à son terme. La Commission en question a retiré le rapport hier en séance plénière sur demande de la présidente Hélène Kèkè Aholou. Ceci, après un long débat aussi bien sur la forme que sur le fond du dossier objet de la séance plénière. Tout a commencé par la contestation du rapport présenté par le député Antoine Kolawolé, membre de la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme. En effet, ce dernier a laissé entendre que le rapport présenté à la plénière ne refléterait pas ce qui s’est passé lors des travaux en commission. Le débat général a duré près de 7 heures d’horloge sans aucun consensus. Le président de l’Assemblée nationale, le Professeur Mathurin Coffi Nago, pour faire avancer les travaux, a suggéré à la plénière d’accéder à la demande de la présidente de la Commission des lois de retirer le rapport ; ce qui a été fait. Jusque tard hier dans la nuit vers 00heure, la séance plénière n’avait pas repris.
(Lire ci-dessous l’intégralité du rapport de la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme)

He Chabi Sika, député de la mouvance

La question ici, c’est la liberté de ceux qui croupissent en prison. Que les collègues regardent les cameras et disent que les magistrats sont plus importants que ceux qui sont en prisons. Les gens sont en prison et ils n’ont pas accès au jugement. C’est ce que j’ai vécu dans la prison de Ségbannan qui se poursuit. Ce débat nous divise en deux camps diamétralement opposés. Parmi les magistrats, il en a d’excellents. Mais, il faut que cette minorité prenne le dessus pour insuffler la dynamique aux autres. Que les collègues qui vont voter comme moi restent sereins. La démocratie béninoise appartient à nous tous.

He Djibril Mama Débourou, député de la mouvance

Le 17 juillet 2014, un manifeste a déclaré où sont les députés
signataires... Sur quelle planète sommes-nous ? On dit que notre loi est liberticide. Je vous lis une perle publiée partout
dans le monde. Elle est écrit par un certain Michel Adjaka...j’écrirai un livre sur les perles. J’en ai 10 000. vive la démocratie et vive le Bénin.

He Houdé Aditi, député centriste

Universellement reconnu 3ème pouvoir après l’Exécutif et le législatif, le judiciaire est devenu indépendant grâce aux luttes des humanistes et il serait suicidaire de le remettre en cause ici au Bénin comme ailleurs. La problématique de la proposition pose un problème sociétal. La République se laisse tenter par la sirène de l’arbitraire ...parce qu’elle confond citoyen et sujet. On demande à l’Assemblée de voter une loi assassine de la liberté et de la démocratie. Si la loi actuelle venait à être votée et promulguée, elle ne règlera pas les problèmes des magistrats mais supprimerait les symptômes d’un mal. Cette loi court le risque de ne pas être respectée.

He André Okounlola, député de la mouvance

Pourquoi les défenseurs des droits de l’homme qui défendent les magistrats ne trouvent pas que depuis huit mois, il y a des citoyens, des sans voix qui n’ont pas accès à la justice ? Lors de notre tournée parlementaire, il y a une dame qui a dit « après la loi des magistrats, il faut penser aux médecins ». On parle de liberté et on pense que le Bénin est extraordinaire. Ce que je n’ai pas compris, c’est que l’assemblée est une institution. Il doit y avoir une solidarité de groupe. Que des collègues aillent applaudir des insultes sur nous, cela me surprend...

He Lazare Sèhouéto, député de l’opposition

Le sens de notre présence ici, c’est de sauver la
démocratie. Le type de parlement dans lequel nous sommes nous impose de défendre becs et ongles la démocratie. Hitler a, bel et bien, été élu par une Assemblée nationale. Mais, il a rogné peu à peu les libertés pour
installer la dictature. Est-ce que ce que les magistrats ont fait à
précéder la proposition de loi ? De 90 à aujourd’hui, les magistrats ont fait combien de grèves ? Et pourquoi c’est maintenant qu’ils sont allés en grève. Par rapport aux frais de justice criminels, pourquoi ils n’ont pas fait de grève ? Ils sont responsables et savent qu’ils ne peuvent pas défendre le faux. C’est à cause des nominations arbitraires qu’il y a grève. Si c’est du pays qu’il s’agit alors, il faut s’asseoir et discuter. C’est la panne de dialogue social qui est la cause des grèves dans le pays...Je ne suis pas défenseur de grèves intempestives mais de liberté de manifestation... Vous pouvez prendre toutes les lois mais vous ne pouvez pas faire taire ces magistrats.

He Léon Comlan Ahossi, député de l’opposition

Les douaniers ont fait grève contre le PVI dans ce pays parce que c’est une pourriture. On a dit que jamais, ils ne doivent pas faire ça. On a dit que l’avion ne fait pas marche arrière. Après on a embrassé les douaniers au palais. C’est nous qui avons créé l’Amab ? Mais le problème n’est pas réglé. J’ai écouté l’ambassade des Usa le 30 juin dernier. Il a parlé de la corruption et des élections. Il a dit que malgré tout l’argent qu’ils ont injecté dans le système judiciaire, ça ne prend pas à cause de la corruption. Et, il y a les élections qui ne sont pas tenues à bonne date.

He Edmond Zinsou, député de l’opposition

Le risque qui me parait majeur, c’est de mettre la justice sous ordre. Je le dis parce qu’il y a des faits. Les temps sont graves. Mon collègue Akotègnon a été vilipendé par le commissaire de Cotonou qui l’a pris et présenté à la justice. Il a fallu que la justice soit indépendante pour qu’il soit libéré.

He Eric Houndété, député de l’opposition

J’ai été témoin des rassemblements ici. Le soutien que certains députés ont apporté à ces manifestants quand il fallait corser les conditions pour être président de la République. Le droit qu’ils ont hier, c’est le même droit que les manifestants d’aujourd’hui ont. Ils nous disent d’être nobles et de laisser la démocratie mourir. Pourquoi on s’entête ? La proposition a été rejetée par notre commission par 4 voix contre 2. Les discussions ont avancé et on a dit qu’il faut
avoir une mission temporaire pour aller s’informer sur les conditions d’application des textes des magistrats. Mais la décision de notre commission a été bafouée. Il y a des contrevérités. Qu’est ce que nous voulons étudier en plénière ? Les amendements. Où est le texte que la commission a proposé.... ? Je dis que le rapport qu’on a présenté est bel et bien tronqué.

He Saka Fikara, député de l’opposition

Il y a eu beaucoup de mensonges dans la proposition de loi. Ils ont fait allusion à un texte qui n’est pas une loi mais une ordonnance prise en période d’exception. C’est leur référence. La grève, c’est pour inciter le dialogue. Parce qu’il y a des désagréments, il faut supprimer la grève. D’ailleurs mon ami Ahinnou a dit, il faut supprimer le droit des magistrats et après on verra peu à peu pour les autres. Cela veut dire qu’on va supprimer le droit de grève à tout le monde.



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