Editorial : Démocratie piégée !

Angelo DOSSOUMOU 3 avril 2019

Dans les mémoires, l’épisode ‘‘Législatives 2019’’ résistera au temps. Pas parce que le respect des lois librement votées a fait défaut encore moins que les institutions de la République n’ont pas pleinement joué leur partition. Mais, l’évidence est désormais là. Dans l’une des démocraties les plus respectées de l’Afrique, un processus électoral s’en va bientôt donner son verdict sans l’essentiel à savoir : la compétition Opposition-Mouvance ou l’expression directe et réelle de la volonté populaire. Tombée dans le piège du dilatoire politique et victime de l’hypocrisie des intellectuels, la démocratie telle que pensée et pratiquée aujourd’hui au Bénin révèle qu’à certaines occasions, il lui faut un supplément d’âme.
Tout de suite, appelons-le ‘‘Consensus’’. Mais surtout, rassurons-nous qu’il est de ceux qui ne font pas entorse à la légalité, n’appelle pas, à tort et à travers, aux mesures d’exception et ne laisse pas définitivement en marge de la construction de l’édifice national, les victimes de la dictature de la majorité ou encore du blocage machiavélique de la minorité. Finalement, à vouloir d’une chose et de son contraire par ici, les exigences du jeu démocratique, devant la mauvaise foi des acteurs politiques, s’écroulent comme un château de cartes. Aussi, à voir de plus près, quand un système politique s’assimile durablement à une machine à exclusion ou à contestation de façon systématique, ce serait difficile de ne pas lui retirer la précieuse étiquette de ‘‘Démocratie’’.
En somme, avec des traquenards sciemment posés et des cales tous azimuts, il est certain que le régime politique pratiqué est tout sauf ‘‘le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple’’. Certes, l’excuse d’une nouvelle donne qui bouscule les habitudes et fait ramer les étourdis à contre-courant peut prévaloir. Mais, après une minutieuse étude de l’inexplicable situation électorale, l’élément capital à mettre en exergue, dans l’optique de la sauvegarde des vertus démocratiques, c’est la bonne foi des acteurs. A ce sujet, autant on peut blâmer un camp imperméable aux critiques et aux pertinentes observations de ses contradicteurs, autant il faut reconnaître que l’utilisation abusive de la formule diabolisation ne laissait aucune place à une synergie d’actions à des moments précis.
Conséquence, piégée et pris en otage par des geôliers particuliers, notre démocratie avait une double nature. Et forcément, du miroir de l’opposition, son reflet donnait à voir l’image d’une jeune violée et descendue de son piédestal. Par contre, c’est cette même démocratie, pleine de vigueur et qui affiche son plus beau sourire qu’admirent les soutiens de la Rupture et d’un nouvel ordre dans la gouvernance du pays. Alors, comme on peut le constater, à chacun son appréciation du charme que dégage notre démocratie. Mais quand, au vu et au su de tout le monde, il accumule des rides, c’est clair qu’il lui faut des soins appropriés et une attention de tous les instants.
En premier lieu, il faudra faire en sorte que devant les velléités de blocage, quelle qu’en soit la nature, la démocratie ne bégaie plus. Ensuite, qu’au-delà du principe qui veut que ça soit la loi de la majorité qui généralement l’emporte, que la plus large ouverture soit faite pour le consensus. Nous sommes en politiques et c’est peut-être la pire des illusions. Mais quand la démocratie et la politique se tirent dans les pattes, on ne perd rien à se poser les bonnes questions. Essayons toujours.



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