Entretien avec le Maire Yaya Saka d’Adjarra : « Si la correction de la Lépi est bâclée, les mêmes qui ont voulu de sa correction vont encore monter au créneau… »

Karim O. ANONRIN 1er avril 2014

La première phase de la correction de la Lépi vient d’être prolongée d’une semaine. Initialement prévue pour prendre fin ce dimanche, cette première phase appelée ‘’audit participatif’’ semble connaître quelques imperfections. Dans la Commune d’Adjarra, le Maire Yaya Saka pense qu’il y a beaucoup d’irrégularités qu’il faut prendre le temps de corriger, afin d’avoir une Lépi fiable, susceptible de sécuriser les élections en République du Bénin.

Le maire Yaya Saka de la commune d’Adjarra

La première phase de la correction de la Liste électorale permanente informatisée (Lépi) tend à sa fin. Alors, dites-nous comment les opérations se sont déroulées ici dans la Commune d’Adjarra ?
Je vous remercie. Effectivement, nous tendons vers la fin de la première phase de la correction de la Lépi qui est l’audit participatif. Pour ce qui s’est passé ici dans la Commune d’Adjarra, je puis vous dire que tout s’est bien passé. L’opération s’est déroulée sans incident majeur même s’il y a des irrégularités à relever, que nous invitons le Cos-Lépi à corriger. Il n’y pas eu de cas de contestation ni de violence. La Lépi, nous l’avions déjà. Mais les députés ont jugé bon de la corriger. Alors, nous pensons que cela doit être fait avec le plus grand sérieux possible.

Quand vous évoquez les irrégularités, de quoi parlez-vous exactement ?
Ici au niveau de la Commune d’Adjarra, nous avons déployé des superviseurs sur le terrain, dans les différents lieux de recensement puisqu’on parle d’audit participatif. Et parlant d’irrégularités, nous avons constaté qu’au début, les A.l.a ont essayé d’inscrire les mineurs sur la fiche réservée à ceux qui sont en âge de voter et qui donne droit à la carte d’électeur. Nous n’avons pas hésité à alerter les responsables de l’opération qui nous ont promis prendre les dispositions nécessaires pour corriger le mal. L’autre chose est que des explications données par les représentants du Cos-Lépi, on devrait recenser au minimum 150 personnes par jour par poste et par agent. Jusqu’au jeudi dernier, l’ensemble des résultats dans quelques postes de recensement ne dépasse par 900 personnes recensées. Cela signifie qu’on risque d’avoir encore des omis.

Qu’est-ce qui explique cette situation ? Est-ce la faute aux agents de recensement du Cos-Lépi ou c’est parce qu’il n’y a pas une sensibilisation pour faire sortir les populations ?
A notre niveau ici à Adjarra, nous avons passé des communiqués de toutes sortes. Nous avons même eu recours aux radios communautaires et à une télévision de la place pour sensibiliser les populations. Malgré tous ces efforts, les populations sont sorties à compte-gouttes. Peut-être les derniers jours, elles sortiront comme d’habitude à la veille de chaque échéance électorale.

Monsieur le Maire, nous avons également constaté qu’il y a un défaut d’information par rapport à ceux qui détiennent leur carte d’électeur et qui estiment qu’ils n’ont plus besoin d’aller se faire recenser ou d’aller confirmer leur présence sur la liste électorale. Comment gérez-vous ces cas ?
Nous avons également fait ce constat amer sur le terrain et ce n’est pas de notre faute. C’est pratiquement à la veille de l’opération de l’audit participatif que les députés commis pour sensibiliser les populations sur les tenants et aboutissants de la correction de la Lépi ont commencé par faire leur apparition sur le terrain.

Qu’est-ce qu’il faut alors faire maintenant ?
Nous avions déjà senti le mal venir et nous n’avons pas manqué d’attirer l’attention des responsables du Cos-Lépi là-dessus. Il est vrai que les élections communales et locales devraient avoir lieu en 2013. Et ce n’est pas la faute des Maires si lesdites élections sont reportées sine die. C’est toujours des contestations à n’en point finir qui nous ont amenés à ce stade aujourd’hui. Pourquoi ne prendre le temps de corriger de façon définitive la Lépi et avoir un outil fiable qui sécurise les élections dans notre pays ? Je peux vous garantir que si la correction de la Lépi est bâclée pour les élections communales et locales en 2014, les mêmes qui ont voulu de sa correction vont encore monter au créneau pour les mêmes exigences. En dehors des membres du Cos-Lépi qui pensent que tout va bien, il y a des problèmes sur le terrain selon les autres acteurs engagés dans cette opération.

Alors, le Cos-Lépi doit-il oublier le mandat des Maires qui se prolonge sans limite et prendre son temps pour corriger la Lépi ?
Je ne demande pas au Cos-Lépi d’oublier le mandat des Maires. Tout ce que nous souhaitons est qu’on ne prenne pas pour argument le mandat prolongé des Maires et jeter des milliards de Fcfa en l’air sans véritablement corriger la Lépi.

De façon concrète, qu’est-ce que vous proposez au Cos-Lépi ? En combien de temps pensez-vous qu’on peut corriger la Lépi ?
Nous sommes sur le terrain et nous avons écho de tout ce qui se dit. Quand vous entendez même les agents du Cos-Lépi déployés sur le terrain, vous vous rendez compte que durant 4 jours, beaucoup d’entre eux ne maîtrisaient pas bien l’opération. Ce n’est que par la suite et grâce à la routine que les choses sont rentrées dans l’ordre à leur niveau. Donc, il y a eu du temps perdu. Seul le Cos-Lépi peut dire en combien de temps il peut corriger la Lépi. Tout ce que nous souhaitons est que la correction de la Lépi soit véritablement un succès.

Nous avons également appris qu’ici à Adjarra, il y a un problème avec un village qui est en train de basculer dans un arrondissement alors qu’il appartient à un autre ; une situation qui a été décelée avec l’audit participatif du Cos-Lépi. De quoi s’agit-il exactement ?
Il s’agit d’une situation qui nous dépasse et nous étonne. Le problème, c’est l’arrondissement de Honvié qui a toujours compté 9 villages. Il y a un travail qui a été fait entre le député Edmond Zinsou et moi à la veille du vote de la loi portant fixation des centres de vote en République du Bénin au niveau de l’Assemblée nationale. Après ce travail, les documents qui nous sont parvenus prouvent que l’arrondissement de Honvié compte bel et bien 9 villages. Mais lors d’un passage des députés de la 19ème circonscription à Adjarra pour une tournée parlementaire d’information, nous avons constaté dans les documents qu’on nous a laissés que le village Gassako dans l’arrondissement de Honvié s’est retrouvé dans l’arrondissement d’Adjarra 2. Mais avec le Cos-Lépi, nous avons exigé que la Lépi soit affichée à la place publique de Gassako pour le compte des élections de l’Arrondissement de Honvié. Mais les numéros des centres de vote n’ont pas changé. Les numéros portent toujours l’indicatif Adjarra 2. Nous avons donc saisi le président de l’Assemblée nationale, le Professeur Mathurin Coffi Nago, pour lui faire part de la situation. C’est une bombe à retardement. Il faut impérativement retourner le centre de vote de Gassako dans l’arrondissement de Honvié.

Votre mot de la fin
On a dit que la Lépi est un outil de développement. S’il en est ainsi, il faudra que les responsables du Cos-Lépi regardent la réalité en face en tenant compte des aspirations du peuple béninois dans l’opération de correction de la Lépi en cours. Il ne sert à rien de toujours reculer. Nous devons avancer.
Propos recueillis K. O. A



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