Entretien avec le Président de l’Ancb, Luc Atrokpo : « La Rb connaît des difficultés internes »

La rédaction 23 décembre 2016

Ça va mal à la Renaissance du Bénin (Rb). Les responsables de ce parti ne parlent plus le même langage. Pour l’heure, certains membres du parti soutiennent les actions du chef de l’Etat et d’autres les désapprouvent. En effet, la Rb traverse une crise interne sans précédent. En témoigne les déclarations de Luc Atrokpo, Président de l’Anc, sur qui le Président de la République peut compter pour la réalisation du Programme d’actions du gouvernement (Pag).

Bonjour Monsieur le maire. Outre vos responsabilités à la tête de la mairie de Bohicon, de la Communauté des communes du Zou (Ccz) et de l’Association nationale des communes du Bénin (Ancb), que peut-on savoir d’autre sur Luc Atropko ?
Je suis Luc Sètondji Atrokpo. Né le 16 octobre 1973, j’ai obtenu un bac littéraire en 1996 et je suis titulaire d’une licence en droit, option affaires et carrières judiciaires. J’ai aussi suivi plusieurs formations parallèles dans des domaines aussi variés que le journalisme, le management des organisations, la conception et le suivi-évaluation des microprojets communautaires, entre autres. Je suis aussi un opérateur économique, marié et père de 4 enfants.

Comment arrivez-vous à assumer autant de responsabilités et être aussi performant ?
C’est vrai. A la suite de la population de Bohicon qui m’a élu, mes pairs du Zou m’ont fait l’honneur de me confier la direction de la Communauté des communes du Zou (Ccz), et ceux du Bénin, la conduite de l’Association nationale des communes du Bénin (Ancb). Je les remercie tous d’ailleurs pour cet honneur et cette marque de confiance. Mais l’honneur est une charge. Et, c’est conscients de cette réalité que mes équipes et moi, nous nous attelons à accomplir les missions liées à notre fonction. Ce n’est pas facile, mais avec la grâce de Dieu, le sens de la responsabilité, de l’obligation de résultat et la méthode, nous y parvenons.

Parlant de résultats, peut-on être fier de l’expérience béninoise en matière de décentralisation ?
Nous sommes à la troisième mandature de l’ère de la décentralisation. Le processus, quoique relativement jeune, fait son chemin avec la gestion du pouvoir par les populations à la base. Evidemment, quelques imperfections subsistent. Et, c’est là que réside l’opportunité des réformes à opérer pour que la décentralisation soit un véritable levier pour le développement à la base de nos communes.

Que proposez-vous donc pour que la gouvernance à la base soit à la hauteur des attentes des populations ?
L’implication des populations à la base dans le système de décentralisation est déjà une évidence. Cependant, les cadres de concertation à la base doivent se multiplier. De même, une meilleure structuration de la liaison entre les politiques locales et nationales de développement, est nécessaire. A cet effet, l’Ancb a transmis au Ministre en charge de la décentralisation, à sa demande, les observations de l’Association, relatives à l’organisation du séminaire gouvernemental sur la Politique nationale de décentralisation et de déconcentration (Ponadec). Le bureau de l’Ancb espère y être intimement associé et invité. Avec la volonté politique affichée par la nouvelle équipe gouvernementale d’accompagner et de dynamiser la décentralisation, l’espoir est permis.

Le vendredi 19 décembre dernier, le Programme d’actions du gouvernement (Pag) 2016-2021 a été officiellement présenté au peuple béninois. Plusieurs mesures incitatives sont prévues par l’exécutif pour contribuer substantiellement au développement des communes. Une première ?
C’est vrai que le Pag 2016-2021 est très ambitieux. Il l’est encore en ce qui concerne le développement local. Je fais notamment allusion à l’aménagement des rues secondaires dans les principales villes du Bénin. Vivement que les différents projets contenus dans le Pag se concrétisent en vue d’un meilleur rayonnement de nos localités. Toutefois, nous en appelons toujours à l’amélioration des dotations des communes dans le budget général de l’Etat. C’est vital pour toutes les communes dont les ressources financières n’arrivent pas à soutenir le développement souhaité.

La suspension des opérations de lotissement est sans doute un manque à gagner pour les communes.
Les lotissements ne sont pas suspendus. Le conseil des ministres du 12 octobre 2016 a décidé de la suspension de toutes les opérations d’élaboration de plans fonciers ruraux, de registres fonciers urbains, d’autres plans et de documents cadastraux en vue d’un audit, d’une bonne coordination et de leur intégration au processus de réalisation du cadastre national. Mais les lotissements ne sont pas concernés par la décision de suspension.

Et ces suspensions ne portent nullement un coup d’arrêt au développement de la ville de Bohicon. Bien au contraire. Bohicon est une ville en chantier.
C’est exact : la ville de Bohicon est en chantier. Des travaux de pavage sont en cours sur plusieurs axes. C’est sur financement de la Banque mondiale, de la Banque ouest-africaine de développement (Boad) et de la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (Bidc).

Mais, on a l’impression que les travaux n’avancent pas.
Ce constat que vous avez fait est dû au retard de financement par la Bidc. Mais, les dispositions sont prises pour que tout rentre dans l’ordre en vue de l’achèvement diligent des travaux sur tous les axes. A cet effet, nous sommes en pourparlers avec la Bidc et le Ministère du cadre de vie et du développement durable qui nous appuie efficacement.
Je tiens aussi à inviter la population à la patience pour les désagréments que leur causent les travaux et pour le temps un peu long que prennent les interventions sur certains axes.

Nous avons aussi remarqué que la ville de Bohicon mène une coopération décentralisée très dynamique.
Avec les partenaires de la ville de Bohicon, que sont La Case, Aiglemont et Zoersel, nous allons poursuivre l’appui aux groupements de femmes, aux projets de maraichage, à la bibliothèque et à la construction de forages ...

Vous vous êtes engagés depuis plusieurs années pour le climat. Quel bilan peut-on faire de votre participation à la Cop 22 qui a eu lieu à Marrakech en novembre dernier.
A la Cop 22 qui s’est tenue à Marrakech au Maroc en novembre dernier, nous avons réussi à signer un protocole d’accord de coopération entre l’Ancb et l’Association marocaine des Présidents des conseils communaux (Ampcc). Les deux associations sœurs se sont engagées à déterminer les mécanismes de solidarité et de coopération en vue de la dynamisation de la gestion communale au Bénin et au Maroc.
Nous avons également hissé la Communauté des communes du Zou (Ccz) parmi les pionniers de la convention des maires en Afrique subsaharienne. La Ccz est la seule association de communes à être retenue par l’Union Européenne avec six autres villes africaines dans le cadre de cette convention. A Marrakech, nous avons tous exposé nos plans d’actions pour l’atteinte des objectifs climatiques et énergétiques. Pour sa part, la Ccz a fait apprécier et valider un projet d’appui à l’élaboration et à la mise en cohérence des outils de planification énergétique durable en faveur des neufs communes de ce département. Ce projet est évalué à 850 000 euros, soit plus de 500 millions de Fcfa. Les avis de recrutement sont déjà lancés pour le démarrage du projet pour début d’année 2017.
Je voudrais rappeler que la Ccz, en décembre 2015 à la Cop 21, avait été déjà retenue pour la réalisation d’un projet qui concerne le bassin versant du Zou. Son étude de faisabilité coûte plus de 260 millions de francs Cfa et est en cours.

Parlons à présent de votre parti politique, dont vous êtes le Secrétaire exécutif national. Comment se porte la Rb ?
La Renaissance du Bénin, comme c’est le cas dans d’autres partis politiques, connait des difficultés internes. Espérons que ses personnalités et militants puissent se donner la main pour aplanir les divergences.

Quelle position occupe le parti sur l’échiquier politique national ? Est-il de l’opposition, au centre ou fait-il partie des formations politiques qui soutiennent les actions du gouvernement ?
Il faut la tenue d’une réunion du Bureau Politique et éventuellement d’autres instances pour faire le bilan des élections et tirer les grandes conséquences et leçons politiques qui s’imposent. Donc, je ne peux pas prendre une position au nom du parti. Toutefois, des personnalités au nombre desquelles figure le député Gildas Agonkan se sont exprimées (en l’occurrence sur Canal 3) pour dire que la Rb soutient le Chef de l’Etat et ses actions. Cette position s’est encore illustrée tout dernièrement avec le vote des députés de la Rb en faveur du budget général de l’Etat, exercice 2017.

Comment la position des députés Rb peut-elle s’expliquer en l’absence d’une décision formelle des instances du parti ?
Cela est compréhensible car les militants de la RB ont concrètement rejeté l’offre politique du parti à la présidentielle de 2016 et ont accordé majoritairement leurs suffrages au Président Patrice Talon. Ce faisant, les militants ont montré la voie. Il faut savoir écouter leur message.

Comment appréciez-vous les huit mois de la gouvernance Talon en général et les mesures de libération de l’espace public en particulier ?
En huit mois de gestion, le régime de la rupture a affiché sa volonté de transformer la gouvernance et d’imprimer une nouvelle manière de faire dans presque tous les compartiments de la vie socio-politique et économique de notre pays. Le Programme d’actions du gouvernement vient d’être lancé. Patientons, le temps de sa mise en œuvre pour mieux apprécier les résultats.
Quant aux mesures de libération et d’assainissement des domaines publics illégalement occupés, j’apprécie à sa juste valeur la décision du gouvernement. Cependant, je prie l’exécutif et son chef de tenir compte de l’aspect social de la mesure et du relogement de certains occupants si ceux-ci le méritent.

Un conseil au Chef de l’Etat pour mettre en œuvre de manière efficiente son Pag.
Le Chef de l’Etat s’est fait entourer de personnes ressources de grande qualité et d’expérience qui le conseillent déjà. Nos conseils, si nous en avons, peuvent attendre pour être donnés en cas de nécessité.



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