Entretien avec Marie-Odile Attanasso, ministre de l’enseignement supérieur : « Nous voulons positionner nos universités dans le top 100 »

Moïse DOSSOUMOU 10 juillet 2018

Comme dans tous les autres secteurs, les réformes se multiplient dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. Dans ce court entretien, Marie-Odile Attanasso, ministre en charge de l’enseignement supérieur, aborde ici les réformes les plus en vue dont elle assure la mise en œuvre.

Depuis quelques années, la communauté universitaire procède à l’élection des recteurs. Pourquoi ressentez-vous encore le besoin de revoir le mode de gestion des universités en envisageant l’installation des conseils d’administration ?
La gouvernance dans les universités ne se passe pas dans les règles de l’art. On n’arrive pas vraiment à maitriser ce qui se passe au sein de nos universités, notamment les fonds dont elles disposent, le nombre d’étudiants et la qualité de la formation. Après réflexion, nous pensons installer des conseils d’administration dans chaque université. Cet organe de décisions sera composé de tous les acteurs de la vie socio-économique. On aura des spécialistes des questions de formation, des opérateurs économiques de manière à ce qu’on puisse faire l’arrimage entre les filières de formation et les besoins économiques. Cet organe permettra de définir les coûts de formation et les infrastructures à mettre en place en fonction des moyens disponibles. Cela veut dire que les universités vont prendre leurs responsabilités et ne plus toujours attendre des subventions de la part de l’Etat.

Vous avez revu également le mode d’inscription des nouveaux bacheliers…
Ce dispositif existe depuis 2007. Ce que nous avons fait de mieux c’est de rendre le dispositif totalement transparent, sans influence du ministre. Tout est fait en présence de la société civile et de tous les acteurs du secteur public et privé de l’enseignement supérieur.

Comment ça se passe concrètement ?
Par le passé, la sélection des étudiants se faisait après l’obtention du Baccalauréat. La présélection se faisait sur la base du guide d’orientation et de la pondération de la note obtenue au Bac et de certaines matières selon la filière. A notre arrivée, nous avons constaté qu’il y avait une proportion de 10% d’étudiants qui participaient à la sélection après le Bac. Nous avons revu la méthode. A présent, les dossiers sont déposés avant l’examen. Cela nous permet de couvrir tous les étudiants qui participent à cet examen. A l’étape de la sélection, nous avons mis en place un dispositif qui nous permet d’avoir une totale transparence. Par le passé, les étudiants choisissaient une filière. Maintenant, nous leur demandons d’opter pour trois filières et par rapport à ça, en fonction des notes, ils sont classés boursiers ou bien on les oriente vers d’autres filières selon leurs aptitudes. Cela nous permet de mieux orienter les étudiants, de couvrir tous les candidats qui sont allés au Bac et aussi de savoir à qui l’Etat doit accorder des bourses. Il y a donc une totale transparence par rapport à ce qui se passait avant. Ce que nous avons fait de mieux, c’est de couvrir tous les étudiants pour que le principe de l’égalité de traitement soit respecté.

Vous envisagez aussi la création de deux instituts pour approfondir la formation professionnelle
Il s’agit de deux instituts universitaires d’enseignement professionnel (Iuep). Nous voulons en faire des corps de métiers, c’est-à-dire des Bac+2 qui vont être formés à l’employabilité. Si nous prenons le métier de l’agriculture, ils auront 30% de cours théoriques et 70% de cours pratiques. En deuxième année, ils seront actifs sur leurs lopins de terre pour travailler la terre. L’idée, c’est qu’ils soient déjà des exploitants agricoles à la fin de leur formation. Ça permet d’avoir des gens opérationnels deux ans après le Bac. En étudiant le marché de l’emploi, nous avons identifié huit métiers pour lesquels un décret a été pris en Conseil des ministres. Nous avons notamment les métiers de l’agriculture, du textile, du bois, de l’automobile, du tourisme et de l’hôtellerie, du bâtiment (maçonnerie, carrelage, plombier, électricien)… Ce sont des genres de métierd dont nous aurons toujours besoin au Bénin. Plutôt que d’orienter les enfants vers des formations en lettres, en sciences juridiques et autres et finalement, ils vont se retrouver au chômage, nous allons les orienter vers des corps de métiers. Nous avons besoin de personnes qualifiées dans ces corps intermédiaires. Tous les pays émergents sont passés par là. Il faut que le Bénin se décide à le faire. Pour l’instant, les curricula de formation sont prêts pour les métiers de l’agriculture et du bois. Nous avions eu comme ambition de démarrer en 2017-2018, mais nous n’avons pas pu à cause des contraintes administratives.

Vous comptez aussi retourner dans l’escarcelle des écoles de formation professionnelle publiques certaines offres de formation régalienne actuellement ouvertes au privé
C’est notre souhait. Nous sommes en train de travailler sur ce projet, mais cela n’est pas encore totalement bouclé. Il est quand même normal que l’Etat ait des secteurs dans lesquels les privés ne peuvent pas intervenir. Le privé est dans tous les secteurs maintenant. L’idéal est que l’Etat conserve des exclusivités. Il faut qu’on mûrisse un peu plus les réflexions.

Les élections devant consacrer le degré de représentativité des associations estudiantines sont lancées. Est-ce à dire que désormais, seules les organisations les plus en vue auront voix au chapitre ?
Les étudiants se prononceront. Au vu des résultats, on va travailler avec eux. Le ministère ne se mêle pas à ça. Nous avons tracé le cadre réglementaire et nous leur laissons la possibilité de faire les élections. Les organisations qui auront les pourcentages les plus élevés seront nos interlocuteurs.

Y a-t-il un temps prévu pour l’évaluation ?
Evidemment. Nous procédons déjà à l’évaluation du mode de recrutement des nouveaux étudiants. Les résultats nous conduiront à revoir certaines choses. Au fait, il n’y a pas beaucoup de réformes qui nécessitent des remises en cause. Ce sont des situations qui existaient et qui ne respectaient pas les textes. Il n’y a pas eu vraiment de bouleversements par rapport à l’existant.
Propos recueillis par Moïse DOSSOUMOU



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