Entretien avec Sylvain Adékpédjou Akindès : « La Conférence nationale était une grande mascarade »

Moïse DOSSOUMOU 6 mars 2020

Enseignant de mathématiques, ancien ministre, ancien député, Sylvain Adékpédjou Akindès, bien connu des Béninois garde un intérêt nourri sur les questions de préoccupation nationale. En dépit du poids de l’âge, cet intellectuel encore actif et vif nous livre ici avec le recul les fruits de sa réflexion sur les tenants et aboutissants de la Conférence nationale de février 1990. Selon notre invité, cet événement historique dont l’opinion garde de bons souvenirs cache bien de secrets. Il se positionne ainsi comme un témoin de l’histoire qui rame à contre-courant des faits heureux et héroïques abondamment distillés dans l’opinion. Présent aussi sur les réseaux sociaux, l’homme n’a pas manqué de jeter, avec son franc-parler habituel, un pavé dans la mare des gouvernants.

Nous sommes toujours dans la ferveur de la célébration du 30ème anniversaire de la Conférence nationale. Pensez-vous que les acquis qui en ont découlé sont consolidés ?
Lorsqu’on me pose cette question, je me demande ce qu’on y met. La démocratie se construit tous les jours. Quand on parle d’acquis, à quoi fait-on allusion ? Les élections ? L’alternance ? Les libertés publiques, oui. Mais il n’y a pas d’acquis, parce que tous les jours, ce sera remis en cause. Tous les jours, on doit lutter pour maintenir les libertés. La seule chose que je croyais être un acquis, c’est la méthode.

Quelle est cette méthode-là ?
La méthode, c’est de consulter tout le monde, toutes les couches, toutes les parties, parce que la Conférence nationale a voulu être un pacte. Quand on fait un pacte, c’est tout le monde qu’on consulte. C’est cette démarche qui est importante. Ce n’est pas pour rien qu’on dit : « Conférence nationale des forces vives de la nation ». Ce n’est pas une faute. Cela veut dire que des personnes ont représenté la nation dans toutes ses composantes. On peut faire une conférence nationale sans intégrer les forces vives de la nation. Cette terminologie a fait l’objet d’un long débat entre le Gl Kérékou et ses collaborateurs. Il faut comprendre que sa vision provient du populisme de la révolution. C’est depuis la base que les gens s’expriment, pour choisir leurs délégués ou prendre des décisions. Par conséquent, cette vision de voir que les décisions majeures doivent venir du fin fond du pays est dans la tête de Kérékou. C’est ce que j’estime être la chose la plus importante. Et c’est peut-être pour ça qu’on parle du succès de la Conférence nationale. Pour moi, c’est la seule spécificité qui importe. Quand on réunit des intellectuels et on se targue du fait qu’on a réuni le pays, c’est qu’on est passé à côté. Kérékou n’a pas cette conception des choses.

Qu’est-ce qui vous fait dire que la méthode a changé ?
Lorsque les chefs d’arrondissement s’adressent à leurs administrés en français en brandissant des documents, vous trouvez ça normal ? Si votre représentant ne peut pas communiquer avec vous dans votre langue, celui qui doit vous gérer au quotidien, à qui vous devez parler tout le temps ne comprend pas la langue du milieu, c’est qu’il y a un problème. Quand on parle de la notion d’Etat ou de pays, est-ce qu’on inclut ceux qui ne parlent pas le français ? Faut-il que leurs représentants leur parlent via des traducteurs ? Est-ce qu’il y a des maîtres de la traduction ? C’est fondamental que les gens soient valorisés. Ça peut être du folklore si on veut, mais je préfère ce folklore qui donne l’impression aux populations qu’elles participent réellement à la gestion du pays. Dans un Etat démocratique, les gens à la base s’appuient sur leurs forces pour arranger chez eux et ils participent ainsi à l’effort de développement au plan national. Ça ne doit pas venir d’ailleurs.
Lorsqu’on parle des acquis de la Conférence et je vois ceux qui en parlent, ceux qui glosent, je le fais aussi hein, je suis conscient que ce n’est pas cela.

Le 17 mai prochain, les Béninois iront aux urnes pour renouveler les conseils municipaux et communaux. Comment appréciez-vous le comportement des partis à la veille de ce scrutin ?
Je ne sais pas comment ils font. Je m’en désintéresse sérieusement. Je note que les gens passent d’un parti à l’autre. Evidemment, compte tenu de la pesanteur qu’il y a dans le pays, si quelqu’un veut être élu, il cherche à se retrouver dans les rangs de la mouvance. Il pense que s’il est maire d’une commune et qu’il n’est pas en de bons termes avec l’Exécutif, il n’aura pas les moyens de développer sa commune. C’est toujours du haut vers le bas. Ça dénature complètement l’idéal démocratique. Ce qu’on fait là, on verra ce que ça va donner. Ma déception est grande, parce que ces élections vont consacrer l’enterrement définitif de la décentralisation.

Qu’est-ce qui vous fait dire ça ?
La décentralisation veut que chacun gère chez lui. Et c’est ça qui fait la nation. Maintenant, si vous n’avez pas 10% des suffrages au plan national, vous ne pouvez pas gérer chez vous. Qu’est-ce qui va advenir ? Des gens indésirables dans nos localités seront les patrons, tout juste parce qu’ils sont dans un groupe qui a 10%. L’élection locale est ainsi conditionnée par des considérations au plan national.

Et si on faisait l’expérience pour voir ce que ça donne ?
Je n’ai pas besoin de faire l’expérience. Ce n’est pas ça qui conduit à quelque chose de positif. Dans une commune où la majorité a voté pour une liste qui n’a pas 10% au plan national, les candidats de cette liste ne sont pas élus. Même s’ils ont 80% des suffrages au plan local, ils ne sont pas élus. Par contre, ceux qui auront 5% au plan local et obtenir 10% au plan national seront déclarés vainqueurs. C’est avec ça qu’on construit un pays ? C’est ça la démocratie ? C’est ça la décentralisation ?

Vous êtes donc inquiets…
Je n’ai pas d’appréhension. Mais je sais que ce sera la plus grande bêtise que nous allons faire. On n’a jamais vu ça. Savez-vous comment cela se faisait auparavant ? Les candidats montaient sur une table face aux habitants du village et l’élection se faisait ainsi, très facilement. Ça ne coûte rien en plus. Il suffit de le faire dans les bureaux de vote installés dans les quartiers. On est arrivé à un tel niveau de corruption qu’on ne pense à rien faire qui soit normal. C’est à croire que ça se trouve dans nos gênes. Vous ne pouvez pas recruter un ouvrier sans qu’il ne songe à vous gruger. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de personnes honnêtes, mais le mal est profond.

Abordons à présent la réforme du système partisan. Pensez-vous que c’est une avancée ?
Je considère que pour faire une réforme, il faut d’abord faire un diagnostic. Et il faut que le diagnostic soit vrai. J’ai cherché le diagnostic qui a été fait. On dit qu’il y a trop de partis politiques, des centaines. Ce qui est faux, puisque les gens se sentent obligés d’aller dans des groupes, dans des alliances. Personnellement, j’ai dirigé un parti. Nous n’avons plus été aux élections législatives depuis plus de 3 législatures. Ça veut dire que nous n’existons plus. Mais le ministère de l’Intérieur ne raye pas les partis qui ne se présentent pas à plusieurs élections consécutives. Il y a plein de partis qui ont fusionné dans la Renaissance du Bénin, l’Union fait la nation, les Forces cauris pour un Bénin émergent…. On ne les a pas rayés. On compte tout ce monde et on dit qu’il y a beaucoup de partis. C’est une erreur. Il a été décidé d’absoudre le ministère de l’intérieur chargé d’appliquer la loi.
Ma deuxième observation, c’est de se poser la question de savoir pourquoi il y a beaucoup de partis. Ce ne sont que des ambitions personnelles. Il suffit juste que quelqu’un estime qu’il peut mobiliser dans son arrondissement le nombre de voix suffisantes pour se faire élire député pour créer un parti. Tout le monde le sait. Est-ce qu’on peut se baser sur cette tricherie, faire des analyses et aboutir à un diagnostic ? Encore une fois, il revenait au ministère de l’intérieur de faire des enquêtes sur les dossiers de création de partis qui lui sont soumis en vérifiant que l’initiateur n’a pas fait du remplissage avec les noms des autres membres fondateurs répartis à travers le pays. Si on avait fait ça, on aurait nettoyé beaucoup de choses. Tout ce qui est scorié et qui dénature l’objectif qu’on vise n’a pas été expurgé. Je continue de croire que le diagnostic est faux.
J’irai encore plus loin. La Constitution même est du faux, sous certains aspects bien entendu.
Quand vous regardez dans le détail ce qui s’est passé à la Conférence nationale, qui a pris les décisions, quand est-ce qu’elles ont été prises, vous vous rendez compte qu’il y a des faux. Primo, la Constitution ne sort pas de la Conférence nationale. Ça a été le fruit d’une commission. Qui sont les membres de cette commission ? C’est ceux-là qui ont décidé. Sont-ils représentatifs de l’opinion populaire ? Tous ceux qui ont fait des contributions écrites, qu’ont-ils dit ? En a-t-on tenu compte ? Je vais plus loin. Quand vous lisez les actes de la Conférence, vous verrez qu’il y a un point capital qui dit que la Constitution doit résulter de la Charte de l’union nationale. C’est ce qui est écrit noir sur blanc. Où se trouve la charte de l’union nationale ?

Cette charte devait-elle être rédigée par la Conférence ?
Oui, c’est écrit que les délégués allaient adopter une charte qui va servir de base pour la rédaction de la Constitution. La Charte devait aborder aussi bien les aspects administratifs que les aspects de développement. Cela n’a jamais été rédigé.

A qui incombait cette responsabilité ?
Mon sentiment est que ceux qui ont dirigé la Conférence étaient dans un autre complot.

Lequel ?
Ça va être un peu long. D’abord, Kérékou ne croit pas au marxisme. C’est un bon joueur, c’est l’homme de l’équilibre, du rassemblement pour pouvoir être au-dessus. Ça c’est le caractère de l’individu. S’il veut quelque chose, il ne le dira jamais au départ, mais il vous conduira progressivement et de manière orientée vers ce qu’il désire. Il vous donne ainsi l’impression que c’est vous qui avez fait la proposition alors que c’est lui qui vous a amené là.
Quand Kérékou a pris le pouvoir, toutes les organisations ont été appelées pour concevoir un programme. C’est cette méthode qui se poursuivra jusqu’à la Conférence nationale. Kérékou ayant remarqué que ça n’allait plus dans le pays, réunit les cadres de la nation qui font des propositions qu’il soumet au bureau politique et au comité central du parti. Cela n’avait pas été apprécié par les instances dirigeantes du parti Etat d’autant plus que les cadres n’étaient pas favorables au régime. Equilibriste, il a choisi la roue où son équilibre pouvait être maintenu. La volonté de changer le cours des événements existait depuis chez Kérékou. Elle ne date pas de 1989. Et lorsque le Parti communiste dahoméen (Pcd) a donné l’impression de pénétrer l’armée, le régime a été ébranlé.
Juste après, les négociations ont été lancées avec la Banque mondiale et le Fonds monétaire international. Nous étions au début des années 1980. Donc, la genèse du Programme d’ajustement structurel remonte à cette date. Ma conviction, c’est que la Conférence nationale était une grande mascarade. Je m’explique.
Ça a commencé par des conférences sur la révolution française à l’occasion du bicentenaire de cet événement. La place du bicentenaire en est le symbole. Les notions de liberté, de droits de l’homme étaient abondamment distillées à ces occasions. Ces causeries étaient soutenues par des financements français ou hybrides (européens). C’est ce que j’ai appelé dans l’un de mes ouvrages, « la préparation intellectuelle ». Avant tout ceci, il y a eu également une rencontre à Versailles. Tout cela, c’était la préparation minutieuse de la Conférence, parce que vous verrez après que ce sont ceux-là, ces intellectuels, qui prendront le devant de la Conférence. Pour la désignation des délégués, les gens se sont livrés à une véritable guerre des quotas. Mais la plupart des opposants farouches de l’époque ne croyaient pas en la Conférence nationale. N’étant pas partisans de l’insurrection armée, ils se sont alors rendus à la Conférence. C’est à eux que revient le mérite de la souveraineté de la Conférence.
Pourquoi Isidore de Souza est devenu président du présidium ? D’où est-ce qu’il sort ? En ce temps, il était évêque coadjuteur de Cotonou, pas titulaire. Pourquoi l’a-t-on fait venir d’Abidjan pour être coadjuteur alors que le titulaire était toujours en fonction et en pleine forme ? Il faut se poser des questions. Chose curieuse, le cardinal Gantin venait régulièrement de Rome pour rencontrer Kérékou accompagné de Isidore de Souza, pas de Christophe Adimou (l’évêque titulaire de Cotonou). Qu’est-ce que l’évêque coadjuteur a, à être derrière le cardinal pour rencontrer le chef de l’Etat ? C’était certain que si la délégation du clergé catholique devait être formée comme il faut, c’est Monseigneur Robert Sastre qui aurait pris les devants. Lui, on connaît sa détermination pour que la démocratie soit effective dans le pays. Il a fait la prison pour ça. Mais on l’a envoyé à Rome, Monseigneur Adimou également. Il ne restait que de Souza, poulain du cardinal Gantin.
La décision de choisir de Souza comme président de la Conférence a été prise au sein du comité préparatoire présidé par Robert Dossou, après avoir écarté Harry Henry qui était le chef de l’église protestante méthodiste. Evidemment, les cadres qui formaient l’opposition et qui étaient très virulents ne voulaient pas se retrouver au présidium, de peur qu’on leur tire dessus. Ils ont donc jeté leur dévolu sur un homme d’église. C’est ainsi que le choix de de Souza a été validé à une écrasante majorité.
Abordons maintenant les textes, regardez les structures des commissions. Quand la Conférence a été ouverte, le comité préparatoire a été dégommé. C’est ainsi que des délégués qui n’étaient pas convoqués ont été acceptés. Sur quelle base cela a été fait ? C’est ainsi que nous sommes arrivés à 42% d’individuels pour une Conférence des forces vives de la nation. Leur représentation est supérieure à celle des associations de développement. Donc subtilement, on a changé la qualité de la Conférence nationale. Mais comme tout le monde voulait la liberté, on a laissé faire. C’est pour ça que le corpus législatif devant soutenir l’Etat n’a pas été voté en plénière. Je parle bien entendu de la Constitution. C’est parce que les gens auraient eu à dire que la charte de l’union nationale n’a jamais été rédigée pour être soumise à la plénière. Tout le monde était d’accord qu’on le fasse, mais ça n’a plus été le cas.

Pourtant la Constitution a été adoptée par référendum…
Je vous renvoie aux cours de Maurice Ahanhanzo Glèlè. Il y est écrit noir sur blanc que si on ne veut pas que les gens se prononcent très bien, on fait un référendum. Il sait de quoi il parle. Une Constitution, comment ça se rédige ? On élit des gens qui forment l’assemblée constituante. Donc les idées viennent déjà de la base. Ici, ça a été le contraire. Il n’a même pas été permis de discuter certains points lors de la popularisation. On vous arrachait la parole, parce qu’on a estimé que c’est déjà décidé.
Voyez-vous, quelles sont les universités anglophones qui ont organisé des colloques sur les conférences nationales ? Vous n’en trouverez pas. Quels sont les pays anglophones qui doivent leur avancée démocratique à une conférence nationale ? Il y a des rencontres nationales, mais ça ne se fait pas sous fond de crise violente où plus rien ne marche et on est obligé de faire quelque chose. Qualitativement, ce sont des situations différentes.

Parlant du diagnostic ayant conduit à la réforme du système partisan. N’est-ce pas parce que votre génération n’a pas réussi à mettre sur pied des partis forts que nous en sommes arrivés là ?
Sans aucun doute. Pourquoi n’avons-nous pas réussi à mettre sur pied des partis forts ? Il faut reconnaître le fait et chercher les causes qui débouchent sur des solutions. Il y a eu comme uns scission entre la génération de nos pères et nous autres. La nouvelle corde n’a pas été tissée au bout de l’ancienne. Tout cela, à cause de la conception que nous avions de l’indépendance du pays. Leur vision à eux, ce sont les leçons reçues de la France. Mon père à moi disait : « je marche comme on marche sur les Champs Elysées à Paris ». Voyez-vous sa vision ? Il est fier de cela.
Nous autres n’étions pas d’accord avec ça. Les premiers mouvements réclamant l’indépendance étaient organisés par les étudiants. Ils ont été secondés par l’Union générale des travailleurs de l’Afrique noire (Ugeta) dirigée par Sékou Touré.
Au départ, il n’y avait qu’un seul parti politique, celui des lettrés formés à William Ponty ou ailleurs. C’était l’Union progressiste dahoméenne. Il fallait choisir un candidat dans le cercle de Porto-Novo. Puisque Justin Ahomadégbé était plus populaire que Sourou Migan Apithy, il a été choisi. Apithy n’ayant pas fait William Ponty, mais plutôt le circuit des prêtres, il n’était pas populaire. C’est là que des voix se sont élevées pour demander à Ahomadégbé de se présenter chez lui à Abomey. L’éclatement de l’Upd était alors inévitable. Donc l’orientation vers le lieu de provenance ou l’ethnie est prise dès le départ, parce que chaque ethnie veut avoir son représentant. Donc, nous nous sommes organisés un peu sur la base des régions, des associations régionales des élèves, étudiants, jeunes… L’idée est qu’il fallait quitter la base pour le sommet. Et si on veut changer la base, on est obligé de parler la langue de la base. Ça a abouti à la formation de groupes de région qui étaient fédérés. Lorsque l’éclatement intervient au niveau de la fédération, chacun continue d’évoluer dans son coin. Tout cela a donné naissance à des partis politiques. Les gens discutaient des questions dans leur cocon régional. Je vous épargne des divisions entre étudiants catholiques, musulmans, protestants, socialistes…

C’est justement les partis dits régionaux que Patrice Talon veut combattre en initiant la réforme du système partisan. Quelle est la recette pour avoir des partis nationaux ?
Il m’est arrivé de séjourner deux ans d’affilée au Canada et j’ai eu le temps d’observer leur organisation politique. Nous sommes dans Cotonou. Je schématise en disant qu’il y a trois arrondissements dans la ville. Pour défendre mon arrondissement et le gérer, je crée un parti. Je veux gérer la commune, je crée un parti qui n’a pour ambition que de gérer Cotonou. C’est ça la conception de la démocratie, puisque c’est la base qui choisit ses représentants. Je veux gérer la nation, alors je crée un parti national. Vous pouvez être dans des partis différents au niveau de l’arrondissement et vous retrouver dans le même parti au niveau communal.

Est-ce à dire que les mêmes peuvent être membres de plusieurs partis…
Oui, mais des partis d’allure différente.

Quid de l’idéologie ?
Qu’est-ce qui m’empêche d’être dans un groupe avec une idéologie donnée et que quelqu’un ait son groupe avec son idéologie ? Où est le problème ? C’est le territoire concerné qui est la chose déterminante. L’idéologie est plutôt mondiale. Est-ce qu’il y a un parti mondial ? Les accointances ne sont pas seulement idéologiques. Elles sont également programmatiques. En termes d’idéologie et de programmation, des gens de deux creusets différents peuvent se retrouver parce qu’ils ont en commun la même vision au plan communal. Personne n’empiète sur l’autre.

Pensez-vous que l’organisation politique du Canada peut faire l’affaire au Bénin ?
J’ai la liberté de réflexion pour voir ce qui convient le mieux à mon pays et à nos habitudes. Je ne peux pas plaquer la réalité d’ailleurs chez moi sans discernement.

Abordons à présent la gouvernance actuelle. Vous faites partie des critiques les plus acerbes du régime. Que lui reprochez-vous ?
En ce qui me concerne, j’ai voté pour Patrice Talon, parce qu’il a dit des choses au cours de la campagne électorale. S’il ne fait pas ces choses-là, pourquoi devrais-je continuer à dire que je suis avec lui ? Je prends en compte la critique acerbe qu’il a faite contre les institutions qui doivent être indépendantes de l’exécutif. Est-ce qu’il a fait ça ? Il a fait le contraire. La justice est-elle indépendante ? Il y a plein de choses fondamentales qu’il a dites et qui n’ont pas été respectées. La question de l’asphaltage, parlons-en. Voyez un peu les quartiers huppés de Cotonou. C’est complètement bitumé, parce que ce sont les riches qui y vivent. Là-bas, les travaux sont achevés depuis, mais dans les quartiers populaires, ça traîne. Vous savez les conséquences sur les ménages pauvres ? Les bonnes dames qui ont leurs étalages ne vendent plus, les boutiques installées aux abords des voies ferment pendant de longs mois. Comment voulez-vous que ces personnes survivent ? Il faut savoir prendre en compte le fait que les autres ont aussi des intérêts même s’ils sont faibles et vulnérables.
Un autre exemple, les dernières élections législatives. La loi a posé problème. Le chef de l’Etat reconnaît que la loi est mauvaise. Et il demande que les députés aillent la corriger. Ils n’y parviennent pas, mais il l’applique quand même. Il aurait pu prendre ses responsabilités et envoyer un projet de loi au parlement pour faire les corrections appropriées.

Quels sont les points positifs à l’actif de nos gouvernants ?
Quel est le gouvernement qui n’est pas positif quelque part ? Ce qui m’intéresse, c’est ce qu’on change. On a fait mieux, mais on n’a pas changé. Tenez ! Sèmè-city, c’est une blague. On ne peut pas vouloir créer un pôle pour la recherche alors que vous n’avez aucun chercheur qui puisse drainer les autres. Conséquence, ils font des colloques, des formations qualifiantes. C’est un peu quand je critiquais la zone franche industrielle. J’ai dit, pour qu’on installe une entreprise ici, il faut qu’il y ait de la main d’œuvre qualifiée à un niveau donné. Nous n’en avons pas. L’internet et l’énergie, où en sommes-nous ?
Quand Patrice Talon a été élu, il avait peu de soutiens à l’Assemblée nationale. Il n’avait pas à s’arranger avec ces députés-là. Il devait utiliser sa popularité pour former une autre équipe. Il peut inclure certains d’entre eux. Peut-être que c’est le rapport de force. On a l’impression que c’est lui qui dicte tout, mais je ne suis pas certain que ce soit le cas. Il tient compte de ce que les autres veulent. Il fait des concessions pour les avoir avec lui. Je pense quelque part qu’il est sous pression. Il ne fait pas tout, tout seul. C’est mon sentiment.

Vous faites partie des rares hommes publics qui aient publié leurs mémoires. Avez-vous le sentiment que la jeunesse s’intéresse à vos écrits ?
Même les vieux ne lisent plus. C’est pour ça que je fais des posts sur les réseaux sociaux. Là au moins, ils lisent. « Qui peut le plus, peut le moins ». J’ai commencé par écrire des livres avant de m’intéresser aux réseaux sociaux. C’est par ce canal que mes écrits parviennent au plus grand nombre.
Propos recueillis par Moïse DOSSOUMOU



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