Examen de la proposition de loi visant la grève des Magistrats : Un groupe ad hoc de 9 membres mis sur pied en vue d’un consensus

Karim O. ANONRIN 5 août 2014

L’examen au Parlement de la proposition de loi portant modification de la loi n°2001-35 du 21 février 2003 portant statut de la magistrature au Bénin prévu pour se poursuivre hier après la suspension de la séance plénière du 29 juillet dernier n’a pu avoir lieu. Le président de l’Assemblée nationale, le Professeur Mathurin Coffi Nago, a annoncé à la plénière, la décision de la Conférence des présidents tenue quelques heures avant l’ouverture de la séance. De cette décision, il ressort qu’un groupe ad hoc de réflexion est mis sur pied pour trouver un consensus avant la poursuite des travaux ce jour à partir de 15 heures. Il s’agira pour ce groupe de travailler et de verser à la Commission des lois, de l’administration et des droits de l’homme, les conclusions de ses travaux prévus pour démarrer ce jour même. Le groupe sera composé de 9 députés à savoir 2 représentants de la majorité parlementaire, 2 représentants de la minorité parlementaire, 2 représentants de la Commission des lois, 2 représentants de la Commission des affaires sociales, et 1 représentant du bureau de l’Assemblée nationale. Plusieurs noms circulent pour faire partie de ce groupe de travail. De sources concordantes, l’on apprend que la majorité parlementaire a désigné les députés André Okounlola et Karimou Chabi Sika pour la représenter et le bureau du Parlement a désigné Boniface Yèhouétomè. En ce qui concerne les Commissions permanentes concernées par le dossier, elles seront représentées au sein du groupe de travail par les députés Hélène Kèkè-Aholou et Eric Houndété pour la Commission des lois, les députés Monhoussou Moussou et Epiphane Quenum pour la Commission des affaires sociales. Quant à l’opposition parlementaire, elle sera représentée au sein du groupe de travail par les députés Charlemagne Honfo et Louis Vlavonou. Mais après l’intervention du président de l’Assemblée nationale au sujet de la décision de la Conférence des présidents, les réactions n’ont pas tardé dans le rang des députés, toutes tendances confondues. Pendant que des députés tels que Lazare Sèhouéto, Thomas Ahinnou, et Sacca Lafia, manifestaient leur pessimisme quant à un aboutissement heureux de la décision de la Conférence des présidents, d’autres tels que Bani Samari, Grégoire Laourou, ont complètement adhéré à ladite décision. Mais pour couper court à toute polémique, le président Mathurin Coffi Nago, a évoqué les dispositions de l’article 19.2 du Règlement intérieur qui lui donnent le droit de recourir à un groupe spécial de réflexion dans le cas d’espèce où les députés n’arrivent pas à mener à terme l’examen de la proposition de loi en question. L’article 19.2 du règlement intérieur stipule : « Organisation des travaux de l’Assemblée nationale. Le bureau organise les travaux de l’Assemblée nationale et de ses Commissions. A cet effet, il détermine notamment : -l’ordre du jour de chaque session, sur proposition de son président, après consultation, de la Conférence des présidents ; -la durée de chaque session, -la durée des interventions, la limitation du nombre des orateurs, leur répartition entre différents groupes et le temps de parole à chacun d’eux ; -la constitution du groupe de travail s’il y a lieu ».
(Lire ci-dessous la décision de la Conférence des présidents délivrée par le président Mathurin Coffi Nago et les réactions de quelques députés)

Décision de la Conférence des présidents délivrée par
le président Mathurin Coffi Nago

« … Nous venons de tenir cette Conférence des présidents et je dois avouer que cette réunion s’est déroulée dans une ambiance de sérénité et d’ouverture d’esprit. Après les interventions des uns et des autres, il a été retenu ce qui suit. Une plénière va intervenir très prochainement ; une date a d’ailleurs été retenue, le mardi 5 août 2014 à partir de 15 heures. Mais avant cela et à partir de ce jour même, un groupe ad’ hoc a été mis en place de façon représentative, comprenant à la fois des représentants de la majorité et des représentants de la minorité, et des représentants des deux commissions qui ont été saisies quant au fond et pour avis. Ledit groupe va travailler pour faire des propositions, s’agissant de l’amendement qui est querellé. Et une fois que cette proposition d’amendement sera faite et acceptée de façon consensuelle, elle sera soumise à la plénière. Nous sommes optimistes s’agissant de la démarche que nous avons retenue et nous espérons que d’ici demain, nous allons avoir une proposition concrète qui puisse nous permettre de sortir de cette situation de blocage. On aurait pu choisir une autre voie ; celle de continuer comme les 29 et 30 juillet derniers. Mais je voudrais vous rappeler que malgré les 20 heures de débat, s’appuyant sur les arguments juridiques et autres, nous n’avons pu trouver une solution. Il n’est pas souhaitable de prendre une décision qui conduise à une ambiance conflictuelle. Nous avons choisi cette voie-là et je voudrais suggérer qu’on accepte cette démarche… »

Réactions de quelques députés au sujet de la décision de
la Conférence des présidents
Lazare Sèhouéto

« …Je voudrais faire trois remarques. La première, je voudrais savoir à quel article de notre Règlement intérieur, l’approche que vous nous proposez correspond. La deuxième est que nous aurions pu avoir un véritable dialogue parce que la conférence des présidents n’est que l’Assemblée nationale réduite aux responsables des Commissions permanentes et aux présidents des groupes parlementaires. Alors que si on veut faire un dialogue, on est à deux. Je considère qu’il n’y a pas eu dialogue au niveau du Parlement. Je considère que ce groupe de travail est complètement déséquilibré ; où les rares députés de la minorité seront noyés (...) Je considère que c’est un jeu de dupe. Troisièmement, quand il y a problème, c’est en ce moment qu’on s’accroche le plus que possible à la loi. C’est bien le moment où on s’accroche le plus que possible au règlement intérieur… »

Antoine Kolawolé Idji

« …Nous n’avons pas besoin dans ces circonstances d’un très long débat. A vrai dire, j’apprécie beaucoup l’effort de consensus que vous êtes en train de faire parce que c’est ce qui nous a souvent manqué. Je suis d’accord que le dialogue nous a beaucoup manqué. Je suis d’accord avec le président Lazare Sèhouéto que vous auriez pu trancher conformément à la loi (...) Mais mon inquiétude est celle-ci. J’ai vu la dernière fois, un désir de précipiter les choses. Je ne souhaite pas que cela se répète. Est-ce c’est vraiment indispensable que ça soit demain qu’on se retrouve ? Pourquoi ça ne peut pas être jeudi ?... »

Thomas Ahinnou

« …Je loue cette initiative de vouloir calmer les débats. Mais au vu de tout ce que nous avons vécu la dernière fois, je ne partage pas votre optimisme sur le résultat que ce groupe ad hoc va donner, parce que je ne suis pas sûr que les positions vont changer. Dans le cas d’espèce, comme l’a dit le président Sèhouèto, je crois que c’est les textes et uniquement les textes qu’il nous faut. Je voudrais tout simplement rappeler que lors de l’étude du budget dernier, la Commission avait adopté le rapport du budget ; mais ce rapport a été rejeté et le budget a été rejeté en plénière. Je crois donc que lorsqu’on sera à un certain niveau, il va falloir que vous preniez la responsabilité de faire jouer le jeu démocratique au niveau de notre Parlement… »

Bani Samari

« …Je voudrais particulièrement vous féliciter pour votre recherche constante du consensus et féliciter aussi tous les membres de la Conférence des présidents qui ont accepté que le groupe ad hoc soit créé. Vraiment, je vous en félicite monsieur le président. Vous avez dit dans votre intervention tout à heure que vous ne souhaitez pas que l’examen de cette loi intervienne dans une ambiance conflictuelle. Je voudrais donc adhérer à cent pour cent à cette proposition… »

Grégoire Laourou

« Je suis membre de la Conférence des présidents et malgré toute ma bonne volonté, je n’ai pas pu prendre part aux travaux ayant conduit à la proposition que vous avez pu livrer à la plénière. Je salue quand même le sens de responsabilité de tous les membres de la Conférence des présidents (…) Pour aller à l’essentiel, je voudrais dire que dès l’annonce de la solution que vous avez envisagée, j’ai eu les mêmes inquiétudes que le président Lazare Sèhouéto, s’agissant de l’application des textes. Mais très vite, je me suis rappelé que ce n’est pas la première fois que nous nous engageons dans une telle démarche. Je rappelle que c’est un groupe de travail qui a été mis à contribution, s’agissant de la correction de la Lépi. Nous avons emprunté le même chemin lorsqu’il s’agissait de réviser le Code électoral. Lorsque ces deux groupes ont fini de travailler, nous avons retrouvé les chemins indiqués par les dispositions du Règlement intérieur de l’Assemblée nationale et ça n’a pas posé de problème… »

Zéphirin Kindjanhoundé

« …Comme à vos habitudes, vous cherchez à vous coller aux textes et à travailler sur la base des textes. Nous continuons de vous en remercier. Je rappelle aux collègues que c’est l’article 30 de notre Règlement intérieur que vous avez voulu activer ainsi. Mais un autre article du Règlement intérieur donnait, au cours de la dernière séance plénière, droit aux membres de la Commission des lois de demander 7 jours ouvrés pour une commission spéciale d’information sur le dossier en examen. Nous avons rejeté ici cette demande de la Commission des lois (…) Aujourd’hui, nous continuons de tourner en bourrique. D’ici à demain, je ne pense pas que ce groupe de réflexion puisse faire un travail irréprochable. J’aurais souhaité qu’on donne un peu plus de temps au groupe de réflexion que vous proposez… »

Sacca Lafia

« Sacca Lafia est de nature optimiste. Mais pour une fois, Sacca Lafia est pessimiste. C’est très bon qu’on cherche à adoucir les choses. Mais qu’aucun d’entre nous ici ne se fasse d’illusions. Demain 5 août 2014, nous nous retrouverons ici à 15 heures à la position de 17 heures d’aujourd’hui. Rien n’aurait bougé. Si vous voulez vraiment que ça bouge, il faut donner un mandat clair à ce groupe et qu’il soit dit et entendu que les signataires de la proposition de loi portant modification de l’article 18 de la loi portant statut de la magistrature ne sont pas prêts à renoncer à leur conviction qui est celle que les Magistrats du Bénin doivent travailler et travailler bien pour le devenir heureux de ce pays… »

Propos recueillis par Karim Oscar ANONRIN



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