Fatoumata Batoko Zossou, Présidente de la Plateforme électorale des Osc : « La société est dynamique et il faut l’ajuster au fur et à mesure à la démocratie »

Arnaud DOUMANHOUN 19 février 2020

La plateforme électorale des Osc a joué ces dernières années un grand rôle dans la veille citoyenne par rapport à l’organisation des élections. Sa présidente, Fatoumata Batoko Zossou analyse le parcours de la démocratie béninoise depuis la conférence nationale.

30 ans après la tenue de la Conférence nationale, peut-on dire qu’on a une belle démocratie ?
Une belle démocratie, cela dépend de là où on se situe. Je pense que quand les institutions qui doivent composer une démocratie fonctionnent, on peut dire qu’il y a une démocratie.
Aujourd’hui, je ne dirai pas qu’il n’y a pas une démocratie. Mais qu’elle ne peut être une démocratie telle que cela a commencé depuis 1990. La société est dynamique et je crois qu’il faut l’ajuster au fur et à mesure à la démocratie. Nous devons faire en sorte que notre démocratie prenne en compte les évènements, l’environnement, la sociologie et aussi les mentalités qui tous évoluent. Je crois que nous ne pouvons pas nous asseoir sur la démocratie telle qu’elle a commencée depuis 1990. Il faut l’ajuster.

C’est vrai que nous avons connu des hauts et des bas. Mais est-ce qu’on peut dire que nous sommes restés dans la logique des pères fondateurs ?
Elle n’est pas restée dans la logique des pères fondateurs. Parce que comme je le disais tantôt, nous n’avons pas le même environnement que les pères fondateurs. Aujourd’hui, les pères fondateurs ne seraient certainement pas d’accord avec tout ce qu’il se passe. Nous-mêmes citoyens, nous ne sommes pas d’accord avec tout ce qu’il se passe. Mais je crois que c’est à nous de nous rendre compte ou de nous convaincre que ce n’est pas le même environnement que 1990, d’apporter notre pierre à la construction et de faire entendre ce que nous devons faire entendre, pour qu’il y ait les ajustements qu’il faut, et pour que cette démocratie nous amène vers les progrès que nous souhaitons tous.
Que ce soit des progrès que toute la société, toute la population béninoise partage. Qu’il n’y ait pas un progrès qui laisse d’autres en arrière ou qui les tire vers le bas. Et je dis, cette démocratie, telle que cela se passe aujourd’hui, il faut l’ajuster. Et nous devons faire partie des personnes qui l’ajustent. Nous ne devons pas laisser cela aux seuls gouvernants. Parce que celui qui est au gouvernail n’a pas la vue de tout, ne voit pas tout et n’a pas l’appréhension de tout autour de lui.
Nous qui sommes derrière, nous ne devons pas rester à crier. Il faut poser des actes. Il faut le faire convenablement pour que celui qui est devant comprenne qu’effectivement, il est en erreur et non pas qu’on veut le tirer vers le bas. Et je dis, moi, tant que j’en ai l’opportunité, je vais le dire à mes compatriotes, allons-y ensemble. Conduisons, accompagnons ceux qui sont au gouvernail, tout en leur disant ce qui ne va pas et trouvons les moyens convenables de le leur faire savoir, de le leur dire.

Pour ajuster, que faut-il faire en ce qui concerne les libertés et le multipartisme ?
Je vais dire qu’aucun président n’a fonctionné de sorte à tirer la démocratie vers le bas. Le président Yayi Boni a fait ses preuves. Il a fait ses erreurs. Et je dis que beaucoup de ses erreurs dépendent de nous aussi. Dans certaines circonstances, en effet, certains se sont sentis à l’aise, tel que la démocratie se faisait à l’époque et n’ont cru devoir dire qu’il y a quelque chose qui ne va pas.
Et aujourd’hui avec le président Talon, c’est la même chose. Nous ne pouvons pas tous être convenablement assis avec la démocratie. Quel que soit le pouvoir qui vient, il y aura des gens qui seront en arrière. Il y aura des gens qui sont fâchés. Il y aura des gens qui, à cause des reformes ne se retrouvent pas. Il y a toujours cela. Mais c’est à nous de garder l’essentiel de là où nous voulons aller. On ne peut pas comme on le dit, ‘’faire une omelette sans casser des œufs’’. On doit casser les œufs. On doit accepter que les œufs soient cassés. Et je vous dis, ce n’est pas une affaire de président.
Ce n’est pas une affaire de président Yayi Boni qui a échoué. Ce n’est pas une affaire de président Patrice Talon que les gens ne suivent pas aujourd’hui. Je dis, c’est aussi notre part.
Il ne faut pas lâcher à une seule personne les fautes, les ratés d’une gouvernance. Nous tous nous devons y mettre la main pour faire en sorte que cela soit à l’avantage de tout le monde.
Propos recueillis : Arnaud DOUMANHOUN



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