Grégoire Akofodji : « Jamais je n’ai connu Tégbénou … »

La rédaction 27 décembre 2018

Vous aviez reçu à votre domicile Mr Tégbénou en compagnie du régisseur de la prison civile d’alors. Est-ce que c’est une information vérifiée ?
C’est une fausse information. Je n’ai jamais rencontré Tégbénou. Je viens de le voir ici à cette cour, à cette audience pour la première fois. Je ne l’ai jamais connu avant que la crise n’éclate. Je ne l’ai pas connu après éclatement de la crise. C’est la première fois que je vois Mr Tégbénou qui dit m’avoir rendu visite et avoir échangé avec moi à mon domicile. Je voulais vous faire remarquer, Mr le président qu’il y a eu deux sessions sur l’affaire Icc et jamais je n’ai entendu mon nom cité au cours de ces sessions de la cour d’assises. C’est un nouveau fait que Mr Tégbénou avance et je remarque qu’en plus d’être nouveau il n’y a pas un début de vérité dans cette affaire. Si je ne vous avoue pas que je suis choqué, qu’on ait pu fabriquer des faits, je mentirai. Jamais je n’ai connu Mr Tégbénou et je ne sais pas d’où il est allé rechercher ce fait fabriqué. Merci Mr le président.

Mr Emile Tégbénou, prenez la parole. Vous avez suivi l’intervention de Grégoire Akofodji ? Vous étiez allé le voir en compagnie de qui ?
Mr le président c’est le régisseur si je me rappelle bien. Il s’appelle Gbègan. Il était là. Je dormais quand Gbègan m’a envoyé un papier. Dans le temps on m’avait trimbalé alors que j’étais malade. J’étais allé le voir dans son bureau.

Vous êtes allé dans le bureau de qui ?
Du régisseur Gbègan. C’était un agent qu’il avait envoyé me cherché. Gbègan avait refusé de m’envoyer seul et il avait décidé de m’accompagner avec deux de ses gendarmes à Vèdoko.

Mr Grégoire Akofodji votre maison est dans quel quartier ?
A Vèdoko exactement

Tégbénou, c’est au bord de la voie ?
Oui on a pris la voie d’Etoile Rouge et en dépassant j’ai vu qu’on allait à Vèdoko. On n’était pas encore arrivé au niveau de cica Toyota quand on a pris une Von. Nous sommes arrivés dans une maison où il y a des sièges rouges au vin. Il était là avec le général Sèwadé.

Le siège est de rouge au vin. C’est son salon ?
Oui c’est son salon bien sûr.

Mr Akofodji votre siège est de quelle couleur ?
Mon salon est en cuir marron

C’est ça que vous avez aujourd’hui ?
Tégbénou : Mr le président j’ai bien vu. C’est en cuir.

C’est une maison à étage ?
Non c’est en bas que nous étions.

La maison est à étage ?
Non quand le véhicule s’est arrêté on m’a dit de descendre.

C’est au bord du goudron ou du pavé ou de la voie ferme ?
On a pris par une voie pavée.

C’est au bord du pavé ?
Oui

Mr Grégoire Akofodji, votre maison est au bord du goudron ou du pavé ?
C’est au bord d’une voie pavé. Mais encore une fois, la voie est plane.

Mr Tégbénou ?
Le régisseur était descendu et m’a accompagné. Les autres gendarmes étaient au dehors. C’est ainsi qu’il a commencé par crier sur le régisseur disant « je t’ai dit de m’envoyer la personne et tu l’as suivi ». Et le régisseur a dit non qu’il ne peut pas lui envoyer quelqu’un sans s’assurer du retour. S’il y a évasion, il ne saura pas auprès de qui s’informer. C’est ce qu’il a dit le jour-là. Il a dit que c’est lui le ministre de la justice. J’étais debout tranquille. Je ne savais même pas de quoi il s’agissait. Donc quand ils ont fini leur discussion, il a dit au régisseur de l’attendre au dehors. Le régisseur est sorti et attendait à la porte. C’est ainsi qu’il m’avait demandé si on me posait la question afin de savoir si je connais le Président de la République d’alors qu’est-ce que j’allais dire. Il m’avait demandé d’abord si le connais. Je lui ai répondu non. Il dit que c’est lui qui est le ministre de la justice. Si ça arrivait qu’on me le demande qu’est-ce que j’allais dire. C’est la question qu’il m’a posée.

Mr Guy Akplogan, connaissez-vous Mr Grégoire Akofodji ancien ministre de la justice ?
Oui Mr le président, je le connais.

En quelle occasion ?
J’ai été conduit chez lui une fois à Vèdoko.

De nuit ou de jour ?
Oui de jour.

Par qui ?
Par le régisseur Gbègan et le chef Agboton.

Mr Grégoire Akofodji ?
C’est exact.

A votre domicile ?
A mon domicile, mais je vous dirai dans quelle condition tout à l’heure si vous souhaitez me poser la question.

Qu’est-ce que vous êtes allé faire ?
Il était question de ce que le Président voulait m’entendre. Je disais à l’époque que je voulais parler au Président de la République. Donc la veille on m’avait faire sortir aux environs de 19h. Je suis allé vers le CB d’alors et on attendait là, il m’a dit non que c’est le chef qui doit lui faire signe comme quoi le chef d’Etat allait venir.

Allait venir où ?
A la prison civile de Cotonou.

Il n’est plus venu ?
Il n’est plus venu, j’ai attendu longtemps. Après le CB est venu me dire que l’opération a été annulée. C’est le lendemain que le régisseur m’avait appelé dans la journée et m’a fait sortir en présence du gardien chef d’alors et un autre agent pour qu’on aille dans la maison du ministre d’alors.

Guy Akplogan est-ce que vous vous retrouvez dans la description faites de la maison de Grégoire Akofodji par votre co-accusé Emile Comlan Tégbénou ?
Oui, c’est exact Mr le président.

Grégoire Akofodji : Monsieur le président, j’ai reçu en audience à mon cabinet maître Kato Atita, conseil de monsieur Guy Akplogan. Il était venu me convaincre de ce que Guy Akplogan avait les moyens de rembourser ses déposants et que si nous acceptions de lui assurer une libération conditionnelle, il pourrait s’organiser pour indemniser totalement les déposants. J’ai dit à maître Kato Attita qu’il fallait que je comprenne davantage sachant le système qu’il avait utilisé, qu’ils étaient en faillite. Qu’il fallait que je comprenne de quelle manière ils comptaient rembourser les spoliés d’Icc-services. C’est donc une demande qui m’a été faite par maître Kato Atita, d’accéder au désir de son client de rembourser ses déposants et pour se faire, d’assurer une libération de son client. Voilà donc dans quelle condition, j’ai estimé nécessaire d’écouter d’avantage Guy Akplogan, de voir quels sont les moyens qu’il allait mettre en œuvre et de quelle manière est-ce qu’il allait cerner l’ensemble des déposants et regarder si les ressources qu’il avait pouvait permettre de faire face aux dettes qui étaient les siennes. Comme l’administration pénitentiaire en semaine est très sollicitée par les questions de déferrement et autres et que je ne me voyais pas, moi, garde des sceaux, aller discuter avec un prisonnier en prison, j’ai souhaité qu’on puisse organiser ça que je puisse l’écouter pour savoir de quelle manière il comptait payer les déposants. Bien entendu, c’est un samedi matin que je l’ai reçu à la maison autour de 10h et l’entretien a duré 30 minutes. Et là-dessus, je l’ai écouté sur les ressources qui sont les siennes ? Est-ce qu’il les a évaluées ? Quel est le montant des dettes qu’il a contracté vis-à-vis de ses déposants de manière à faire moi-même un compte rendu le plus fidèle possible au comité de crise dont j’appartiens et enfin saisir le comité de suivi. Lorsqu’on a fait cet entretien, je suis resté sur ma faim parce que la seule chose qui intéressait Guy Akplogan, c’était d’être libéré. La promesse est que si je suis libéré, je vais rembourser. Or, il me semblait bien avant de parler de cette libération qu’il était important qu’on puisse apprécier les ressources qui sont les siennes et de quelle manière, il comptait mettre en œuvre le remboursement de ses déposants. Voilà l’essentiel de ce que nous nous sommes dit ce jour-là et il est reparti. Bien entendu, je n’ai pas été convaincu de ce qu’il m’a dit. J’ai eu le sentiment que la seule chose qui l’intéressait vraiment, c’était qu’on puisse lui permettre de quitter la situation de détention à la prison civile de Cotonou. Et j’ai donc considéré qu’il ne faudrait pas donner une suite à ça. C’est tout ce que nous avions dit au cours de cet entretien et nous n’avions rien dit d’autre. Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur Grégoire Akofodji, qu’est-ce que ça fait dans la forme, qu’un ministre en charge de la justice puisse recevoir dans son domicile, un détenu provisoire indépendamment du fond ?
Monsieur le président, je vous avouerais que j’avais plusieurs contraintes que je devrais gérer. La première contrainte, dès que je suis arrivé au ministère de la Justice, j’ai eu ce dossier et j’ai eu à faire une visite de travail en Côte d’Ivoire où j’ai rencontré le ministre de la Justice et celui de l’Intérieur. Je leur ai demandé, comment est-ce que vous aviez géré la crise de structure illégale d’épargne lorsqu’elle s’est produite en Côte d’Ivoire. L’un et l’autre m’ont dit que c’était simple. Le Président Gbagbo a considéré qu’il y avait des escrocs, qui ont rencontrés d’autres escrocs, ils se sont entendus, ils ont faits commerce ensemble, et qu’ils aillent se débrouiller entre eux. L’Etat n’a pas voulu se mêler à cette affaire. Et quand je suis rentré de cette mission d’information, j’ai rendu compte au Président de la République. Nos voisins immédiats ont géré le problème de cette manière. Le président m’a dit que malheureusement, nous ne pouvons pas laisser nos pauvres citoyens dans une situation pareille. Il faut absolument que les promoteurs de structures illégales puissent rembourser les populations spoliées. En ce moment-là, il n’y avait qu’une seule solution, c’était tout faire pour que et les promoteurs de structures illégales et l’Etat se donnent la main pour que les populations rentrent en possession de leurs fonds. Dans ces conditions-là, j’ai estimé, même si ça peut paraître indécent de recevoir un détenu chez soi compte-tenu de ce que son conseil avait dit, qu’il faille voir ce qu’on pouvait faire pour se sortir d’histoire. Monsieur le président, je ne vous apprendrai rien, si je vous dis que l’implication de l’Etat dans cette affaire n’était pas aisée. Il s’agit d’une affaire de privés entre privés et l’implication de l’Etat pour régler un problème qui est dans le privé, sur le plan juridique n’était pas aisé du tout, y compris de recevoir chez moi quelqu’un qui est détenu de la prison. C’est un acte d’humanisme allant dans le sens de faire quelque chose pour aider et les déposants et les promoteurs pour sortir d’affaires. Voilà, ce que je peux dire, monsieur le président.

Monsieur Grégoire Akofodji qu’est ce qui vous empêchait de le recevoir en vos bureaux au ministère ?
Je vous ai expliqué tout à l’heure que lorsqu’on a fait le point, les occupations du personnel pénitencier en semaine ont fait que c’était difficile de les libéré pour qu’ils s’occupent de ça. Ensuite, on s’est dit un samedi matin qu’ils sont moins occupés, ils sont plus disponibles donc ils peuvent organiser ça. En tout et pour tout cela a duré trente minutes. Trente minutes je l’ai écouté il m’a dit sa bonne foi. Mais sa seule bonne foi ne suffisait pas. Je n’ai pas senti chez lui une organisation suffisante pour dire : « je suis capable de rembourser effectivement ceux qui sont mes clients et qui détiennent créance sur ma structure ». Donc voilà comment les choses se sont passées et encore une fois monsieur le président j’en assure la responsabilité entièrement et seul.

Monsieur Grégoire Akofodji donc vous reconnaissez le fait de recevoir Guy Akplogan en vos domiciles à aucune norme
Monsieur le président je n’ai pas le sentiment en posant l’acte que j’ai posé, d’avoir cherché ou d’avoir commis un crime, d’avoir cherché à nuire à quelqu’un. Je l’ai posé dans l’intérêt supérieur de la République. Je l’ai servi, et pour moi si effectivement j’avais rencontré chez monsieur Akplogan des dispositions et une capacité effectivement à mobiliser les ressources qui suffisaient à payer les déposants, et bien aujourd’hui on en serait par là. Mais encore une fois, j’assure la responsabilité d’avoir voulu échanger avec Akplogan pour savoir s’il était capable oui ou non de payer les déposants, tel son avocat est venu me le dire, et tel son avocat a souhaité que je le rencontre pour en savoir davantage .

Pourquoi vous empresser d’assumer les responsabilités ?
Non parce que encore une fois son co-détenu dit qu’il est venu chez moi, alors qu’il n’est pas venu chez moi. Par contre je dis effectivement l’autre est venu chez moi. Mais son codétenu dit aussi qu’il est venu la nuit, d’après ce qu’on m’a dit parce que je n’ai pas écouté lorsqu’il faisait sa déposition à la cour. Ce qui est faux, donc encore une fois je reconnais avoir reçu monsieur Guy Akplogan chez moi. Je reconnais lui avoir posé la question que je lui ai posée et dont je vous ai fait état tout à l’heure à savoir : est-ce qu’il a les moyens oui ou non de payer ces déposants ?

Monsieur Grégoire Akofodji est-ce que le juge d’instruction qui avait la charge du dossier était au courant de la sortie de ce détenu pour vous rencontrer ?
Pour que ça se passe, encore une fois j’ai demandé à mes collaborateurs d’organiser cet entretien là ils ont dû faire ce qu’il fallait faire. Mais encore une fois je vous dis cet enthousiasme que j’ai voulu, j’en assume la responsabilité. Je n’implique personne je l’ai voulu comme ça. C’est moi qui en assume la responsabilité, personne d’autres.

Monsieur Grégoire Akofodji ne soyez pas sur la défensive. Laissez nos débats nous amener vers une éventuelle responsabilité vous concernant. Dites-nous, vous avez averti son avocat de cet entretien ?
Oui monsieur Kato Atita. Et je vous ai dit que c’est suite à la demande de maître Atita que j’ai pris la décision de recevoir Guy Akplogan et de l’écouter.

J’aimerais que la cour donne la parole à monsieur Akplogan pour recueillir ses observations.
Monsieur Guy, vous vous retrouvez dans la déclaration de Grégoire Akofodji ?
Non. Je ne me retrouve pas dans ce qu’il dit. Car ce n’est pas de ça nous avons discuté chez lui.

De quoi avez-vous discuté ?
Effectivement j’avais déjà à l’époque déposé un plan de remboursement à l’AJT et j’avais fait ampliation au ministre de la justice, le chef de l’Etat, le procureur d’alors. Et c’est parce qu’au niveau de l’AJT ils ne cédaient pas au fait de nous laisser travailler, car ce plan prenait en compte 8 autres structures de production hors placement. Je m’évertuais à expliquer qu’il faut aller vérifier l’existence des autres unités de production et nous laisser travailler. Je martelais cela et ça ne marchait pas. Je voulais rencontrer le chef de l’Etat et quand j’ai soumis la demande auprès de maître Kato Atita qui est venu me voir chez le régisseur avec des autorités, je ne me rappelle plus de qui et qui et nous sommes allés chez Akofodji. Quand nous sommes arrivés, la première question qu’il m’a posé, il a pris un canepin et m’a dit, vous avez souhaité rencontré le chef de l’Etat. Il m’a instruit de vous entendre et lui rendre compte. Je lui ai répondu simplement que je n’ai rien à lui dire. C’est tout simplement ce qui s’est passé. Ça n’a pas été question d’entretien. Voici pourquoi je ne me retrouve pas dans ça.

Monsieur Grégoire Akofodji, maître Kato Atita vous a vraiment parlé de libération conditionnelle pour obtenir cette rencontre-là ?
Je suis formel dessus. Que ce soit maître Atita et Guy Akplogan étaient envoûtés sur une libération. En fait c’était ça l’objectif.

Provisoire ou conditionnelle ?
Obtenir la libération conditionnelle de monsieur Guy Akplogan. C’était ça la question. Mais l’habillement qui a été fait de ce dossier par le gouvernement d’alors auquel j’appartenais c’était aux promoteurs de cette structure illégale de placement si on veut avancer dans ce dossier, de payer leurs déposants. Et donc, ils m’ont dit : ‘’on peut payer mais à condition que vous nous libérez. Libérez nous et nous allons payer les déposants’’. J’ai dit mais ce n’est pas possible. Pour que votre proposition soit crédible, il faut que nous mettions en face des dettes que vous avez, des ressources correspondantes pour que nous puissions savoir effectivement si on vous accompagne, vous allez pouvoir payer les déposants. Donc ça a foiré parce que nous n’avons pas eu de ressources correspondantes aux dettes qu’on chiffrait approximativement on ne les a pas eues. Il n’a pas été en mesure de nous les montrer ni de nous les dire. A l’époque, Icc-services n’avait pas une connaissance exacte du nombre de ses déposants ni des dettes envers ces derniers. Et donc certains problèmes m’ont conduit à contrer un peu la demande. Puisqu’elle n’était même pas recevable, ce n’était pas la peine de continuer plus loin.

Pourquoi la demande n’était-elle pas recevable ?
Simplement parce que si vous dites à quelqu’un, je vais vous payer et que vous n’êtes pas capable de dire comment vous allez pouvoir payer, on ne peut vous faire confiance. La confiance se base sur des choses réelles, sur des faits réels, sur du concret. Donc sans une connaissance précise des ressources d’Icc-services, on ne pouvait pas prendre au sérieux la foi manifestée par les promoteurs, celle de dire nous allons payer nos déposants.

Si Guy Akplogan vous avait convaincu par son plan de remboursement, auriez-vous accédé à la demande ?
Ça change tout monsieur le président, parce que ce qui préoccupait, c’est tous ces déposants qui se retrouvaient du jour au lendemain sans rien pour avoir fait confiance à ces structures de placement. Si on pouvait trouver cette panne qui était dans la nature, ça aurait été bien pour le pays, pour les déposants et pour l’économie. Donc ma logique, c’était celle-là. Si on avait au moins un début de preuve que ces ressources-là pouvaient revenir dans l’économie, on aurait pu accélérer la procédure et on n’en serait pas là. Il y a eu un blocage à ce niveau. Parce que depuis bientôt neuf ans, les promoteurs de Icc-services n’ont pas pu payer leurs déposants à cause de ça.

Monsieur Akofodji, comment un avocat en la personne de maître Kato Atita peut vous convaincre aux fins de recevoir son client d’un accord de liberté conditionnelle ?
Je vous reprécise qu’à l’époque des faits, le problème de Icc-services c’est le drame des populations qui se sont retrouvées du jour au lendemain sans la moindre ressource pour faire face à leur quotidien.

Quelle était la demande exacte de maître Kato Atita ?
Maître Kato Atita est venu me voir pour me dire, mon client me dit avec insistance qu’il a les moyens de payer ses déposants et il suffit de lui permettre d’être libre pour pouvoir le faire. J’ai dit mais si nous devons mettre la libération en face du payement des déposants, il n’a qu’à nous dire quelles sont les ressources dont il dispose pour lui permettre une fois sa liberté retrouvée de faire face à cet engagement ?

La liberté qui relève de votre discussion, c’est celle conditionnelle ?
Oui

La liberté qui relève de votre institution, c’est celle conditionnelle ?
Oui

Si le plan de paiement vos convainquait, est-ce que vous allez accorder cette liberté conditionnelle ?
Je vous dis M. le président que je ne m’occupe pas de la partie pénale. Je voyais l’intérêt des populations

Le désintéressement des victimes ne peut pas survenir sans le règlement du côté pénal.
Oui, mais en tant que ministre de la justice et membre du gouvernement, c’était déjà 75% du chemin fait. Dans un pays comme la Côte d’Ivoire, il s’est produit le même phénomène qu’ICC Services. Aujourd’hui, il y a 500 milliards Fcfa qui viennent de partir en fumée dans cette opération à grand business. Donc le dossier Icc Services est un drame. Mais il faut faire preuve de discernement. A l’époque, lorsque j’ai discuté avec Me Kato Atita, j’aurais fait ce que je peux, j’aurai essayé donc d’obtenir le payement des déposants et voir ce qu’il est possible de faire pour que, sur le plan pénal, cette affaire puisse se poursuivre.

Me Kato Atita vous a eu finalement. Il sait que la seule libération que vous pouvez accorder, c’est évidemment conditionnelle. Et en ce moment précis, vous n’avez pas la possibilité d’accorder une telle libération conditionnelle, parce que c’est accordé à ceux qui sont déjà condamnés et la condamnation est définitive pour ceux qui ont une sagesse dans leur démarche carcérale. On n’était pas à cette hauteur de procédure. La libération conditionnelle demandée par Kato Atita est-elle un piège qu’il vous a tendu ?
Si nous avions la possibilité d’obtenir le dédommagement des spoliés, on aurait pu acter la procédure. On aurait pu acter le procès. Le procès aurait pu se tenir rapidement.

Pourquoi avez-vous choisi d’instruire le dossier à votre domicile alors qu’il y a un juge d’instruction qui a la charge ?
Je n’ai pas instruit le dossier à mon domicile. Je vous avais dit que j’étais membre du comité de crise. Et à ce titre, j’étais responsabilisé au sein du comité interministériel pour contribuer à trouver une solution à la situation.

Un membre est-il capable de prendre des initiatives individuelles ?
J’ai pris cette initiative dans l’intérêt de la République, et par rapport à cela, j’ai fait ce que ma conscience m’a demandé de faire pour faire avancer ce dossier.

Procureur Spécial : M. le Président, merci d’avoir expliqué à M. Akofodji cette démarche. Nous allons lui demander de lire l’article 810 pour mieux comprendre ce qu’on appelle la libération conditionnelle du code de procédure pénale. M. Grégoire Akofodji, déontologiquement lorsqu’un magistrat le fait ainsi, vous devez le traduire en conseil de discipline. Au moment où vous occupiez le plateau du ministre de la justice, votre profil vous recommande d’avoir le comportement de magistrat. Vous ne devez pas recevoir un détenu à domicile. Vous avez le service DACP du ministère qui devait vous donner les informations techniques adéquates et le comportement d’un garde des sceaux. Cela veut dire que l’Etat béninois que vous représentiez au moment des faits a failli dans la conduite. En aucun cas, un ministre de la justice ne peut se comporter ainsi. Je regrette que le gouvernement ne vous ait pas interpellé pour cette attitude devant les magistrats. Je demande de ne pas vous copier.

Me Quenum : Déjà sur l’intervention du ministère public, je voudrais qu’on distingue les actes posés pour le compte de l’Etat béninois de ceux qui ont été posés par des individus à titre personnel. M. Akofodji, est-ce que votre domicile constitue une salle d’audience. Est-ce que, en recevant un détenu, vous agissez pour le compte d’une institution de l’Etat ou est-ce à titre personnel ?
Je ne connais Guy Akplogan ni d’Adam ni d’Eve. Nous ne nous sommes jamais rencontrés. Ce sont les nécessités qui ont fait que j’ai accepté de le recevoir chez moi, alors qu’il est détenu. Ce n’est pas à titre personnel puisque nous n’avons échangé d’aucun sujet, en ce qui concerne ma personne. Nous avons échangé d’un sujet qui concerne l’Etat.

Est-ce qu’il n’existe pas des structures compétentes de l’Etat pour interroger ou organiser un interrogatoire de détenu ? Est-ce que ce vous avez fait était dans vos attributions de ministre de la justice ?
Il s’agissait d’abord de me faire une opinion en tant que ministre de la justice sur la demande de l’avocat, de voir si cette demande de libération conditionnelle était acceptable et si l’obtention du remboursement des déposants pouvait se faire ensemble. Voilà dans quel sens j’ai agi.



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