Le garde des sceaux, Valentin Djènontin à propos de la fuite du juge Houssou : "Le juge Angelo Houssou n’est pas un exilé politique"

Clément WINSAVI, Moïse DOSSOUMOU 3 décembre 2013

Le ministre de la justice, garde des sceaux, Valentin Djènontin était hier face aux hommes des médias à l’occasion d’un point de presse. Au cœur de cette rencontre avec les journalistes, la situation qui a cours au Bénin au sujet de la fuite du juge Angelo Houssou vers les Etats-Unis. Angelo Houssou, juge du 6ème cabinet du tribunal de 1ère instance de Cotonou, est le juge qui a lancé un mandat d’arrêt international contre Patrice Talon et Olivier Bocco, tous deux mis en cause dans l’affaire de tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat, Boni Yayi et qui a par la suite prononcé deux ordonnances de non-lieu général à propos de la même affaire. Il s’est enfui le samedi dernier vers les Etats-Unis où il a fait une demande d’asile politique. Un acte que le ministre a, au cours de son intervention, déploré. Selon lui, les raisons évoquées par le juge Angelo Houssou ne sont pas valables. « C’est de mauvaise foi de dire que la sécurité du juge Houssou est menacée, car le gouvernement a mis à sa disposition jusqu’à cinq gardes du corps suite à sa propre demande et c’est lui-même qui a jugé que ces gardes étaient devenus encombrants, en exigeant leur départ », a déclaré le ministre. De même, a-t-il ajouté, un courrier a été adressé au juge le 17 août dernier pour lui demander de faire le choix par lui-même d’un garde du corps et cette correspondance est restée sans suite jusqu’à ce jour.

La sécurité du juge Houssou n’est pas menacée
Le garde des sceaux, Valentin Djènontin a tenu également à rassurer l’opinion publique nationale et internationale que le gouvernement béninois tient à la sécurité des personnes et des biens à l’intérieur du pays. A cet effet, il s’est inscrit en faux contre les allégations du juge Angelo Houssou contre l’Exécutif. « Si la sécurité du juge Houssou était tant menacée tel qu’ils le dénonçaient, lui et ses pairs de l’Unamab ainsi que les membres de sa famille, il n’aurait pas pu sortir du territoire du Bénin sans être intercepté », a-t-il laissé entendre. A en croire le garde des sceaux, le juge Houssou restait libre de ses mouvements et sa sécurité préoccupait le gouvernement. C’est pourquoi, il a invité les populations à la sérénité et demandé aux magistrats de continuer l’exercice de leur fonction dans l’esprit des lois de la République.

La coïncidence suspecte
Il existe une coïncidence dans les actes que pose le juge Angelo Houssou et l’interprétation qu’en fait le ministre de la justice, garde des sceaux est claire. En effet, au soir de l’ordonnance de non-lieu général qu’il a rendue le 17 mai dernier sur l’affaire de tentative d’empoisonnement du Chef de l’Etat Boni Yayi, le juge Angelo Houssou a tenté de fuir du pays et a été intercepté à la frontière de Sèmè-Kraké avec un visa américain de 3 ans, et c’était à 4 jours de l’audience de Paris sur la même affaire. Le samedi dernier était le 1er décembre et donc à 4 jours d’une autre audience de Paris prévue pour le 4 prochain. Aux yeux du ministre Djènontin, « le juge Angelo Houssou n’est pas un exilé politique, il crée des situations pour empêcher le cours normal des choses ». Le garde des sceaux a, pour finir, indiqué que le gouvernement américain a déjà envoyé une note officielle au juge Houssou pour lui notifier l’annulation de son visa et son interdiction de séjour aux Etats-Unis et que c’est alors en voulant le réembarquer pour Cotonou qu’il a déclaré aux autorités qu’il était un exilé politique.

(Lire ci-dessous les propos liminaires du ministre de la justice Valentin Djènontin)
« Nous avons d’excellents magistrats même si on a des problèmes avec quelques-uns d’entre eux… »

« Je tiens à faire ce point de presse pour clarifier la situation qui est devenue préoccupante depuis quelques heures. Depuis hier nuit (dimanche 1er décembre 2013), le départ du territoire national du juge Angelo Houssou défraie la chronique. En ma qualité de ministre de la justice, Angelo Houssou fait partie de l’effectif de mon personnel. Sa situation me préoccupe à plus d’un titre. Et c’est pour cela que j’ai voulu faire ce point de presse pour clarifier un certain nombre de choses et donner plus d’informations à la population et profiter en même temps pour apaiser la population qui vit sous une psychose depuis ce moment-là…Le juge Angelo Houssou, est juge de 6è cabinet du Tribunal de première instance de Cotonou. C’est à lui que sont confiés certains dossiers sensibles dont ceux relatifs à la tentative d’empoisonnement du Président Boni Yayi et à la tentative de coup d’Etat contre son régime. Pendant des mois, le juge Houssou a instruit ces dossiers et a fini par prononcer un non-lieu après avoir délivré un mandat d’arrêt contre Talon et compagnie. Dans la foulée de ces périodes (instruction des dossiers et prononcée des verdicts) des questions se sont posées par rapport à la protection du juge Houssou. Après avoir pris l’ordonnance de non-lieu, le juge Houssou a tenté de quitter le territoire national, mais il a été rattrapé à la frontière de Kraké par la police nationale avec beaucoup d’effets vestimentaires et a été ramené chez lui…Au moment où il instruisait les deux dossiers il avait demandé qu’on renforce sa sécurité. C’est ainsi que sa garde a été renforcée avec des éléments qui le suivaient partout, même au domicile. Mais quelques temps après, les agents de sécurité qu’il a lui-même demandé sont devenus encombrants et le dispositif de sécurité mis à sa disposition a été allégé. Cela a suffi pour déclencher les critiques de l’Unamab. Lorsque j’ai pris service dans ce ministère, j’ai adressé au juge Angelo Houssou un courrier le 13 août 2013 avec en objet : mise à disposition d’un garde de corps. Dans ce courrier, j’ai expliqué au juge Houssou qu’il a le loisir de choisir qui il veut pour être son garde du corps, mais cela ne va pas être parmi le personnel de la garde républicaine parce que ce personnel est régit par le décret N°2008-454 du 14 août 2008 qui réglemente la gestion des gardes de corps et leur mise à la disposition des autorités. Depuis le 13 août jusqu’à ce jour, le juge Houssou n’a pas répondu à ma correspondance. Malgré cela, on lui a laissé un élément de la garde républicaine de façon exceptionnelle. Le juge Houssou est devenu tellement familier aux gardes du corps qui étaient mis à sa disposition au point où il leur faisait beaucoup de largesses et les amenait partout. L’un d’entre eux l’accompagnait régulièrement dans des milieux occultes. On était en octobre 2013. Ce garde du corps avec qui le juge allait partout a demandé à quitter parce qu’il s’est rendu compte qu’il ne pouvait plus supporter d’amener le juge faire des choses occultes et sataniques. Lorsque le garde du corps rentre chez lui, il voit énormément de choses. Le comble est qu’il a perdu deux de ses enfants miraculeusement coup sur coup. C’est ainsi que le 7 octobre 2013, ce garde du corps qui a pris soin d’informer ses supérieurs hiérarchiques a été retiré au juge Houssou. Ceux qui disent que le juge Houssou n’est pas libre de ses mouvements ont donc menti parce que depuis le 7 octobre 2013, le juge Houssou n’avait plus de garde de corps à sa dispositions. Nous en étions là quand tous les jours qui passent, nous avons des informations, des rumeurs qui confirment le paradoxe qu’il y a dans le comportement du juge Houssou. L’ordonnance de non-lieu prise par le juge Houssou était intervenue quatre jours avant la 2è audience du procès sur la demande d’extradition de Patrice Talon tenue à Paris. Curieusement, à la date d’hier (1er décembre 2013), nous étions également encore à quatre jours de l’audience du 4 décembre sur le même dossier à Paris quand le juge Houssou a décidé de fuir du pays. Dans le premier cas, lorsqu’il y avait eu cette fuite, on avait constaté qu’il était en possession d’un passeport dans lequel il y avait un visa d’entrée aux Etats-Unis. Les autorités américaines ont commis un juge indépendant pour analyser l’ordonnance de non-lieu que le juge Houssou avait prise. Et on a constaté que du début jusqu’au moment où il a pris cette ordonnance, les différents actes qu’il a posés suscitent des questionnements. En clair, les gens se demandaient si on n’a pas à faire à un juge qui est inconstant ou à la limite corrompu. On en était là quand les autorités américaines ont décidé d’annuler le visa qu’elles avaient accordé au juge Houssou. Le passeport étant gardé par la police, on n’a pas pu mettre le cachet annulé. Mais une lettre personnelle a été adressée au juge Angelo Houssou pour lui notifier qu’il est interdit de séjour aux Etats-Unis. Malgré cela, il est passé par Accra pour se rendre aux Etats-Unis. Mais arrivé surplace, compte tenu du fait qu’il est interdit de séjour, il est gardé dans les aires de l’aéroport de New-York où les autorités américaines sont en train de faire les formalités administratives pour savoir ce qui se passe exactement. Les autorités étaient même prêtes à le réembarquer sur Cotonou quand il a dit qu’il est un exilé politique. Chers amis, vous êtes tous Béninois, vous vivez dans le pays. Est-ce qu’à ce jour, nous avons un seul détenu politique au Bénin ? Est-ce qu’on n’a jamais jeté quelqu’un en prison pour ses opinions ? Est-ce qu’on n’a jamais jeté quelqu’un en prison parce qu’il a insulté le Président, parce qu’il a attenté à la vie du Président ? Donc le juge Angelo Houssou n’est pas un exilé politique. Il a juste dit cela pour faire un effet d’éclat afin d’influencer le cours des choses encore à Paris. Si non cette coïncidence parait assez curieuse. J’ai entendu beaucoup de personnes dire que le juge Houssou a été enlevé à son domicile. Je m’inscris totalement en faux pour dire que le juge Angelo Houssou n’a jamais été enlevé. C’est lui-même qui a fui de son domicile. Et depuis un mois et demi pratiquement déjà, il n’avait plus de garde de corps. D’autres ont dit que c’est parce qu’on a porté plainte contre lui qu’il a fui. C’est vrai ! Il y a une plainte qui a été déposée contre le juge Houssou à la Cour Suprême par les avocats du Dr Boni Yayi pour que le juge Houssou s’explique sur sa première tentative de fuite après les ordonnances de non-lieu. Je ne suis pas en mesure de vous dire si la Cour Suprême lui a déjà envoyé une lettre ou non, mais c’est normal que l’on puisse quand même chercher à savoir ce qui s’est passé. Je voudrais rassurer l’opinion nationale et internationale que le Bénin est un pays de paix, un pays de quiétude et j’appelle les uns et les autres au calme. Il n’y a pas à s’apeurer. Il n’y a pas à s’inquiéter sur la situation qui est en cours…Magistrat que le juge Angelo Houssou est, il doit pouvoir avoir confiance en notre justice autant que moi…Nous avons d’excellents magistrats même si on a des problèmes avec quelques-uns d’entre eux. Chacun de nous doit faire confiance à la justice pour le travail qui est fait. J’invite également tous les magistrats à la sérénité, à la conscience professionnelle et à savoir que moi, ministre de la justice, je n’ai aucun doute. Je leur fais confiance et je sais qu’ils doivent faire leur travail en toute indépendance, en toute sérénité. Je voudrais leur dire qu’ils ont le soutien du gouvernement ».

Me Alain Orounla, avocat d’Angelo Houssou exprime son amertume
Craignant pour sa vie depuis la prise, par ses soins, des ordonnances de non lieu général le 17 mai dernier relatives à la double affaire de tentative d’empoisonnement sur la personne du chef de l’Etat et de coup d’Etat, Angelo Houssou, juge du 6ème cabinet d’instruction près le tribunal de première instance de Cotonou a pris la clé des champs le weekend dernier. Dimanche soir, sa présence a été signalée en territoire américain, précisément à New-York, où il a formulé une demande d’asile politique. Son avocat, Me Alain Orounla, mis selon ses dires, devant le fait accompli, apparaît tel qu’en lui-même une flamme le brûle.
Interrogé sur le mobile de cet acte du juge, il affirme que son client lui a, à maintes occasions, fait part de rumeurs persistantes et de menaces de mort qui pèseraient sur sa personne. Cette épée de Damoclès qui pesait sur la tête du plus célèbre des juges béninois est la raison pour laquelle le périmètre de son domicile a été quadrillé par les forces de l’ordre depuis le 17 mai, date de sa première tentative de sortie du pays. « Le juge a été suivi, poursuivi et persécuté. Tous les dossiers dans lesquels il a officié ont été passés au peigne fin dans le but de déceler des erreurs », s’est-il indigné. L’avocat, très en verve, a assimilé sa récente garde-à-vue dans une supposée affaire d’escroquerie, l’emprisonnement du chauffeur du juge et la plainte du chef de l’Etat contre le juge, dont il dit n’en avoir pas été officiellement saisi, à des pressions psychologiques.
« Le chef de l’Etat devrait être le dernier des citoyens à manifester du mécontentement ou de la désapprobation face à une décision de justice rendue au nom du peuple béninois dont il incarne la souveraineté », a-t-il regretté. A la question de savoir quel sort sera réservé à la carrière de son client, il a affirmé sans détour qu’il s’agit là d’un cas d’abandon de poste et que des sanctions ne manqueront pas d’être prononcées. « La carrière de magistrat de Angelo Houssou est terminée. Il est possible qu’il soit radié », a-t-il poursuivi.
Pour lui, il y a de fortes chances que la demande d’extradition formulée par son client trouve un écho favorable car, « il y a suffisamment de preuves qui attestent que le juge n’est pas en sécurité dans son propre pays ». L’avocat, très remonté contre ses compatriotes du fait de l’indolence et de l’indifférence dont ils font preuve face à ce qu’il qualifie de « recul des libertés », estime que le peuple a failli quant à son devoir de veille citoyenne.



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