Le procureur général Kilanyossi relevé de ses fonctions : L’Unamab menace

Arnaud DOUMANHOUN 4 septembre 2017

« La décision du Conseil des Ministres en date du 30 août 2017 relevant le procureur général près la cour d’appel de Cotonou, le magistrat Mardochée Kilanyossi de ses fonctions est arbitraire, et s’analyse comme un limogeage déguisé ». Telle est la lecture de l’Union nationale des magistrats du Bénin (Unamab), qui à travers un communiqué en date du 3 septembre 2017, prend à témoin l’opinion publique et rend responsable le pouvoir des conséquences qui découleraient d’une telle violation des textes régissant la magistrature. Pour le président Michel Adjaka et ses pairs, le gouvernement devrait rapporter sans délai sa décision, afin d’éviter qu’elle ne fasse jurisprudence.
En effet, au regard de la lecture croisée des dispositions des articles 129 de la Constitution du 11 décembre 1990 : « Les magistrats sont nommés par le président de la République, sur proposition du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, après avis du Conseil supérieur de la Magistrature (Csm) » et 6 de la loi portant Statuts de la Magistrature « … Ils peuvent être affectés sans avancement par décret pris en conseil des ministres, d’un poste à un autre s’ils en font la demande ou d’office dans l’intérêt du service après avis conforme du Csm », l’Unamab s’interroge : où se trouve l’acte par lequel le Csm a délibéré sur la surcharge de travail au sein de son secrétariat général et sollicité en guise de solution que son secrétaire général adjoint soit déchargé ?

COMMUNIQUE DU BE/UNAMAB
Le Bureau Exécutif de l’Union Nationale des Magistrats du Bénin (BE/UNAMAB), s’est penché sur la situation qui prévaut au parquet général près la cour d’appel de Cotonou.
En effet, à travers la presse et les réseaux sociaux, il a été donné au BE/UNAMAB de constater que le procureur général près la cour d’appel de Cotonou, le magistrat Mardochée Kilanyossi a été déchargé de ses fonctions au profit du secrétariat général du Conseil Supérieur de la Magistrature par le Conseil des Ministres en sa séance du mercredi 30 août 2017.
Cette décision mérite d’être confrontée aux textes qui régissent la magistrature.
En effet, l’article 129 de la constitution du 11 décembre 1990 dispose que « Les magistrats sont nommés par le président de la République, sur proposition du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, après avis du Conseil supérieur de la Magistrature. »
L’article 6 de la loi portant Statut de la Magistrature prévoit que « Les magistrats du parquet et de l’administration centrale du ministère chargé de la justice sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du Garde des sceaux, ministre chargé de la justice. Ils peuvent être affectés sans avancement par décret pris en conseil des ministres, d’un poste à un autre s’ils en font la demande ou d’office dans l’intérêt du service après avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature. »
L’article 8 de la loi portant composition, organisation, attributions et fonctionnement du Conseil Supérieur de la Magistrature précise que « Sur proposition du Garde des Sceaux, Ministre de la Justice, le Secrétaire Général du Conseil Supérieur de la Magistrature et son adjoint peuvent être déchargés de l’exercice de toutes autres fonctions par le Président de la République lorsque l’exercice desdites fonctions est susceptible de gêner la bonne exécution de leur mission au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature. »
Il ressort de la lecture croisée et combinée de ces textes que toute nomination de magistrats dans l’administration centrale de la justice ou dans les juridictions ne peut se faire sans l’avis conforme du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Par respect au principe du parallélisme des formes, il ne peut avoir de relèvement ou de déchargement d’un magistrat de ses fonctions dans l’administration centrale du ministère de la justice ou dans les juridictions sans le consentement du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Même si l’article 8 de la loi relative au Conseil Supérieur de la Magistrature donne la possibilité au Chef de l’Etat sur proposition du Garde des Sceaux de décharger le Secrétaire Général du Conseil Supérieur de la Magistrature et son adjoint de l’exercice de toutes autres fonctions « lorsque l’exercice desdites fonctions est susceptible de gêner la bonne exécution de leur mission au sein du Conseil Supérieur de la Magistrature », une telle décision ne peut être prise sans l’avis conforme dudit conseil.
Il est clair que si la loi n’a pas cru devoir expressément en l’espèce préciser le recours à cet avis, c’est justement parce que cela va sans dire d’autant plus qu’on ne peut prétexter de surcharge de travail au niveau du Conseil Supérieur de la Magistrature sans que le constat en soit préalablement fait par cette institution.
En l’espèce, il n’est pas fait mention dans le relevé du Conseil des Ministres de l’acte par lequel le Conseil Supérieur de la Magistrature a délibéré sur la surcharge de travail au sein de son secrétariat général et sollicité en guise de solution le déchargement de son secrétaire général adjoint.
Pire, aussi curieux et absurde que cela puisse paraître, alors que le Garde des Sceaux et le Chef de l’Etat estiment unilatéralement qu’il y a surcharge de travail au niveau du Conseil Supérieur de la Magistrature, ils n’ont déchargé que l’adjoint du Secrétaire Général. Or si le titulaire d’une charge n’est pas submergé, son adjoint ne peut l’être.
Il ressort de cette analyse sommaire que la décision du Conseil des Ministres en date du 30 août 2017 relevant le procureur général près la cour d’appel de Cotonou, le magistrat Mardochée Kilanyossi de ses fonctions est arbitraire, et s’analyse comme un limogeage déguisé.
Pour éviter que cette décision ne fasse jurisprudence, l’Unamab exige du gouvernement de la rapporter sans délai.
Au cas où le gouvernement s’entêterait à donner effet à sa décision, l’Unamab sera dans la triste obligation de prendre ses responsabilités.
l’Unamab prend le peuple à témoin et rend le gouvernement et son Chef responsables des conséquences fâcheuses qui découleraient de cette malheureuse situation.

Fait à Cotonou, le 03 septembre 2017.

LE BE/UNAMAB



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