Projet de loi portant révision de la Constitution : Le gouvernement précise, les techniciens portent des réserves

Arnaud DOUMANHOUN 20 mars 2017

Les grandes options du projet de loi portant révision de la Constitution étaient hier au cœur des échanges sur l’émission 3 D de la télévision nationale. La lutte contre l’impunité, l’équilibrage des pouvoirs, le mandat unique, la constitutionnalisation de la chefferie traditionnelle et la question de l’immunité, sont autant de sujets abordés par les invités. ‘’Je ne vois pas le rééquilibrage des pouvoirs. Au contraire, le parlement est dépouillé de deux de ses prérogatives. Il s’agit de l’amendement des lois organiques, de la ratification des accords de financement... et il y a un élan de rationaliser la présence des partis au parlement… ’’, a déclaré le professeur de droit, Dandi Gnamou. Elle sera soutenue dans ses propos par le juriste Serge Prince Agbodjan qui ajoute que, selon les nouvelles dispositions soumises à l’appréciation des députés, le président de la République est bien plus ‘’surpuissant’’, que dans la Constitution du 11 décembre 1990, et note un recul en matière de lutte contre l’impunité. Il explique qu’au regard de la Constitution encore en vigueur, le chef de l’Etat n’est pas délégataire de l’exercice de souveraineté, alors que dans la nouvelle mouture, il a un avis à émettre sur le vote des lois, c’est-à-dire donc, qu’il ampute sur le territoire de la souveraineté du peuple, exercée par la représentation nationale. Il ajoute aussi que désormais, le président de la République ratifie les accords de financement et en rend compte. Serge Prince Agbodjan se fonde sur ces deux éléments pour déclarer qu’avec ce projet de loi, si elle passait en l’état, le président de la République serait vraiment plus ‘’surpuissant’’, ce qui serait, à l’en croire, très dangereux pour la réforme du mandat unique.
Le Directeur de la communication gouvernementale, Wilfried Léandre Houngbédji, prend à contre-pied cette lecture des juristes, et explique qu’il y a beaucoup d’innovations dans les propositions du gouvernement. Il évoque la question de l’alignement des élections, avec le couplage des communales et des législatives, qui fera de l’économie pour l’Etat. Wilfried Léandre Houngbédji précise également qu’en ce qui concerne la lutte contre l’impunité, que le verrou de la Haute cour de justice a été levé, avec la création désormais d’une commission ad hoc, qui jugera des actes commis au cours de l’exercice de leur fonction par le président de la République et les membres du gouvernement, qui devront désormais comparaitre devant les juridictions ordinaires pour les actes en dehors de l’exercice de leur fonction. Pour Wilfried Léandre Houngbédji, il s’agit là d’une réforme qui devrait permettre à ces personnalités de répondre de leurs actes, contrairement au long mécanisme institué par la Constitution du 11 décembre 1990. La question de la proclamation des résultats, qui est dévolue à la Cena, et non la Cour constitutionnelle, la réforme de la Haac, et l’institutionnalisation des chefferies traditions ont mis un terme à ce débat. Sur ces trois différents points, les avis ont été divergents. Si Wilfried Houngbédji salue les avancées, Dandi Gnamou émet des réserves quant à une probable instrumentalisation des chefferies traditionnelles. C’est dire que le débat est ouvert et c’est de la confrontation des idées, que le Bénin passera ce virage délicat, de la modification de sa loi fondamentale.



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