Proposition de loi portant modification du Code de procédure pénale : Me Adrien Houngbédji invite Yayi à éviter les erreurs de Maga et consorts

Karim O. ANONRIN 24 février 2014

La proposition de loi portant modification de l’article 581 du Code de procédure pénale déposée sur la table du président de l’Assemblée nationale par le groupe parlementaire Prd-Union fait la Nation a été largement défendue le samedi dernier à Ifangni par le président du Parti du renouveau démocratique (Prd), Me Adrien Houngbédji, parti dont est issu la majorité des députés membres de ce groupe parlementaire. C’était à l’occasion de la rencontre des leaders du Prd avec les militantes et militants du Parti dans la Commune d’Ifangni. Dans son discours, le président Adrien Houngbédji, semble t-il, a voulu attirer l’attention du Chef de l’Etat et des membres de l’alliance politique Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) sur la dangerosité du Code de procédure pénale dans son état actuel. Plus précisément, le président du Prd, entend vouloir éviter au président Boni Yayi et les siens la même erreur que celle commise par l’ancien président de la République Hubert Koutoucou Maga, en ne modifiant pas un décret qu’il a pris en 1961 et qui permet jusqu’à ce jour de jeter des citoyens béninois en prison de façon arbitraire au mépris des décisions de justice. Pour le président Adrien Houngbédji, ce décret qu’a pris le président Hubert Maga à l’époque lui a été lui-même fatal, puisque c’est la même loi qui a permis à ceux qui l’ont succédé au pouvoir de le garder en résidence surveillée pendant plusieurs mois. Toujours selon Me Adrien Houngbédji, au lieu de prendre conscience de la situation à l’époque et supprimer cette disposition de la loi, les successeurs de Hubert Maga au pouvoir jusqu’au président Mathieu Kérékou, ont commis la même erreur en maintenant cette loi en vigueur ; ce qui aurait permis au président Mathieu Kérékou de garder en prison d’anciens présidents de la République à savoir Hubert Koutoucou Maga, Sourou Migan Apithy et Justin Ahomadégbé pendant 10 ans. Au delà de ce triste pan de l’histoire politique du Bénin, Me Adrien Houngbédji a laissé entendre que la proposition de loi initiée par le Prd pour modifier l’article 581 du Code de procédure pénale vise surtout à permettre une vraie indépendance de la justice béninoise et à permettre aux innocents de jouir de leur liberté telle que garantie par la Constitution de la République du Bénin du 11 décembre 1990. En clair, Me Adrien Houngbédji, dit vouloir que les libertés publiques ne dépendent plus d’un seul homme, soit-il président de la République, mais plutôt de la loi.

(Lire ci-dessous la déclaration de Me Adrien Houngbédji au sujet de la proposition de loi portant modification de l’article 581 du Code de procédure pénale en République du Bénin faite par le Prd)
Déclaration de Me Adrien Houngbédji au sujet de la proposition de loi portant modification de l’article 581 du Code de procédure pénale faite par le Prd

« …Nous avons déposé une proposition de loi qui fait moins de bruit que les autres. Mais qui est aussi importante parce que dans l’état actuel de nos textes, si le président Boni Yayi décide aujourd’hui que quelqu’un va passer 10 ans en prison ; qu’il soit innocent ou qu’il soit coupable, cette personne passera 10 ans en prison. Il suffit qu’il arrête la personne, qu’il le défère devant le Procureur de la République et qu’il dise au Procureur : ‘’Gardez-le’’. Le Procureur de la République l’envoie devant le Juge d’instruction et le Juge d’instruction dit : ‘’Non, il est innocent ! Libérez-le !’’. Yayi Boni dit au Procureur général de faire appel. Il est obligé de faire appel. Il fait appel et on va devant la Chambre d’accusation ; c’est-à-dire la Cour d’appel des Juges d’instruction et la Cour d’appel des Juges d’instruction dit ‘’Celui-là n’a rien fait. Libérez-le !’’. Yayi Boni dit : ‘’Non ! Procureur Général, il faut pourvoir en cassation.’’. Et c’est fini. On peu pourvoir en cassation et la personne peut rester là 5 ans, 10 ans. Nous n’avons pas fait la Conférence nationale pour ça. Je voudrais rappeler ici au plus jeune d’entre nous ce qui se passait avant la Conférence nationale. Le président Hubert Maga a fait certes de bonnes choses. Mais il n’a pas fait que de bonnes choses. En février 1961, le président Hubert Maga a pris un décret et avec cette loi, quand on dit que quelqu’un a fait quelque chose, on le prend, on le met en résidence surveillée et il ne sort plus. Quand Hubert Maga est tombé en 1963, c’est avec la même loi qu’on l’a mis en résidence surveillée. Ceux qui l’ont renversé sont arrivés et au lieu de supprimer la loi, ils l’ont gardée jusqu’à ce que le président Emile Derlin Zinsou arrive. Le jour où on a renversé le président Emile Derlin Zinsou, c’est avec la même loi qu’on l’a mis en résidence surveillée plusieurs mois au Nord du pays. Cette même loi est restée en place jusqu’à ce que le président Mathieu Kérékou arrive. Mathieu Kérékou a dit : ‘’Mais voilà une bonne loi !’’. Il prend Hubert Maga ; il prend Sourou Migan Apithy ; il prend Justin Ahomadégbé avec la même loi et il les garde pendant 10 ans. Et s’il n’y avait pas eu la Conférence nationale, on lui aurait appliqué la même loi et il aurait été en résidence surveillée. Au Prd, nous disons que nous ne voulons pas ça. Nous voulons qu’on respecte la justice. Nous voulons que quand quelqu’un est innocent, qu’on le libère. C’est le Juge qui dit si quelqu’un est innocent ou ne l’est pas. Si nous ne faisons pas ça, je peux vous garantir, aux Fcbe et à Yayi Boni que c’est la loi actuellement en vigueur qui leur sera appliquée avec la même rigueur par leurs ennemis d’aujourd’hui. C’est donc un appel que je fais en réalité. Je fais appel à toutes les forces politiques de ce pays, y compris les Fcbe et Yayi Boni lui-même pour dire : ‘’Pendant que vous êtes là, ce qui ne va pas, enlevons-le’’. Nous avons déposé une proposition de loi au Parlement pour qu’on puisse revoir le Code de procédure pénale sur ce plan pour que lorsque la Cour d’appel, la Chambre d’accusation dit qu’il y a non lieu, qu’on libère les gens. Nous ne sommes pas nombreux comme députés Prd à l’Assemblée nationale. Notre nombre ne permet pas à nous seuls de faire passer cette proposition de loi. Mais j’espère que notre classe politique, toutes les forces politiques éprises de démocratie et de liberté le feront et nous aurons un Code de procédure pénale qui respecte la liberté individuelle dans le pays. Nous avons également en chantier un troisième texte sur les manifestations publiques, les meetings, les marches (…) Nous voulons qu’il y ait une loi qui disent dans quelles conditions on peut organiser une manifestation, dans quelles conditions on peut faire des marches, dans quelles conditions on peut faire des meetings et que la loi protège ceux qui veulent faire des marches, des manifestations et des meetings contre ceux qui veulent les empêcher de les faire. C’est la liberté qui veut qu’on puisse marcher, qu’on puisse manifester et qu’on puisse faire des meetings. Depuis que nous avons soulevé ce problème, nous avons entendu le président Boni Yayi dire : ‘’Désormais si vous voulez marcher, vous pouvez marcher de Cotonou à Porto-Novo et même passer par Akassato avant d’arriver’’. Nous disons merci. Nous avons entendu aussi que l’arrêté qui interdit les marches dans l’Atlantique et le Littoral a été abrogé. Nous disons aussi merci. Mais ce n’est pas ça notre problème. Nous ne voulons pas dépendre de la volonté d’un homme. Nous voulons que notre liberté dépende d’une loi… »
Propos recueillis par Karim Oscar ANONRIN



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