QUEL AVENIR POUR L'ECONOMIE BENINOISE AVEC LE NOUVEAU DEPART ?

La rédaction 7 mars 2017

1- Vingt-sept (27) ans viennent de s’écouler depuis la Conférence des Forces Vives de la Nation de février 1990 (19 au 28). Aujourd’hui, seulement treize (13) ans nous séparent de l’horizon « magique » de 2030, où des conditions meilleures de vie sont attendues pour les populations des Pays Moins Avancés comme le nôtre. Au vu de notre situation politique, économique, sociale et morale actuelle, des questions se posent ? Qu’avons-nous fait des 27 ans écoulés ? Pouvons-nous honorer, la tête haute, le rendez-vous avec notre Histoire en 2030 ? Sinon, dans quelle direction concentrer les efforts pour nous en sortir au plus tôt pour le bonheur de tous ?
2- C’est un fait, qu’on ne peut s’attendre du régime actuel de rattraper en cinq (5) ans, une trentaine d’années insuffisamment mises à profit. Evidemment, il n’est point question de rester indifférent et d’être, consciemment ou inconsciemment, complice de politiques qui creuseraient davantage le retard de la nation. De ce fait, aucune appréciation ne peut être de trop sur le tracé du cours de l’action du régime en place. Car, chat échaudé craint l’eau froide, dit-on ! En effet, suite à la Conférence Nationale et la réorientation de l’économie de 1991 à 1996, les bilans des régimes de 1996 à 2006 et de 2006 à 2016 étaient mitigés. Et, c’est peut dire ! Ce dernier régime (2006 à 2016) arriva à la tête du pays à un tournant de notre histoire. Les populations en avaient marre de l’arriération économique et de la misère. Ignorant que seules elles peuvent y mettre fin sous la direction de leurs filles et fils patriotes, elles installèrent ce régime et le chargèrent d’œuvrer enfin à placer le pays sur l’orbite de l’envol économique et du développement industriel. Mais, contre toute logique, le régime théorisa et mit en pratique l’idée que nos seules activités portuaires suffiraient aux besoins de la nation et le progrès économique et social. Diverses théories (Etat entrepôt et autres) le renforcèrent dans cette conception. Aucune place ne fut faite au « retour de volant » malgré les mises en garde répétées. C’est malheureusement ce que nous vivons aujourd’hui !
3- Quant au présent régime, le tracé de sa ligne d’action semble privilégier le secteur tertiaire, en particulier, le tourisme. C’est vrai que toutes les facettes de l’économie sont candidates au développement. Seulement, selon l’étape hist9rique, certaines sont « plus candidates » que d’autres ! Elles tiennent leur priorité de l’Histoire économique universelle, des conditions d’existence des populations, de la nature de leurs activités de production majeures et de l’impact du succès éventuel du développement de ces facettes sur l’ensemble de l’économie et la vie nationale. Les programmes initiés sur cette base sont plus susceptibles de coller aux intérêts généraux du pays qu’à des intérêts particuliers ou éphémères.
Par ailleurs, il faut rappeler qu’au point de vue politique, nous sommes toujours dans le tournant historique de mars 2006, le 4ième depuis l’indépendance (1er août 1960, 26 octobre 1972, 11 décembre 1989 et mars 2006). Au présent tournant, les exigences des masses sont et demeurent les mêmes : le décollage économique et la marche vers la prospérité durable. C’est pourquoi, toute ligne d’action qui ne projetterait pas à l’horizon l’assurance de la préparation pour cet objectif, briserait les rêves de nos braves populations.
4- Certes, constitutionnellement, rien n’oblige un régime à mettre en œuvre un programme autre que le sien. Toutefois, les citoyens ont le devoir de regard critique sur la marche des affaires de la cité. C’est dans ce cadre que s’inscrit cette discussion. Car, s’il est vrai que le tourisme peut offrir des retours faciles sur investissements, il est tout aussi vrai qu’il n’est pas le segment fondamental de création durable de richesse et d’emploi pour une économie comme la nôtre. Par ailleurs, le climat actuel d’insécurité générale dans le monde ne le promeut pas particulièrement. Des pays proches de nous ne le savent que trop. Ils avaient jeté leur dévolu sur lui il y a quelques décennies. Le désenchantement est total aujourd’hui. De même, plus loin de nous, en Afrique du Nord, de l’Est et du Sud par exemple, la situation n’est pas rose pour le tourisme. En France également, les récentes attaques terroristes ont fait perdre à cette destination de renom, environ un million de touristes et plus d’un milliard d’Euros. Ainsi va le tourisme, par ces temps, presque partout au monde. Il est par nature très sensible aux aléas de tous genres. Il est très susceptible de fragiliser et vulnérabiliser toute économie qui en fait l’une de ces pierres angulaires. Néanmoins, son développement n’est nullement à proscrire. Loin de là ! Seulement, on ne peut en faire une priorité pour notre économie dans sa posture actuelle. Sinon, ce serait « laisser la lèpre pour soigner la teigne » selon un dicton africain. Pour autant, il peut être prioritaire pour l’initiative privée, sur la base de ses intérêts spécifiques, à ne pas confondre à ceux plus larges des peuples et de la nation.
5- Nul doute que l’intention derrière le développement du tourisme est probablement de mettre notre éternel surplace économique derrière nous. Mais, pour prendre en compte les intérêts à court, moyen et long termes de la nation, on gagnerait à réajuster le tir. Car, à l’étape actuelle de notre développement, nous sommes un pays technologiquement arriéré, où prédomine la production marchande simple précapitaliste dans tous les secteurs d’activités, où l’essentiel de la main d’œuvre active est consommée dans la production agricole, où règne l’informel, où l’immense majorité des populations végètent .dans la pauvreté matérielle et immatérielle. Le développement du tourisme est-il un antidote de premier choix à cette situation ? Bien sûr que non ! Par ailleurs, notre population serait projetée à quelques 20 millions d’âmes d’ici 2030 ! Autant dire que de sérieux défis planent à l’horizon ! Alors, comment utiliser les ressources et dans quelle direction orienter les efforts pour relever ces défis avec succès ? Car, nulle part au monde, le tourisme n’a jamais sauvé des eaux un pays comme la nôtre.
6- L’expérience des peuples de par le monde (Asie, Amérique latine, etc.) suggère que la mise en place progressive d’infrastructures socioéconomiques vitales et la formation conséquente de la main d’œuvre s’accompagnent du développement graduel du capitalisme dans les domaines économiques primordiaux pour les pays. Pour nos réalités, la priorité, c’est la pénétration des capitaux et des technologies avancées ou appropriées dans le pays, notamment les zones rurales, à travers une banque de développement, une banque agricole, des banques hypothécaires. Ainsi, par exemple la sucrerie de Savè pourrait être ambitieusement revisitée ; des usines textiles s’installeraient graduellement pour accroître la consommation productive de notre fibre de coton ; etc. etc. A ce propos, il faut se rappeler le rôle de premier plan qu’a joué l’industrie textile dans la tendresse du capitalisme en Grande Bretagne, en France et autres pays aujourd’hui industrialisés.
7- Les pays avancent économiquement autour de nous ! Allons-nous rester le parent pauvre de la sous-région ? Une base technologique plus forte nous permettrait de mieux nous accrocher au Grand Voisin de l’Est. Des projections veulent que son économie soit la 7ième au monde d’ici 2050 ! Pourquoi ne pas nous préparer pour progresser avec lui ? Seulement, sans l’implication des filles et fils altruistes, nationalistes ou patriotes de la nation dans l’orientation et la direction des affaires publiques, cette opportunité nous éludera.
Fait à Cotonou le 03 mars 2017
Dr Jean Adébissi ODJO
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