Réforme des partis politiques au Benin : la question du financement public

La rédaction 17 mars 2017

Le processus de réformes politiques et institutionnelles commencé au Bénin il y a quelques mois pourrait, semble-t-il, être bientôt finalisé. A ce jour, une quasi-unanimité se dessine sur la nécessité de réformer le système partisan béninois, ce qui n’est pas le cas concernant la façon dont on s’y prend pour y parvenir. Dans un article publié il y a quelques semaines sur les facteurs à prendre en compte dans la réforme des partis politiques au Bénin, des éléments qui pourraient être déterminants dans ce processus ont été partagées. Un autre aspect de la question reste tout de même à clarifier, notamment les considérations relatives au financement des partis politiques.
En politique, l’organisation interne et le fonctionnement des partis ainsi que la qualité de leur contribution à la gestion des affaires publiques exigent la disponibilité de ressources financières. L’origine, mais également l’utilisation faite de ces ressources mobilisées peuvent affecter la qualité de la gouvernance démocratique dans un pays. Elles peuvent surtout affecter la participation des citoyens, l’équité et la justice.
Il me paraît donc utile d’affirmer d’emblée mon soutien pour le financement public des partis politiques vue qu’il peut aider à la réduction de l’inégalité entre les formations politiques liées à la mobilisation des ressources, à la réduction de l’influence des puissances de l’argent sur le fonctionnement de la démocratie.
Pourtant, lorsqu’elles sont bien encadrées, les ressources publiques peuvent aider à réduire un certain nombre de tares dont souffre actuellement le système partisan béninois. Il me paraît donc utile d’affirmer d’emblée mon soutien pour le financement public des partis politiques vue qu’il peut aider à la réduction de l’inégalité entre les formations politiques liées à la mobilisation des ressources, à la réduction de l’influence des puissances de l’argent sur le fonctionnement de la démocratie.
Pour autant, il est important de ne pas exagérer ou, tout au moins, de nuancer le rôle du financement public dans la qualité de l’organisation et du fonctionnement des partis politiques. Deux cas tirés des expériences des nouvelles démocraties de la sous-région peuvent l’édifier.

Des cas du Mali et du Ghana
Au Mali, une politique de financement public des partis politiques est mise en œuvre depuis plusieurs années, quasiment depuis les débuts du processus démocratique du pays. Un pourcentage de 0,25% des recettes publiques (ce qui équivaut à un montant total variant entre 1,5 et 2 milliards de F CFA par an) est distribué aux partis politiques qui remplissent des critères prédéfinis. Après environ 20 ans de mise en œuvre de cette politique de financement des partis politiques, l’on se rend à l’évidence que les résultats sont, pour le moins, très mitigés. Le montant cumulé distribué aux partis politiques pendant cette période se situe entre 35 et 40 milliards de FCA. On note quelques améliorations dans l’organisation interne des partis. En revanche, les partis politiques sont toujours aussi nombreux (plus d’une centaine actuellement). Paradoxe intéressant, le financement public est parfois cité comme cause d’un certain accroissement du nombre de partis politiques et comme source d’enrichissement des premiers responsables de ces formations politiques au point qu’il provoquerait même des conflits en leur sein, entre autres.
Un pourcentage de 0,25% des recettes publiques (ce qui équivaut à un montant total variant entre 1,5 et 2 milliards de F CFA par an) est distribué aux partis politiques qui remplissent des critères prédéfinis.
A l’inverse, au Ghana, les partis politiques ne bénéficient pas de soutien de l’Etat à travers le financement public. Et pourtant, en Afrique de l’Ouest (et même au-delà), le système partisan de ce pays est l’un des plus enviés. Un système pratiquement bipartisan avec les deux plus grands partis politiques – National Democratic Congress (NDC) et New Patriotic Party (NPP) – dominant la scène politique (ils bénéficient à eux deux, de plus de 90% du total des votes depuis plusieurs élections). Le nombre total de partis politiques enregistrés était de 25 en décembre 2016 et les deux plus grands partis politiques sont pratiquement les seuls représentés à l’Assemblée Nationale. Voilà qui devrait faire réfléchir !

Que faire au Bénin ?
Une fois la source des fonds publics à utiliser pour le financement des partis politiques identifiée, par exemple un pourcentage des recettes publiques internes, il convient d’attirer l’attention sur quelques facteurs qui peuvent aider au succès de la réforme.
D’abord, il faut une estimation raisonnable des coûts associés aux critères d’éligibilité au financement public. L’on peut, par exemple, exiger des partis politiques qu’ils installent des bureaux physiques (dans un certain nombre de départements), recrutent et paient du personnel, renforcent périodiquement les capacités de leurs membres et/ou de leurs cadres, commanditent des études, organisent périodiquement des réunions statutaires. Tout ceci doit être estimé afin de ne pas se limiter seulement à la valeur absolue de la contribution des fonds publics au financement des partis politiques (par exemple, 4 ou 5 milliards de FCFA par an si l’on prélève 0,5% dans un pays dont les ressources publiques internes avoisinent 800 milliards de FCA). Cette estimation aiderait à mieux apprécier l’effort public par rapport aux besoins réels des partis politiques et à éviter de jeter les partis politiques en pâture à l’opinion publique.
Ensuite, il est important de s’assurer que les critères d’éligibilité au financement public incitent effectivement les partis politiques à travailler à la promotion des valeurs jugées désirables pour la consolidation de la démocratie et la bonne gouvernance au Bénin. Il peut s’agir, par exemple, de la promotion des femmes et des jeunes, de la promotion des personnes vivant avec des handicaps ou de la promotion de l’unité nationale. Il peut s’agir également de la lutte contre la corruption à travers des sanctions (positives ou négatives) liées au nombre de membres du parti qui, une fois nommés, distraient les ressources publiques.
Ce serait contre-productif que le financement public des partis politiques devienne, finalement, une occasion supplémentaire de dilapidation des ressources publiques.
Enfin, les mesures prévues pour garantir le contrôle de la gestion qui est faite des ressources publiques allouées doivent faire l’objet d’une attention particulière. Ce serait contre-productif que le financement public des partis politiques devienne, finalement, une occasion supplémentaire de dilapidation des ressources publiques. Par « gestion faite des ressources publiques », il faut entendre aussi bien la détermination des bénéficiaires, les critères clairs de mise à disposition annuelle des ressources que la gestion desdites ressources par les partis politiques bénéficiaires. Cette dernière question est d’autant plus importante qu’il n’y a pas beaucoup de cas ou d’exemples de réussite en la matière.
En attendant de revenir dans d’autres articles sur cette question, il est utile de ne pas se concentrer uniquement sur l’apport direct de ressources financières lorsqu’on parle de financement public des partis politiques. Par exemple, l’accès aux médias de service public, lorsqu’il est mis en œuvre de manière pertinente (par exemple, garantir dans un délai raisonnable l’accès du des leaders de l’opposition aux médias de service public), constitue un financement public indirect des partis politiques qui peut être très utile pour la qualité de la démocratie et de la gouvernance.
L’accès de l’opposition à l’information publique, encadré de manière à en garantir la jouissance, peut également compter parmi les moyens susceptibles d’aider à améliorer la contribution des partis politiques au fonctionnement de la démocratie au Bénin. Il est donc capital, extrêmement important, de mettre en perspective le financement direct ou indirect des partis politiques avec son but premier, le renforcement des partis politiques pour la consolidation de la démocratie à travers l’amélioration de leur contribution à la démocratie et, partant, au développement du pays.

Mathias Hounkpe
Politologue béninois, Mathias Hounkpè est actuellement l’administrateur du programme de Gouvernance politique à OSIWA (Open Society Initiative for West Africa).
Source : www.wathi.org



Dans la même rubrique