Relecture de la constitution béninoise : Talon garantit la place de la royauté dans le projet de révision

Arnaud DOUMANHOUN 6 mars 2017

Les rois et dignitaires du septentrion étaient le vendredi dernier au palais de la Marina pour porter à l’attention du chef de l’Etat, la nécessité d’intégrer le volet chefferie traditionnelle dans le projet de révision de la Constitution du 11 décembre 1990. Ils sont repartis rassurés de ces échanges avec l’autorité, convaincus que la gouvernance se porte au mieux de sa forme à l’ère du Nouveau départ et que des jours meilleurs sont à espérer. « Vous incarnez l’autorité morale et traditionnelle dans tout le Bénin. Merci de me rappeler les termes dans lesquels il convient de modifier notre Constitution pour donner solennellement à la royauté sa place. Le projet de révision qui sera transmis dans quelques jours à l’Assemblée nationale va intégrer cette norme… », a déclaré le président Patrice Talon. Le chef de l’Etat est allé plus loin en rassurant les gardiens du temple de ce qu’il ne ménagera aucun effort pour faire voter les lois de mise en œuvre afin de donner véritablement un sens à leur mission. « Nous prendrons les décrets nécessaires afin que votre implication, votre rôle dans la cité soient effectifs et efficaces aux côtés de l’administration républicaine », a-t-il ajouté.

Adresse de Sa Majesté Gangorosuambu, Roi de Kika au nom des Rois et Chefs traditionnels
Depuis les temps précoloniaux, notre pays le Bénin, autrefois le Dahomey, à l’instar des autres pays africains, a connu une organisation politique et sociale basée sur la chefferie traditionnelle et la royauté.
Les Rois de manière générale ont alors joué un rôle remarquable au plan politique, économique et socio-culturel en faveur de la paix et du développement en faveur de la paix et du développement.
C’est dans ce contexte que le colonisateur est intervenu pour apporter de profonds bouleversements à cet ordre politique et institutionnel voulu et accepté par les populations.
Depuis lors, les chefferies et royautés traditionnelles ont laissé place à un Etat républicain et laïc où le pouvoir du chef traditionnel est tantôt respecté tantôt nié et combattu.
Il était donc devenu nécessaire pour le pays de recentrer les concepts de la chefferie et de la royauté et de clarifier l’ordre protocolaire à l’intérieur de cette composante pour en avoir une meilleure organisation en vue de l’accroissement de sa contribution au développement économique et social de la Nation.
Les Rois et les Chefs traditionnels voudraient saisir cette occasion pour saluer les réformes politiques et institutionnelles engagées par vous et votre Gouvernement et en même temps vous apporter les bénédictions royales pour leurs succès.
C’est pourquoi, les Rois et les Chefs Traditionnels doivent se fixer dans la République des objectifs précis en conformité avec le Programme d’Actions du Gouvernement (PAG).
1. Participer aux côtés des autorités locales et nationales aux œuvres de développement à travers notamment les questions de population, de santé et d’éducation.
Ceci implique :
a) l’identification du rôle des Rois dans une administration décentralisée ;
b)l’identification du rôle de l’Administration vis-à-vis des Rois ;
C) l’établissement de modes de collaboration entre les deux entités afin d’associer les Rois en général et leur organisation faîtière nationale le Haut Conseil des Rois du Bénin.
2. Apporter son assistance aux autorités locales (Maires, Conseillers communaux, Préfets, autorités déconcentrées) et nationales pour la vulgarisation et l’implémentation sur le terrain des actions de développement dans tous les domaines et notamment celles du PAG à l’heure actuelle.
3.Travailler en coordination avec les autorités au niveau national (Ministères, Institutions de la République etc.) pour pouvoir doter les Rois d’un texte juridique national et pour voir associer les Rois et Têtes couronnées aux tâches de maintien de la paix et de sécurité dans le pays.
C’est pourquoi, bien qu’une proposition de loi portant Code de la chefferie traditionnelle au Bénin soit déjà déposée au niveau de l’Assemblée nationale, il nous plairait de faire des propositions allant dans le sens de notre reconnaissance juridique tant dans la révision de la Constitution que dans les textes d’application à suivre à travers les lois et les décrets.
a) En ce qui concerne la Constitution
Bien des Constitutions des Etats dans la sous-région reconnaissent explicitement la royauté et la chefferie traditionnelle en tant qu’institution de l’Etat.
Ainsi au Togo, le titre xii de la constitution de la 4ème République stipule en son article 143 que : « l’Etat togolais reconnait la chefferie traditionnelle, gardienne des US et coutumes. La désignation et l’intronisation du chef traditionnel obéissent aux us et coutumes de la localité. »
Au Niger la constitution de la 7ème République du 25 novembre 2010 en son article 167 dispose que : « l’Etat reconnais la chefferie traditionnelle comme dépositaire de l’autorité coutumière. A ce titre, elle participe à l’administration du territoire sur les conditions déterminées par la loi.
La chefferie traditionnelle est tenue à une stricte obligation de neutralité et de réserve. Elle est protégée contre tout abus de pouvoir tendant à la détourner du rôle que lui confère la loi. »
En effet, la chefferie traditionnelle devient désormais une institution de l’Etat en République du Bénin devant participer de la vie législative, administrative et judiciaire.
b) en ce qui concerne les lois et décrets
Au Nigeria, au Cameroun et en Côte d’Ivoire, la reconnaissance de la royauté et de la chefferie traditionnelle a été faite par des lois et des décrets. De même, la reconnaissance par la constitution dans différents pays est complétée par des dispositions légales et réglementaires. Avec la reconnaissance constitutionnelle et/ou légale, le statut des rois et chefs traditionnels sera défini. C’est dans ce cadre que les autorités traditionnelles du Nord sollicitent :
1. L’appui du gouvernement pour l’aménagement du palais royaux principaux pour la conservation des us et coutumes et pour leurs intérêts historiques et touristiques ;
2. la prise en charge des rois et chefs traditionnels. Une allocation à ceux-ci leurs permettra de faire face aux charges sociales en répondant aux sollicitations des populations. A ce propos, l’autorité coloniale attribuait déjà un montant symbolique aux chefs ;
3. la dotation en véhicule de certains rois et chefs traditionnels afin qu’ils puissent répondre diligemment aux sollicitations, appels et réunions des autorités politico-administratives au niveau supérieur et participer au rencontre périodiques des rois et chefs traditionnels.
Cela se fait dans la sous-région au Nigéria par exemple.
La mise en application de ces diverses dispositions permettra d’établir une meilleure collaboration entre les pouvoirs publics, plus précisément dans la gestion des collectivités locales.
Telle se présente, Excellence, Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, la contribution des rois et chefs traditionnels du Nord du pays à la rencontre de ce jour.
Enfin, au Nom des Têtes couronnées, nous vous félicitons pour votre brillante élection à la tête de l’Etat béninois si difficile à gouverner.
Recevez nos bénédictions royales !
Que Dieu Tout Puissant et les Mânes de nos ancêtres vous guident vous assistent durant votre mandat et partout où vous serez.
Vive le Bénin !
Vivent les Rois et les Chefs traditionnels du Bénin !
Merci !
Cotonou, le 04 mars 2017



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