Vie des partis politiques au Bénin : « Alternative Citoyenne » : Une force de propositions

Moïse DOSSOUMOU 14 août 2014

Contribution programmatique sur l’Etat de droit et la justice ; tel est le sous titre du tome 1 de l’ouvrage « La Gouvernance par l’exemple » qu’a publié le parti Alternative Citoyenne de Maître Joseph Djogbénou. S’affranchissant du champ, quelquefois trop facile, de la contestation et de la critique, ce mouvement résolument engagé dans la construction d’un citoyen nouveau et dans la réfection d’une nation qui pleure son âge d’or, apporte ici sa contribution à la ré-confection d’un véritable Etat de droit et à l’érection d’une justice exemplaire. Tout un programme…

Joseph apporte sa contribution pour la bonne gouvernace au Bénin

La légitimité de tout parti politique procède de sa capacité à proposer des solutions lorsque la situation le requiert et à contribuer, par la force de sa pensée à la conjuration des périls quand ceux-ci se profilent. C’est sans doute, s’appuyant sur ce postulat qu’Alternative Citoyenne fait évoluer son discours dans le sens des propositions. Louable effort intellectuel qui part d’un constat peu flatteur pour la démocratie béninoise, en l’occurrence depuis 2006 « les droits les plus élémentaires, écrit Joseph Djogbénou, tenant non seulement à l’accès à la vie mais surtout à son maintien, ainsi qu’à son entretien, sont éprouvés ». Et d’ajouter : « l’Etat de droit et l’état de la justice sont en déclin ».
Il est important de noter que Joseph Djogbénou lie ce déclin affligeant à l’idéologie confectionnée par le pouvoir de Boni Yayi et qui réside dans la certitude que l’Etat s’est plus préoccupé de la protection des droits individuels, des questions de liberté, que des impératifs économiques. Nécessité donc, pour le nouveau pouvoir, de rééquilibrer la balance et de sacrifier quelques libertés individuelles au profit du développement. Courte et étroite logique que ne manque pas de fustiger Alternative Citoyenne en démontrant le caractère fallacieux d’une telle posture et la parfaite compatibilité entre respect des droits et développement économique.

Les principes de gouvernance
Une fois évacuée l’absurdité de ce prétexte idéologique, l’ouvrage que publie Alternative Citoyenne s’attèlera aux principes de gouvernance : le gouvernement qui a à charge la conduite de l’Etat, de son fonctionnement et de sa crédibilité, doit fournir l’exemple ; l’exemple dans le respect des textes fondamentaux dont le premier, dans l’ordre des hiérarchies, est la Constitution ; l’exemple dans le souci de la satisfaction des droits élémentaires, individuels et collectifs ; l’exemple dans la gestion rigoureuse des ressources publiques.
Mais la réalité est loin d’être celle-là : grèves incessantes, résultat de l’inexistence d’un dialogue social conséquent et soutenu, tribunaux fermés, expression de la défiance de plus en plus marquée du Judiciaire à l’égard de l’Exécutif, friction entre le parlement et la Cour constitutionnelle, interférences intempestives du politique dans le champ des contre-pouvoirs, etc.… La liste des dysfonctionnements est loin d’être exhaustive. Celles-ci révèlent l’étendue d’un malaise qui s’étend sur l’ensemble du corps sociétal et compromet la vitalité démocratique.
Certes, l’on sait que la conception et le fonctionnement de l’Etat de droit au Bénin sont largement héritiers de ceux prévalant en France : la régulation étatique ; vieille tradition centralisatrice amorcée par les rois de France, poursuivie sous la Révolution et l’Empire et renforcée au cours des XIXème et XXème siècles. Ce modèle, selon Laurent Cohen-Tanugi, repose sur l’idée que toute la société s’articule autour de l’Etat. Seul ce dernier est en effet considéré comme le représentant légitime de l’intérêt général. En Afrique, même après la Chute du mur de Berlin et ses conséquences démocratiques au Sud du Sahara, les différentes constitutions rédigées l’ont été largement dans cet esprit-là. Les pouvoirs successifs, et au demeurant intrinsèquement totalitaires, n’ont eu plus qu’à greffer leur funestes intentions sur les opportunités que leur offraient les textes.
Mais Djogbénou et ses amis font aussitôt remarquer à juste titre que « l’Etat de droit est un Etat dans lequel les normes juridiques sont hiérarchisées de telle sorte que sa puissance s’en trouve limitée. L’on ne saurait donc y tricher si tant est que la volonté est de gouverner par l’exemple ».
Mais, hélas, depuis 2006, plus qu’autrefois, l’Etat s’affranchit du désir d’exemplarité et choit dans l’ornière du mépris démocratique. Il s’affranchit du droit au plan politique par son incapacité à assurer l’intégrité du territoire national, par la mauvaise répartition des services et des richesses publiques, par la non-organisation à bonne date des élections (communales par exemple), ce qui constitue une violation des dispositions relatives à la limitation des mandats. L’affranchissement du droit par l’Etat au plan politique est aussi et surtout le non-respect par les institutions, des missions qui leur sont assignées, leur mauvais fonctionnement, autant de choses qui compromettent significativement l’Etat de droit et le respect des libertés. Les velléités de modification de la Constitution, loin de renforcer l’Etat de droit y jettent comme de la suspicion à vouloir établir une mainmise définitive sur des pouvoirs et contre-pouvoirs que l’Etat contrôle déjà.
L’affranchissement du droit par l’Etat au plan administratif est révélé par l’écrasement des principes fondamentaux qui régissent la Constitution à savoir, la neutralité, l’égalité et le mérite. Le spectacle pitoyable de concours dont les résultats sont connus d’avance dit toute la grossièreté d’un système qui piétine les règles et précipite la nation dans l’aventure des affrontements.
La faiblesse d’un système judiciaire est aussi l’une des plus grandes menaces sur l’Etat de droit. Insuffisance de ressources, aussi bien humaines que matérielles, en termes de qualité comme de quantité, inadaptation des politiques textuelles, inadaptation des politiques pratiques sont un peu les indicateurs de cette carence du système judiciaire. Tout en reconnaissant certains efforts du pouvoir dans le sens du renforcement des ressources notamment au plan matériel, Alternative Citoyenne plaide pour une politique plus volontariste par des propositions concrètes et appelle les responsables politiques à rendre la justice capable, afin qu’elle soit responsable. Capable par son indépendance, capable par ses moyens.
Car, il résulte de l’impéritie de la justice et des dysfonctionnements de l’Etat de droit que les citoyens n’ont plus confiance ni dans leurs institutions ni dans leur administration. Le péril démocratique est donc à nos portes ; comment le conjurer ? Le mérite d’Alternative Citoyenne est d’esquisser les issues dans ce Tome 1 de « la Gouvernance par l’Exemple ». Sans rentrer dans la totalité des propositions techniques que le parti Alternative citoyenne suggère comme solutions pour aujourd’hui comme pour demain, l’on peut en résumer l’esprit par cette affirmation qui en dit long : « On a un problème de tête et non de textes ». Mettre la démocratie et les institutions au service des êtres humains ; les mettre surtout entre les mains de personnes honnêtes, en faire l’affaire des « bonnes gens ». Tout le défi est là : le mal institutionnel béninois est d’abord celui des femmes et des hommes qui ont la charge de faire vivre les institutions et de faire fonctionner l’Etat.
Mais Joseph Djogbenou et Alternance Citoyenne se proposent d’examiner tous les autres pans de cette société bien malade qu’est le Bénin. L’éducation la santé, l’Agriculture, etc... Le grand corps malade du Bénin a besoin de soins d’urgence ; Alternative Citoyenne se penche à son chevet pour des soins qualitatifs.
Joseph Djogbénou a compris que pour réussir la thérapie, il faut endosser la blouse du médecin, se saisir du scalpel et du bistouri au plus vite, et intervenir. Le pouvoir d’Etat est nécessaire à cet homme pour agir. Encore faudrait-il qu’il en ait la ferme volonté et que cette force de propositions qualitatives se transforme en force de pouvoir.



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