Visites de deux policiers au domicile d’une députée : Hélène Kèkè Aholou s’en prend au Procureur général

Karim O. ANONRIN 20 janvier 2015

Hélène Aholou Kèkè apporte sa part de vérité

Le jeudi dernier, le Ministre de l’intérieur, de la sécurité publique et des cultes, Simplice Codjo Dossou, son collègue de la justice, de la législation et des droits de l’homme, Valentin Djènontin Agossou et le Procureur général près la Cour d’appel de Cotonou, Gilles Sodonon, ont animé une conférence de presse à Cotonou, pour apporter des clarifications au sujet de la polémique qui enfle depuis quelques jours à propos des visites inattendues de deux policiers au domicile de la députée Hélène Kèkè Aholou pour lui remettre un pli les mardi 13 et mercredi 14 janvier derniers. Si la députée Hélène Kèkè Aholou concède aux deux Ministres tout ce qu’ils ont dit au cours de cette conférence de presse à cause de leur position d’hommes politiques, elle en veut par contre au Procureur général Gilles Sodonon qui, selon elle, a outrepassé ses prérogatives en déclarant que les visites des deux policiers n’ont aucun rapport avec les convictions politiques de la députée Hélène Kèkè Aholou. C’est du moins ce qu’elle a laissé entendre dans une déclaration faite vendredi dernier au Palais des gouverneurs à Porto-Novo ; déclaration dans laquelle, elle a rappelé l’ambiance qui a prévalu chez elle mardi et mercredi derniers au cours des visites des policiers.

(Lire ci-dessous la part de vérité de la députée Hélène Kèkè Aholou à propos des visites des policiers à son domicile)
Extrait de la déclaration de la députée Hélène Kèkè-Aholou

« …Vous avez constaté que depuis que la presse a commencé par parler de cette affaire, je me suis tue. Je me suis gardée de dire quoi que ce soit sur les faits. Mais comme on a demandé au Procureur général d’aller faire des déclarations et que des Ministres ont fait des déclarations, je me suis vue dans l’obligation de rétablir la vérité. Les faits ont commencé depuis le 13 janvier dernier. Je suis rentrée chez moi le soir un peu tard quand mon mari a attiré mon attention sur le fait que des policiers seraient venus me chercher à la maison. Naïvement, je lui ai dit que certainement, ils sont venus afin que je puisse accélérer l’étude en commission du projet de loi portant statut spécial des personnels de la police nationale de la République du Bénin. Et à ma bonne de m’expliquer que les policiers ont dit qu’ils reviendraient le lendemain. Le mercredi 14 janvier, la bonne était arrivée chez moi à 7 heures et un peu après, les policiers sont revenus et ont sonné au portail. La bonne leur a demandé au portail d’attendre pour qu’elle aille voir si je m’étais déjà réveillée. Elle venait vers moi, quand les policiers ont ouvert le portail et sont rentrés chez moi. A leur grande surprise, ils se sont retrouvés nez à nez avec mon chauffeur qui lavait la voiture. Et au chauffeur de les interpeller. Ils ont précisé au chauffeur qu’ils ont un document à me remettre en main propre. Le chauffeur a demandé qu’ils lui remettent le document pour moi. Ils ont dit non comme la veille où ils avaient dit non à la bonne qui leur avait aussi demander de lui remettre le document pour moi. Le chauffeur a dit que je ne me suis pas encore réveillée et que même si je l’étais, je serais en train de prier en ce moment. Devant leur insistance, le chauffeur a pris habilement son téléphone pour appeler mon garde du corps qui a hâté son arrivée chez moi. En ce moment, ils étaient déjà sur ma terrasse et au garde du corps, policier comme eux, d’aller vers eux pour savoir de quoi il s’agissait. Ils lui disent qu’ils ont une convocation à remettre à sa patronne. En leur demandant de lui remettre la convocation pour moi, l’un des policiers lui répond que la convocation est à remettre en main propre à sa patronne. C’est ainsi que le chauffeur a jugé bon d’appeler ma fille, Avocate au barreau du Bénin. Arrivée à la maison, ma fille s’adresse à son tour aux deux policiers. Comme l’ont fait la bonne et le chauffeur, elle demande qu’ils lui remettent le pli en précisant qu’elle est ma fille et mon Avocat. Ils ont encore dit non. Dans la foulée et en présence des deux policiers, ma fille appelle le Bâtonnier de l’Ordre national des Avocats du Bénin, Cyrille Djikui en prenant soin de laisser son téléphone sur main courante. Et au Bâtonnier de lui dire ‘’Vous êtes membres de l’ordre, soyez fermes. Ils doivent sortir de là. Ils n’ont pas à rentrer chez un Avocat sans que le Bâtonnier ne soit informé et sans que les membres du Conseil de l’Ordre ne soient informés. Faites les sortir de là. Ce n’est qu’après ce coup de fil qu’ils ont commencé par reculer. Malgré cela, mon garde du corps les a quand même suivis jusqu’au portail. Au portail, ils disent à mon garde du corps que ‘’c’est une enquête générale qui concerne plusieurs personnes dont ta patronne (…) et que c’est le Procureur général qui a envoyé la convocation…’’. Le garde du corps en a fait le compte rendu à ma fille. Après m’avoir informée de la situation, ma fille est allée voir le Bâtonnier et ils se sont ensuite rendus chez le Procureur général qui leur aurait dit qu’il n’est pas du tout informé de la visite des deux policiers à mon domicile. Le Procureur général aurait aussi appelé son substitut qui lui a promis de faire des enquêtes pour en savoir plus. Tout ceci se passait le mercredi. Le jeudi, à l’Assemblée nationale, alors que je m’apprêtais à poursuivre les travaux en commission sur le projet de loi portant statut du personnel de la police, j’apprends des policiers avec qui je travaille sur le dossier que le pli apporté par les deux policiers a rapport avec une affaire de diffamation qui traîne depuis des mois à la Cour, qui est renvoyée au 13 février et dans laquelle je suis plaignante. Nous en étions là quand, à ma grande surprise, je vois des gens venir parler à la télé, faire des déclarations et ces déclarations ne m’ont pas plu. C’est pour ça que je parle. Un officier de police judiciaire ne passe pas de maison en maison pour déposer des convocations en main propre (…) Je suis un peu chagrinée qu’un Magistrat qui est à moins de deux ans de sa retraite prenne la parole et ne dise pas ce que le Code de procédure pénale dit. Les attributions d’un officier de police judiciaire, ce n’est pas d’aller distribuer des convocations. Ses attributions, c’est de faire des enquêtes, de s’occuper des dossiers de crime ou de délit, d’établir les procès verbaux de police judiciaire. Le procureur général ose dire qu’il n’y a rien de politique. Est-ce que ça veut dire que quand c’est politique, on l’envoie en mission et on lui demande de dire des choses ? Ses déclarations vont faire penser que dans les affaires politiques, on le mêle et il s’exécute. Or, ce n’est pas le rôle de la justice de se mêler de la chose politique. Il ne peut pas aller affirmer que ce n’est pas politique. Ce rôle, il devrait le laisser aux membres du gouvernement. Comment peut-il affirmer qu’il n’y a rien de politique dans cette affaire ? N’oubliez pas que nous sommes à une période où tout le monde a peur. Tout le monde a peur. Personne ne jure du lendemain. Les miens s’inquiètent à juste titre. Le Ministre de l’intérieur, je ne lui reproche rien. Si je devrais parler la langue Goun, je dirai qu’il a parlé jusqu’au niveau qu’il connaît. Il a dit ce qu’on lui a dit de dire. Le Garde des sceaux, vous l’avez toujours vu travailler par rapport aux lois, par rapport aux Magistrats. Il ne peut que dire ce qu’on lui dit de dire ou ce qu’on lui met dans la tête. Mais un Magistrat ne devrait pas se comporter comme eux. Dieu sauvera ce pays… »
Propos recueillis par Karim Oscar ANONRIN



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