Entretien avec Christian Parfait Ahoyo de l’up le renouveau : « Ils parlent d’exclusion en se disant avant même la compétition qu’ils ne pourront pas atteindre les seuils de 10% et de 20% »

13 mars 2024

Le mardi 05 mars dernier, les députés ont adopté la loi modificative du code électoral. Qu’est-ce que vous en retenez ?
Ce qu’il faut retenir après le vote de la loi modificative du Code électoral le 05 mars 2024 est que nous tournons définitivement dos à la transhumance politique. Nous tournons définitivement dos aux partis qui n’ont pas d’envergure, non pas nationale mais dans toutes les circonscriptions électorales. Le Code fixe le taux minimal à partir duquel on doit pouvoir incarner la volonté populaire. L’innovation de ce code est que personne n’est a priori gagnant. C’est tout le peuple qui gagne. Ce Code électoral rapproche les partis politiques des populations et même les partis politiques des populations au cœur de l’action politique. Ce Code finit avec l’exclusion sociale et renforce l’unité nationale. Je comprends ceux qui sont restés dans le vieux schéma. Ils ont encore 18 mois pour s’adapter réellement aux nouveautés du Code électoral. Il va falloir qu’on se départisse de nos vieilles habitudes et qu’on replace la politique au cœur des partis politiques. Ce Code permet aussi de ne pas débarquer de quelque part et prétendre venir diriger le Bénin. Désormais, si quelqu’un a des ambitions d’être Maire, Chef quartier, Conseiller municipal ou communal, député, Chef d’Etat, il doit savoir qu’il doit d’abord aller dans une école. Cette école s’appelle le parti politique. La Conséquence de cela est que les partis politiques doivent être d’envergure nationale. Ce Code signe progressivement la fin des fiefs politiques

L’une des innovations de la nouvelle loi est l’exigence de 20% par circonscription électorale qui vient s’ajouter à celle des 10% de suffrages au plan national pour être éligible à l’attribution des sièges de députés ?
Le seuil de 20% est dans toutes les circonscriptions électorales, mais ce seuil invite les acteurs de la classe politique à travers les formations politiques à aller dans ce qu’on appelle des accords de gouvernance. C’est dire donc que n’importe quel parti depuis 2019 devrait déjà avoir 10% pour être éligible à l’attribution des sièges. Maintenant dans ces 10%, vous pouvez dans un accord de gouvernance à ne pas confondre avec une alliance, vous arranger de telle sorte que le parti politique avec lequel vous faites alliance se batte aussi sur l’étendue du territoire national pour avoir 10%. Autrement dit, cela confère au parti, la nécessité de travailler et de se rapprocher des peuples. On a toujours reproché aux partis politiques de ne pas être proches des populations, d’avoir des députés ou des élus qui sont transhumants. Ce Code a pour vocation de régler cela. Bien entendu, nous ne sommes qu’au début. A partir de 2026, nous aurons 5 ans pour l’expérimenter. Mais avant cela, il faut comprendre qu’aucun parti politique d’envergure nationale n’est favorisé. De même, aucun parti politique actuellement représenté au Parlement n’est exclu.

Le législateur, pour justifier cette modification du Code électoral parle du renforcement du nouveau système partisan. Soutenez-vous cet argument ?
Avec ce Code électoral, le système partisan que nous expérimentons depuis 2019 se trouve vraiment renforcé. On donne tout le pouvoir aux partis politiques. Vous ne pouvez pas parrainer un candidat à l’élection présidentielle en dehors de votre parti politique. Vous ne pouvez pas être candidat à n’importe quelle élection sans être membre d’un parti politique. Il faut que votre parti politique vous donne mandat et une fois que c’est fait, il faut que le parti lui-même soit à même de vous faire élire. Après les 10%, on passe à l’étape des 20% par circonscription électorale.

Ceux qui ne sont pas d’accord avec le contenu de ce code électoral en attendant sa promulgation parle d’exclusion
Je comprends ceux qui parlent d’exclusion. Ils parlent d’exclusion en se voyant en tant qu’individu. Ils parlent d’exclusion en se disant avant même la compétition qu’ils ne pourront pas atteindre les seuils de 10% et de 20%. Un vrai politique ne doit pas parler d’exclusion. Un vrai politique doit désormais se mettre au travail pour ne pas être exclu puisqu’aucun parti politique nommément n’est exclu du dispositif électoral. Les dispositions sont faites pour que mêmes tous les partis actuellement présents à l’Assemblée nationale et mêmes ceux qui y sont absents prennent part aux élections.

Est-ce que le nouveau code ne va à l’encontre des acquis de la Conférence nationale qui a prôné le multipartisme intégral ?
Le Code électoral modifié n’est pas du tout contre l’esprit du multipartisme intégral. Le multipartisme intégral n’est pas banni. Les gens sont libres de continuer de créer les formations politiques et animer la vie publique. Mais il faut comparer cela à un Baccalauréat avec les conditions d’accès aux bourses. Si nous faisons ce parallélisme, personne n’empêche un élève d’aller au Bac. Mais pour accéder aux bourses, à certaines écoles après le Bac, il y a des critères. Ramené au système partisan, ce sont des critères de la promotion de l’unité nationale et qui ramènent le parti proche des populations. Les partis vont continuer d’être créés et d’animer la vie publique.

Votre mot de la fin
La démocratie béninoise se porte très bien. Dans l’intervalle de trois mois depuis le début de l’année, on a vu la démocratie s’exprimer au Bénin. Un simple citoyen a saisi la Cour constitutionnelle qui a répondu. La Cour constitutionnelle a fait des recommandations au Parlement. Le Chef de l’Etat a rencontré les formations politiques toutes tendances politiques confondues. Une minorité parlementaire s’est exprimée pour rejeter la révision de la Constitution. Une majorité parlementaire s’est aussi exprimée pour modifier le Code électoral (…) Tout le reste est de se préparer pour se conformer au nouveau Code électoral. Je pense que l’histoire retiendra que c’est sous le président Patrice Talon que nous avons fini avec l’oiseau rare à la présidentielle. C’est un candidat issu d’un parti politique qui va diriger le pays. Dans tous les cas, que la paix règne et que chacun soit dans son compartiment. Le politique dans son compartiment et la société civile dans le sien.
Propos recueillis par Karim Oscar ANONRIN



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