5ème round des négociations Gouvernement-Syndicats : L’espoir étouffé !

Géraud AGOÏ, Patrice SOKEGBE 28 février 2014

Alors que le peuple s’attendait hier à une éventuelle sortie de crise lors de la énième rencontre gouvernement-syndicats, c’est plutôt à un fiasco qu’on a assisté. A l’Infosec où s’est encore tenu le 5ème round des négociations Gouvernement - Centrales et Confédérations syndicales, au bout de 2 heures de discussions, la rencontre s’est soldée, une fois encore, par un échec. La lueur d’espoir qui s’est dessinée lundi dernier à travers les premières démarches fructueuses du gouvernement a été étouffée. Alors que le gouvernement a réitéré au cours de la rencontre d’hier sa position sur l’illégalité de la grève, la restitution des défalcations sur les salaires du mois de janvier, dans le rang des Centrales et confédérations syndicales, c’est plutôt la colère. Pour les syndicalistes, c’est à la limite une injure à la mémoire de tous les travailleurs, s’ils acceptaient reprendre le travail après les déclarations servies par les représentants du gouvernement. Toujours selon eux, le gouvernement doit restituer toutes les défalcations sur salaires opérées ces deux derniers mois, ainsi que celles de 2012. Les différentes réponses du gouvernement sur les autres points, à savoir, le point indiciaire des 25% à accorder aux enseignants, la validation des résultats du concours frauduleux, le limogeage du Préfet Placide Azandé et du Commissaire central de Cotonou Pierre Coovi Agossadou et autres, n’ont pas convaincu les centrales syndicales.

Le mercure monte
La pause de 10 minutes observée a fait l’objet d’une part de concertation des centrales et Confédérations syndicales, et d’autre part, de discussions houleuses qui dénotent de la frustration des syndicats affiliés. Chacun allait de son commentaire. « L’année est blanche … La grève doit être renforcée à partir du 3 mars… Le gouvernement a répondu à toutes les questions, on n’a plus rien à faire ici… Si nous cédons, la démocratie est à terre … ». La tension était donc à son paroxysme. 30 minutes après la reprise des négociations, tous les représentants du gouvernement ont vidé la salle de négociation et ont rejoint leurs véhicules. Les syndicalistes quant à eux, sont restés dans la salle pour prendre de nouvelles dispositions. Et pour le moment, aucune précision n’a été donnée sur la prochaine rencontre.

Ils ont dit
Martial Sounton, chargé du dialogue social « Chacune des parties a reprécisé ses positions… Il n’y aura pas d’année blanche »

« Nous retenons que chacune des parties a reprécisé ses positions. Et la proposition du gouvernement, je le redis clairement : les centrales syndicales ont fait grève pendant deux mois (janvier et février). Les défalcations opérées sur les mois de janvier et de février concernent seulement les jours de grève de janvier. Le gouvernement dit et réaffirme que dans le souci de l’apaisement du climat social, il peut renoncer aux défalcations concernant les jours de grève du mois de février. Avec cette concession, il faut que les centrales syndicales puissent arriver à faire un pas et qu’ils permettent qu’on discute des autres points. Mais ils sont restés sur leur position et ont exigé qu’on évacue ce 1er point. Le gouvernement continue de tendre la main aux centrales pour trouver les voies et moyens pour que le dialogue soit une réalité. Le gouvernement dit qu’en cas de divergences sur les lois de la République, on n’est pas obligé de rester camper sur nos positions. Il y a des structures compétentes, des voies de recours. Mais en attendant que nous ne soyons départagés, le gouvernement dit qu’il abandonne les défalcations concernant les jours de grève de février et souhaite que le travail reprenne et que les négociations se poursuivent. Il n’y aura pas d’année blanche. Je dis bien qu’il n’y aura pas d’année blanche. Je sais que le sens patriotique va jouer pour que l’intérêt de chacun soit mis de côté et que l’intérêt général soit privilégié. En tout cas, moi je ne prêche pas pour une année blanche. Le gouvernement non plus ne prêche pas pour une année blanche et je crois aussi que les secrétaires généraux feront de leur mieux pour qu’il n’y ait pas d’année blanche. J’ai mes enfants qui sont ici. Je n’ai aucun enfant à l’extérieur, et donc ils sont concernés ».

Soumanou Djimba, Ministre de l’enseignement secondaire et de la formation professionnelle
« …Concrètement, nous sommes venus avec une proposition. A eux d’avancer... »

« … Le gouvernement est venu dire une fois de plus que nous sommes prêts à céder ; en tout cas si les travailleurs reprennent le service, les défalcations afférentes au mois de février. Mais les travailleurs ne nous ont pas fait une autre offre. Vous comprenez qu’en négociation, on gagne un peu et on perd un peu. Nous avons proposé. A eux de nous dire quelque chose de réel. Mais ils sont restés campés sur leur position (les deux mois ou rien)…. Concrètement, nous sommes venus avec une proposition. A eux d’avancer, de nous donner un moratoire pour que le travail reprenne. Mais ça n’a pas été le cas… Nous sommes là justement pour qu’il n’y ait pas une année blanche... Nous souhaitons que le bon sens guide chacun de nous pour qu’on reprenne les négociations. L’année scolaire ne sera pas blanche. Vous pouvez compter sur nous ! On a demandé un moratoire de 3 mois, mais on n’a eu droit à rien, même pas deux semaines. C’est bloqué. Mais ceux qui se parlent, sont ceux qui s’écoutent et finissent par faire de grandes choses. Nous finirons par faire de grandes choses »

Paul Essè Iko, Sg Cstb
« Le gouvernement ne veut pas bouger et ne cesse de faire du dilatoire »

« Au dernier round des négociations, nous constatons que le gouvernement reste campé sur sa position. Le gouvernement ne veut pas bouger et ne cesse de faire du dilatoire. C’est à croire que nos revendications tournent uniquement autour de la question de la défalcation. La question de la défalcation a pour but bien sûr, de faire respecter la loi sur le droit de grève. Mais il reste la question de la suspension du Préfet et du commissaire central de Cotonou. Le gouvernement n’en a cure et il ne veut pas avancer pour faire respecter la démocratie, compte tenu de la Constitution. Or, cela nous est cher. Cela nous est plus important que la prunelle de nos yeux. Et l’annulation du concours frauduleux ? A la fin des débats, on constate que le gouvernement ne veut pas évoluer. Il ne reste qu’une seule chose, que les travailleurs et le peuple se mobilisent sur le terrain pour qu’on fasse respecter les textes de la République ».

Pascal Todjinou, Sg Cgtb
« S’il y a trouble demain, que cela soit imputé au gouvernement de Yayi… »

« Le pays est troublé par le gouvernement Yayi, il faut que cela soit porté à la connaissance du peuple béninois. S’il y a trouble demain, il faut que cela soit imputé au gouvernement parce que les organisations syndicales ont bel et bien fait des concessions à ce gouvernement. Mais le gouvernement reste campé sur sa position. Deuxièmement, le gouvernement n’a rien offert. En réalité, il dit qu’il a fait des prélèvements sur le mois de janvier et sur le mois de février, et dit qu’il nous donne le mois de février si on ne continue pas la grève. Or nous sommes en grève. Ça veut dire en toute honnêteté que le gouvernement est dans la logique du pire. Que le peuple béninois soit largement informer de ce qu’aujourd’hui, c’est le gouvernement qui porte la responsabilité. C’est pour ça que quand nous sommes venus aujourd’hui, nous avons demandé le point de vue du gouvernement sur notre proposition sur la restitution des prélèvements opérés au titre de l’année 2014. Leur position est claire. C’est sur cela seul qu’on est restées aujourd’hui. Et le gouvernement et le présidium sont d’accord pour ne pas continuer les négociations ... Mais nous comptons sur les travailleurs. Travailleurs, continuons le mouvement jusqu’à la satisfaction totale de nos revendications et n’ayons jamais peur. Même si le gouvernement ne rembourse pas, le prochain va rembourser.

Laurent Mètognon, Sg/Fesyntra-Finances
« … C’est le gouvernement qui ne veut pas de la décrispation… »

Le gouvernement dit avoir fait des efforts. Il faut que le peuple arrive quand même connaître les efforts que le gouvernement a faits. 1er effort, c’es t de déclarer la grève illégale, en attendant de saisir la Cour constitutionnelle. Le 2ème effort du gouvernement, c’est de nous réaffirmer que les grèves que nous avons renouvelées, jusque-là, n’ont suivi aucune procédure. 3ème effort, c’est qu’il estime que la défalcation du mois de février ne sera pas faite, à condition que les grèves ne se poursuivent pas. Donc, un ultimatum lancé aux travailleurs alors que les défalcations ont été bel et bien faites sur le salaire de février. 4ème effort, c’est que par rapport aux résultats des concours frauduleux, une commission a été mise en place et il nous a cité cette commission. Le 5ième effort du gouvernement, c’est que par rapport au limogeage du Préfet Azandé et son bras exécutant le Commissaire central de Cotonou Pierre Coovi Agossadou, l’arrêté de 2013 a été rapporté. 6ème effort, c’est que par rapport au Smig, le Conseil national des travailleurs s’est réuni aujourd’hui et les travaux seraient déjà achevés. La décision prise n’a pas été donnée. Par rapport au 7ème point qui concerne le point indiciaire des 25% aux enseignants et aux autres qui n’ont pas perçu actuellement ; à ce sujet, le gouvernement nous renvoie à la commission nationale.
Voilà les efforts que le gouvernement pense avoir fait. Vous voyez que c’est le gouvernement qui ne veut pas de la décrispation. Les travailleurs n’ont qu’à prendre acte, puisque nous, Secrétaires généraux signataires de la motion de grève, avons rejeté en bloc tout ce que le gouvernement pense avoir fait, qui ne sont pas en réalité des efforts. C’est un blocage des négociations du fait du gouvernement, parce qu’il a certainement un plan B. Nous aussi avons un plan B. Ce n’est que les rapports de force. La mobilisation permanente des travailleurs, la poursuite du mouvement pour arracher les libertés, maintenir le droit de grève ; c’est à ce prix que les travailleurs auront remporté la bataille.

Dieudonné Lokossou, Sg/Csa
« Si l’année était blanche, c’est du fait du gouvernement »

« Nous assistons à une situation d’enlisement progressif. Et c’est le gouvernement qui n’est pas dans la posture de négocier et de bien négocier. Sinon, depuis le 7 janvier que nous avons lancé ce mouvement, il a fallu le 4ème round pour qu’on nous sorte brutalement l’argument d’une grève illégale. Lorsqu’elle est illégale, le gouvernement le notifie par écrit aux syndicalistes. Jusqu’ici, nous n’avons jamais reçu une lettre nous disant que cette grève est illégale. A supposer que la grève est illégale, pourquoi le gouvernement a-t-il accepté de restituer les défalcations. Nous sommes dans un Etat de droit. Ils disent que la grève est illégale. Pourquoi veulent-ils restituer un mois de défalcation ? Cela veut dire qu’il n’y a pas une cohérence dans ce qu’ils disent. Je voudrais faire savoir que si l’année était blanche, c’est du fait du gouvernement. Ils viennent ici nous faire croire qu’on négocie, alors qu’il y en a qui dorment, et ils font tout le temps du dilatoire. Nous avons le texte sur l’exercice du droit de grève chez nous, ils l’ont lu en diagonale, et ils appliquent sauvagement les défalcations. Ils ne tiennent même pas compte de la quotité cessible. Je voudrais lancer un appel aux travailleurs pour qu’ils ne soient pas découragés, qu’ils poursuivent la grève, parce que nous apprenons qu’ils ont un plan B et c’est pourquoi ils font leur surenchère. Si le gouvernement était responsable, depuis le 7 janvier, on ne serait plus à ce niveau. On a 7 points inscrits à l’ordre du jour et on n’a pas progressé. Chaque fois, on vient, c’est la même chose qu’on répète. Je crois donc que le droit et la raison sont de notre côté. Si la population doit s’en prendre à quelqu’un, c’est bien à ce gouvernement qui est en faillite.

Noël Chadaré, Sg/Cosi-Bénin
« … Le gouvernement n’a pas bougé d’un iota … »

« Le gouvernement n’a pas bougé d’un iota. Le lundi dernier, lorsque nous nous étions retrouvés ici, le gouvernement a dit qu’il irait se concerter, parce qu’il avait proposé de défalquer un mois sur deux. Nous avons refusé. Nous lui avons proposé de restituer la totalité de 2014. Nous avons été invités et nous avons pensé qu’ils avaient quelque chose à nous proposer. Mais nous avons été surpris que le gouvernement soit venu marteler sa position de lundi dernier. Donc, nous n’avons pas avancé, c’est un échec et donc la grève se poursuit, tant que le pouvoir n’aura pas fait l’effort de faire des concessions. Nous prenons à témoin les parents d’élèves, toute la population béninoise que de notre côté, il y avait réellement une volonté de faire des concessions, mais le gouvernement a sûrement un plan B. Parce qu’il n’a fait aucune concession. On nous a imposé des médiateurs. D’abord, cela devrait se faire d’accord – partie. Le gouvernement nous a présenté des médiateurs choisis par le pouvoir. Nous avons accepté. On pouvait refuser ces médiateurs. Ça devait être d’accord-partie, parce que nous voulons véritablement sortir de cette situation. La population nous demande de penser aux enfants. Malheureusement, le pouvoir n’a pas fait le pas qu’il faut pour que nous pensions aux enfants. Donc, nous ne pouvons pas sortir de cette crise dans l’indignité. La grève se poursuit.

Christophe Dovonon, Sg/Cspib
« … Si le gouvernement n’est pas prêt à négocier, pourquoi ont-ils ouvert les négociations ? … »

« …Nous avons compris que l’équipe gouvernementale a refusé de manager, malgré la bonne volonté des centrales syndicales que nous sommes. L’ambiance du Lundi n’a rien de comparable avec ce que nous avons vu aujourd’hui. Est-ce que le plan B du Gouvernement est de se camper sur sa position pour que nous prenions peur ? Ce que nous n’avions pas compris et que nous constatons à travers le comportement du gouvernement, ce sont les déclarations de Me Djogbénou qui nous a avertis que l’Etat est en cessation de paiements. C’est ça qu’ils sont en train de nous démontrer. Si l’employé est mécontent, la seule manière de manifester sa colère vis-à-vis de son patronat, c’est d’aller en grève. C’est universel, c’est mondialement reconnu. Et si le gouvernement n’est pas prêt à négocier, pourquoi ont-ils ouvert les négociations ? Si je continue dans leur logique, on comprend que les négociations ne les agréent pas. C’est parce qu’ils ont vu que tout le monde est obligé d’aller à la table de négociation. Nous sommes venus et on continue de blaguer. Au finish, cette politique d’usure finira par avoir raison de nous, et c’est très grave. Et ils en répondront demain … ».



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