Aleth Orouyé Sacca-Kina, Assistante du Directeur de Cabinet au Micpme : Parcours accompli, vie éprouvante !

Patrice SOKEGBE 26 mars 2014

Femme noire, dévouée, mais réservée. Autant de traits qui font de Aleth Orouyé Sacca-Kina, Assistante du directeur de cabinet du Ministère de l’industrie, du commerce, des petites et moyennes entreprises (Micpme), une femme dont le parcours suscite des émulations. D’une taille d’environ 1,60 m et d’un teint noir, Aleth Orouyé Sacca-Kina laisse derrière elle un passé aussi bien étincelant que douloureux. La défense des droits des femmes et des enfants constitue son combat.

La cinquantaine, Aleth Orouyé Kina cultive deux qualités majeures : l’hospitalité et l’esprit de partage. C’est une femme qui sait donner sans rien attendre en retour. Ce qui fait d’elle, une femme abordable et dont la simplicité est hors pair.
Aînée d’une famille de quatre enfants dont un garçon et née d’une mère soumise et d’un père très autoritaire, elle était prédestinée à la fonction de Gestionnaire Comptable lorsque ses parents l’inscrivaient au Lycée F. M. Coulibaly de Cotonou où elle a successivement obtenu le Certificat d’aptitude professionnelle (Cap) Aide - Comptable et le Baccalauréat, Série G2. « …De la classe de 1ère D au Ceg Akpakpa-centre, j’ai réussi au test d’entrée au lycée Coulibaly de Cotonou où j’ai été inscrite en 2nde G2 correspondant à la 1ère année de comptabilité. C’est à l’issue de trois années successives de formation que j’ai obtenu un Bac/G2 qui me qualifiait comme comptable attitrée », raconte-t-elle. Après l’obtention de ce 1er diplôme universitaire, elle démarre ses études supérieures d’Expertise-Comptable à l’Ecole nationale d’économie appliquée et de management (Ex-Ine) de Cotonou en collaboration avec l’Académie de Nice en France lorsqu’elle rencontre un éminent Juriste, Jérôme Sacca-Kina, devenu plus tard son époux. Celui-ci l’a convaincue de changer de filière et d’embrasser des études de droit comme lui afin qu’il puisse lui apporter son aide et son expérience dans ce domaine. « La première année que j’ai faite me conduisait au Diplôme préparatoire des études comptables et financières (Dpecf) qui débouchera plus tard sur l’Expertise comptable. C’est à la fin de cette année que mon fiancé m’a convaincue de la nécessité de changer de filière. Il a usé de toutes sortes d’argumentaires pour me faire comprendre que le droit offrait beaucoup d’opportunités. Mettant l’accent sur l’heure tardive à laquelle je rentrais à la maison (au delà de zéro heure) et donc sur l’insécurité qui régnait dans les années 1995 - 1996, je me suis décidée à m’inscrire en Faculté de droit à l’Université nationale du Bénin (Unb). En effet, vivant à Calavi, j’exerçais ma fonction de Comptable à Atinkanmey à Cotonou dans une société de transit et de consignation. Après les heures de service, je suivais les cours du soir à Gbégamey », dit-elle.
A trente ans environ, elle devient orpheline de père. Et aussitôt, elle prend son destin en main. Aînée, l’obligation lui revient de prendre en charge sa mère, frère et ses sœurs. « Je me suis sacrifiée pour ainsi dire ! J’ai commencé à travailler avec mon Cap aide-comptable. C’est ainsi que j’ai été recrutée dans une société de transit où j’ai gravi tous les échelons de la hiérarchie administrative, passant successivement de la caisse au poste de comptable », explique-t-elle. Plus tard, elle obtient une maîtrise en droit, Option : Droit des Affaires et Carrières Judiciaires à la Faculté de droit et des sciences politiques (Fadesp).
Quelques années après, elle s’est inscrite en 3ème Cycle à la Chaire Unesco des Droits de la Personne Humaine et de la Démocratie (Fadesp). Elle fait d’ailleurs partie de la 3ème promotion des Diplômés d’études supérieures spécialisées (Dess) en “Gouvernance et Démocratie“. Cette promotion était conjointement encadrée par les Professeurs de l’Université de Sherbrooke au Canada sur des notions de décentralisation et de bonne gouvernance. « Aujourd’hui, je me suis inscrite de façon personnelle et volontaire à l’université de Tchaourou où je fais un Master 2 en “Banque et Finances“, toujours pour satisfaire mes premiers amours et surtout pour continuer dans le cadre de la formation que mon père avait souhaitée pour moi. Voilà pourquoi, je suis pluridisciplinaire », dit-elle.

Un tableau d’expériences séduisant
Juriste accomplie, suite à l’obtention du Diplôme d’Etudes Supérieures Spécialisées (Dess), et après quelques années de stage d’insertion professionnelle, elle connaît ses premiers emplois, respectivement en tant que Caissière principale, Chef Section Comptabilité Adjointe au Chef Service du personnel et Attachée aux relations extérieures à la Direction commerciale au sein de la société Union de transit et de consignation entre 1991 et 1997. De 1997 à 2004, elle devient comptable du Projet d’Activités Génératrices de Revenus (Pager) sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche (Maep). Elle ne s’arrête pas en si bon chemin. De 2005 à 2009, elle occupe le poste de Chef service administratif, financier et Comptable au sein de l’Association africaine des hautes juridictions francophones (Aa-Hjf), une institution internationale sous la tutelle de la Cour suprême. De 2009 à 2010, elle a été Assistante du Ministre de la famille et de la solidarité nationale (Mfsn). Ses compétences et ses performances l’ont amené, de 2011 à 2012 dans l’un des projets du même ministère dont la dénomination avait entre-temps changé. Elle occupe ainsi le poste d’Assistante Juridique au Centre de promotion sociale (Cps) d’Abomey-Calavi sous la tutelle du Ministère de la famille, des affaires sociales, de la solidarité nationale, des Handicapés et des personnes du troisième âge (Mfassnhpta), financé par le Programme d’appui à la démocratie et à l’égalité du genre (Padeg). Sa toute dernière promotion remonte à septembre 2013 où elle a été nommée Assistante du Directeur de cabinet du Ministère de la jeunesse des sports et loisirs (Mjsl) et confirmée au même poste au Ministère de l’Industrie, du commerce et des petites et moyennes entreprises (Micpme).

‘’L’Amour de ma vie’’
Jérôme Sacca-Kina, qui entre-temps a conseillé à Aleth Orouyé de choisir le droit, devient son mari. D’ailleurs, ils ont eu ensemble plusieurs enfants, dont trois vivants. « J’ai un défaut. Quand j’aime quelqu’un, je l’aime éperdument. On a été marié et on est resté ensemble, nous avons eu plusieurs enfants, mais trois seulement vivent encore. C’est en lui restant très fidèle que j’ai fini par l’épouser. Aussi, je peux dire qu’il est endurant puisque les sollicitations ne manquaient pas de mon côté, mais je suis simplement tombée sous son charme et sa grandeur d’esprit ».

‘’ La main de Dieu en pleine douleur’’
Le décès de son père l’avait traumatisée, car un support financier venait de s’en aller. Heureusement, son fiancé relaya son défunt père en lui donnant un coup de main dans ses études. « Il a été d’une utilité sans pareille, parce que son souci était de me voir évoluer. A un moment donné, il m’a dit qu’il faut suivre les cours à Educatel et qu’il s’engage à payer », indique-t-elle. Effectivement, Aleth a suivi les cours par correspondance en comptabilité avant d’opter pour les cours du soir. Après une vingtaine d’années de vie commune, la mort a fauché son âme sœur : son deuxième choc. Quelque part, elle estime que sans ces deux grands coups fatals, elle ne serait pas “née de nouveau“. Il a donc fallu ces deux évènements pour que dans sa douleur, elle rencontre une collègue de service qui l’introduit auprès du Pasteur Pascal Sambieni de l’Eglise évangélique des Assemblées de Dieu, Temple universitaire. La rencontre a eu lieu un jeudi soir. A ce souvenir, je suis encore émue actuellement, car j’avais la gorge nouée.

L’exemple, ‘’son mari ‘’ !
Jérôme a été pour elle un modèle. Altruiste et grand homme politique, il a occupé de hautes fonctions au niveau du Ministère de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (Maep), autrefois Ministère du développement rural (Mdr). Après cela, il a embrassé la carrière politique au lendemain du renouveau démocratique en 1990. Il a été élu Député à l’Assemblée nationale pendant quatre législatures successives et c’est au bout de la quatrième mandature qu’il a été rappelé à Dieu au cours d’une mission à l’extérieur. Il occupait le poste de premier Vice-président de la quatrième législature.

Une victime de la violence
Défenseur des droits des personnes vulnérables, elle a animé pendant deux ans le service d’écoute et d’assistance juridique du centre de promotion sociale d’Abomey-Calavi. Elle est connue dans les brigades de gendarmerie, les commissariats de police, les tribunaux de première instance, la brigade de Protection des mineurs à Tokplégbé (Akpakpa), etc… pour une assistance-conseil aux victimes de violences basées sur le genre. Femme engagée, elle lutte contre les inégalités sociales. « Je suis un pur produit de la violence. Ce qui m’amène à me recroqueviller sur moi-même. Taciturne, mon enfance a été douloureuse. Aînée de ma famille, j’ai subi la sévérité de mon père. J’ai été durement éduquée parce que mon géniteur était un instituteur de l’ancien temps. Il voulait donc voir ses enfants, surtout son aînée réussir. A la maison, il m’encadrait pour les études au cours desquelles il s’énervait assez. Il voulait coûte que coûte m’inculquer le savoir sans tenir compte du rythme d’assimilation de l’enfant que j’étais. Alors, il me rouait de coups et allait jusqu’à me pendre à la poutre de la toiture de notre maison à laquelle il accrochait une corde. Ma mère, quant à elle, n’avait pas le droit de venir à ma rescousse au risque de voir toute la colère se déverser sur elle. Elle n’avait qu’à se réfugier à la cuisine pour pleurer. C’est donc une souffrance morale et physique que j’ai subie au même titre que ma mère à qui je rends hommage. Mes frères et sœurs qui sont venus après moi, ont bénéficié d’une certaine douceur paternelle parce que mon père, vieillissant, a relâché la rigueur ».

‘’L’équation Profession-ménage !’’
Aleth a obtenu la plupart de ses diplômes en cours d’emploi, ceci pour subvenir aux besoins de sa mère, veuve et de ses frère et sœurs orphelins. Cette endurance l’amène donc à s’organiser pour pouvoir concilier les deux activités. Elle a donc pris l’habitude, même mariée, de dormir tard et de se lever tôt. Elle éprouve désormais une facilité à associer le ménage et la vie professionnelle parce que cela est ancré dans ses habitudes. « Vivre avec un homme politique demande également assez de sacrifices. Il fallait l’attendre tard la nuit, le servir à son arrivée et débarrasser la table avant d’aller se coucher. Première à me lever, je prépare les enfants pour l’école, assure le petit déjeuner de la famille avant mon départ pour le boulot. Il arrive des moments où je passe la nuit à la clinique avec l’un des enfants qui était fébrile. Je tire cette force de ma vocation à invoquer à tout instant de la journée le nom de l’Eternel Dieu tout Puissant. Fidèle, il me répond toujours favorablement. L’épreuve de la disparition de mon époux m’a encore confortée dans cette prédisposition à la prière fervente et au jeûne. C’est cette force qui m’a permis de sortir victorieuse de ces dix années de veuvage au cours desquelles il faut concilier l’emploi, l’éducation scolaire et spirituelle des enfants ainsi que ma vie associative à Toastmaster Clubs d’Abomey-Calavi. Tout est question d’organisation, de volonté, de ténacité et de soutien spirituel. Sans cette grâce divine, je ne peux grand-chose, car la force humaine est très limitée », raconte-t-elle.

Un devoir s’impose !
Après le rappel de son époux à Dieu, Aleth a pris son destin en main, y compris celui de ses enfants. En dehors du fait que, selon elle, la femme doit être battante et travailleuse, elle doit pouvoir s’affirmer, elle doit tout faire pour avancer afin de s’assurer une place dans cette société où l’entraide a déserté le forum. Tant que le cerveau peut retenir quelque chose, la femme doit continuer son instruction en attendant son ascension sociale qui suivra indubitablement. Tout est question de génération, et donc de beaucoup de patience et de persévérance. « …La femme ne doit pas démissionner dans l’éducation des enfants. Les deux doivent aller de pair. J’ai fait l’expérience au ministère de la famille en tant qu’Assistante du ministre. En ce moment, c’était des missions, des voyages etc…Bref, j’étais toujours partie, à la quête de moyens financiers pour subvenir aux besoins sans cesse croissants de mes orphelins qui grandissaient. Entourés de répétiteurs dans toutes les matières qui se relayaient l’un après l’autre, les résultats des enfants avaient drastiquement baissé ; conséquence, la courbe de performance était décroissante pendant un semestre. J’ai dû changer de stratégie pour relever cette courbe et sauver l’année scolaire. Ma présence constante à la maison a permis de comprendre que la confiance totale accordée aux professeurs de maisons sans un minimum de suivi était une erreur de ma part », raconte-t-elle. L’argent n’a pas pu remplacer la présence physique des parents. « C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai refusé le poste d’Assistante du Ministre de la Jeunesse des sports et loisirs qui m’a été proposé. J’ai souhaité avoir un poste moins contraignant et moins absorbant pour pouvoir m’occuper de mes enfants. Ils constituent la relève de demain », ajoute-t-elle.

L’ambition irréalisable !
Après son diplôme en cours de Master II en “Droit bancaire et droit financier“, Aleth caresse l’ambition d’aller à l’enseignement en préparant un Diplôme d’études approfondies qui la conduira au Doctorat. « Mais, ne dit-on pas souvent qu’il faut savoir mesurer ses ambitions ? Je préfère alors m’en arrêter à ce stade pour l’instant, quitte à ce que je donne les moyens aux enfants pour aller plus loin que moi, avec la grâce du Tout Puissant », indique-t-elle. Comme l’affirme Gustave le bon, la place de l’homme dans la vie est marquée non par ce qu’il sait, mais par ce qu’il veut et ce qu’il peut.



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