Anselme Amoussou, Sg Csa : « Les curricula doivent être absolument revus… »

Patrice SOKEGBE 22 janvier 2020

« Il faut d’abord que le service s’attèle à actualiser l’ensemble des textes qui régissent l’école béninoise et qui parfois se chevauchent et se contredisent. Il faut d’abord ça. Identifier tous les textes qui réglementent l’école chez nous, les faire relire pour les adapter aux réalités du moment. Je pense notamment à la loi d’orientation de l’école qui doit s’ajuster absolument. Il y a un gros chantier qui concerne la relecture du programme d’étude. Les curricula doivent être absolument revus, parce qu’aujourd’hui, regardez un peu ce qui se passe dans nos universités où nos enfants sortent des universités et sont complètement perdus face aux difficultés de la vie professionnelle. Donc l’adéquation formation-emploi doit être une priorité pour le Cne et ça passe par une relecture intelligente, réaliste des programmes d’études de la maternelle jusqu’à l’université. C’est important de le faire surtout quand on sait que l’enseignement technique et professionnel est aujourd’hui plus ou moins abandonné quant à la subvention, quant au regard de l’Etat. L’école technique aujourd’hui, est plus chère que l’enseignement général et donc c’est une incongruité dans un pays où le discours consiste à dire, nous devons aller vers la professionnalisation de l’école, pour que les enfants puissent avoir un emploi lorsqu’ils finissent. On ne fait pas l’école technique pour aller à l’université, on fait l’école technique pour être immédiatement utilisable. Il faut donc relire les programmes. Je pense qu’on a besoin d’entreprendre le chantier de la cohérence des actions dans les différents ordres d’enseignement pour que nous puissions nous donner la main parce qu’aujourd’hui, il faut faire de l’orientation scolaire précoce, vraiment précoce et ne pas attendre que les enfants finissent d’abord le bac pour organiser le folklore que l’on organise tous les ans. De l’orientation précoce, pour identifier les enfants, leurs aptitudes et pouvoir les orienter pour qu’ils puissent se sentir moins perdus lorsqu’ils finissent leurs cursus. Vous savez très bien qu’il faut dépolitiser l’école béninoise et ça passe par un certain nombre de mesures qui doivent être absolument prises. Il faut redessiner la carte scolaire. La carte scolaire au Bénin apparaît comme une mosaïque incompréhensible même pour les initiés. Des écoles qui ne doivent pas être implantées mais qui l’ont été par la volonté du politicien en quête de voix dans sa région ; vous avez des écoles qui n’ont pas de maître ; vous avez des établissements secondaires bien construits mais qui n’ont pas lieu d’être parce que trop proches d’un autre établissement scolaire qui n’a pas les effectifs qu’il faut. Il faut savoir donc faire tout cela avec beaucoup d’intelligence pour permettre une répartition judicieuse du personnel enseignant. Et puis la question du recrutement doit s’inscrire dans une perspective à long terme. C’est-à-dire que nous devons pouvoir planifier un certain nombre de choses. Dans 2 ans nous en serons où en termes d’effectifs des élèves et en termes d’effectifs des personnels ? Il faut recruter à quel moment et dans quel ordre d’enseignement ? Tout cela ne peut se faire qu’à travers une planification rigoureuse donc un document de planification et de gouvernance de l’école doit être élaboré pour être la boussole de ceux qui doivent gérer au quotidien l’école béninoise. Vous savez qu’il faut davantage professionnaliser la fonction enseignante et donc le Cne doit s’intéresser aux programmes d’enseignement dans les écoles de formation professionnelle. Est-ce que le programme aujourd’hui dans les écoles normales d’instituteurs, dans les écoles normales supérieures, est-ce que ces programmes sont toujours adaptés aux réalités ? Est-ce que ces programmes permettent d’avoir de bons produits aujourd’hui, immédiatement disponibles et compétents sur le terrain ? Il faut revoir ça. Il y a de grosses réformes qu’il faut tenter dans la formation des enseignants pour élever le niveau mais en même temps, la question de la motivation de l’enseignant. C’est une question qu’il ne faut pas laisser de côté. La question des revendications, la question du dialogue social doivent être également les préoccupations du Cne pour lui permettre d’avoir la sérénité, l’apaisement social qui peut l’occuper à la tâche qui est la sienne. Car, si vous n’avez pas l’apaisement qu’il faut, vous pouvez réfléchir à toutes les reformes du monde, vous allez quand même échouer. Donc la question du dialogue social qui permet donc de rassurer les acteurs de l’école et parents d’élèves et enseignants doit être également au cœur de l’action du Cne. Et le Cne doit avoir une démarche qui soit la plus participative et la plus inclusive possible parce que s’il arrive et qu’il met un peu comme le gendarme, le censeur, je pense qu’il aura beaucoup de mal. Je pense qu’on a besoin de pédagogie, d’une pédagogie qui peut provoquer l’adhésion de tous aux différentes mesures fortes que le Cne aura donc à prendre pour pouvoir sortir notre école de sa situation actuelle ».



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