Chronique judiciaire : Acquittement au bénéfice du doute

Isac A. YAÏ 27 juin 2017

Acquittés au bénéfice du doute. C’est le verdict prononcé par la cour contre les accusés du dossier N°9. Accusés d’avoir assassiné le sieur Dossavi Yovo Antoine le 12 décembre 2010, les nommés Dossavi Yovo Guillaume, Dossavi Yovo Philippe, Dossavi Yovo Etienne dit « Watalaï, Dossavi Yovo André, Dossavi Yovo Agbodjiédo, Dossavi Yovo Isidore, Dossavi Yovo Bernardin, Bah Zinhoué et Aïtchédji Beau-gars sont désormais libres de leurs mouvements.
Selon les faits présentés, un litige domanial oppose depuis des décennies, les membres des collectivités Dossavi Yovo et Aïmontché dans la localité d’Agbanzinpkota dans l’arrondissement d’Avlékété et donne lieu à des affrontements fréquents entre eux. Le dimanche 12 décembre 2010, suite à une mésentente, Kindozandji Hélène épouse Dossavi Yovo Bernard aurait giflé la nommée Dossavi Yovo Aïtchédji Agbodjiédo, une féticheuse. Celle-ci a fait appel à Aïtchédji Marc et Aïtchédji Beau-gars, ses petits-fils pour la venger. Par le biais d’une mini-rencontre, Aïtchédji Marc et Aïtchédji Beau-gars ont pu faire sortir Dossavi Yovo Antoine, leur cible. Ce dernier s’est rendu à ladite rencontre, en dépit des mises en garde de sa femme.
Une bagarre au cours de laquelle Dossavi Yovo Antoine a été grièvement blessé a éclaté. Et les membres de la collectivité Aïmontché, en l’occurrence les nommés Dossavi Yovo Guillaume, Etienne dit Watalaï, André, Bernardin, Agbodjiédo, Isidore, Bah Zinhoué et Beau-gars, armés de gourdins, de coupe-coupe et de haches, ont opposé un refus catégorique à toute assistance au blessé. C’est grrace à l’intervention de l’équipe de patrouille de la gendarmerie de Ouidah que Dossavi Yovo Antoine a été transporté à l’hôpital de zone de ladite ville, où il a rendu l’âme avant sa prise en charge.
Présents devant la cour, certains accusés ont nié leur présence sur les lieux au moment des faits. Selon leurs propos, ils sont venus sur les lieux après la bagarre car attirés par les bruits. « J’étais à la maison quand j’ai entendu du bruit. C’était une bagarre et j’ai aperçu les gens armés de coupe-coupe et de gourdins. Je suis venu après, et j’ai vu Dossavi Yovo Antoine quigisait dans une mare de sang. C’est au commissariat que j’ai vu sur une photo de la police que Dossavi Yovo Antoine a eu trois blessures. J’ai été cité dans ce dossier parce que j’ai refusé de signer un document de parcelle que mes oncles m’ont présenté », a déclaré Dossavi Yovo André.
Dossavi Yovo Agbodjiédo, d’un âge avancé, s’avance péniblement à la barre s’installe sur une chaise et donne sa part de vérité. Selon les faits, c’est d’elle que la bagarre est partie. Devant la cour, elle reconnait avoir été giflée et mouillée d’eau par Dossavi Yovo Bernard et autres car, on l’aurait accusée de sorcière. Elle a donc appelé son petit-fils Dossavi Yovo Beau-gars seul et c’est ce dernier qui est venu avec son frère Dossavi Yovo Marc. « Ils sont venus pas pour me venger, mais pour écouter ceux qui m’ont giflée », a-t-elle déclaré. A l’en croire, elle n’était pas sur les lieux au moment des affrontements, donc, elle ne peut par dire avec précision ceux qui ont porté des coups à Dossavi Yovo Antoine.
Ainsi, tour à tour, les accusés ont nié leur présence sur les lieux au moment des faits. Ils sont venus après la bagarre et n’ont donc refusé à personne de porter assistance au blessé.
Aïtchédji Beau-gars, le seul qui a reconnu sa présence sur les lieux au moment des faits dit avoir reçu un coup et a perdu connaissance. Ce n’est qu’à l’hôpital qu’il s’est réveillé le lendemain. Donc, il ignore tout ce qui s’est passé sur les lieux.
Toutes les questions des avocats de la défense, du ministère public représenté par Joseph Akploca et de la présidente de la cour Célestine Bakpé, n’ont pas pu faire dire le contraire aux accusés.
Mais, invités à la barre, tous les témoins ont prouvé la présence de tous les accusés sur les lieux du drame. Ils auraient même été menacés par ces derniers quand ils ont voulu sauver Dossavi Yovo Antoine. Mais les témoins n’ont pas pu dire avec précision celui qui a porté les coups à Dossavi Yovo Antoine.
Dans son réquisitoire, et ceci contre toute attente, Joseph Akploca, ministère public, a reconnu qu’il y a eu assassinat, l’infraction est donc constituée, mais cela ne peut être imputé à personne. Car, les témoins n’ont pas pu dire celui qui a tué Dossavi Yovo Antoine. Ils ont désigné les accusés dans leur globalité. Ils n’ont donc pas été convaincants. Par conséquent, les accusés peuvent être acquittés au bénéfice du doute.
Cette brèche de non imputation du crime a été profondément exploitée par les avocats de la défense pendant la plaidoirie. Tour à tour, ils ont, non seulement plaidé pour l’acquittement pur et simple ou au bénéfice du doute de leur client, mais aussi de tous les accusés. « C’est un dossier bien percé par le Ministère public. Il s’agit d’un assassinat, donc d’un meurtre prémédité. Or, il n’y a pas eu préméditation dans ce qui s’est passé ce jour-là car, une bagarre ne signifie pas une préméditation. L’infraction d’assassinat n’est donc pas constituée. Il n’y a non plus aucun élément qui permette d’imputer l’infraction à tel ou tel accusé. Par conséquent, il faut prononcer leur acquittement pur et simple. Comme ça, vous auriez dit la justice », a plaidé Maître Jonel do Régo.
Dans une plaidoirie de quelques minutes, Maîtres Hounzali Clarisse, Eugène Kougbénou, Rufin Tchiakpè, Michel d’Almeida, Magloire Yansunnu, Vincent-Caster Azia et Rafikou Alabi ont plaidé pour l’acquittement de leurs clients et de tous les accusés car, les témoins n’ont pas pu démontrer leur culpabilité.
Maître Kato Attita, dans une longue plaidoirie, avec énergie et conviction, a défendu non seulement son client mais l’ensemble des accusés. « Il y a mort certes, mais cela n’est imputé à personne. Les témoins n’ont pas pu dire avec précision celui qui a tué Dossavi Yovo Antoine. Ils désignent l’ensemble des accusés, mais on ne peut pas juger une foule. Comment allez-vous prononcer des peines de condamnation dans ces conditions ? De plus, les témoins n’ont pas été impartiaux car, ils appartiennent tous à un camp en conflit contre l’autre. Cela les a empêchés de dire la vérité… L’avocat général n’a pas pu prouver la culpabilité des accusés. Il a demandé leur acquittement. Il n’a donc rien inventé.. Il faut donc les acquitter… », a-t-il martelé.
Après ce débat juridique, le président de la cour a suspendu l’audience pour la délibération. Après plus d’une heure de suspension, la cour a fait son entrée et l’audience a repris. Se basant sur les articles 360 à 363 du Code de procédure pénale, Célestine Bakpé, président de la cour, a prononcé l’acquittement de tous les accusés au bénéfice du doute et leur libération immédiate. Ils sont désormais libres de leurs mouvements après 7 ans passés à la prison civile de Cotonou.

Le dossier Icc-services s’ouvre
L’audience reprend ce jour avec le dossier N°11 d’association de malfaiteurs, escroquerie par appel au public et exercice illégal d’activités bancaires et de microfinance, complicité d’escroquerie avec appel au public, recel d’escroquerie avec appel au public et corruption, complicité d’exercice illégal des activités bancaire. Ce dossier communément appelé Icc-Services implique 20 accusés.



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