Contraintes dans l’exécution des marchés publics : La force majeure comme une arme de défense en temps de Covid-19

Bergedor HADJIHOU 7 avril 2020

Benjamin est titulaire de plusieurs marchés publics dont l’exécution exige de parcourir plusieurs villes du Bénin. Par ces temps de crise sanitaire, il s’interroge sur les conséquences de la pandémie dans l’exécution de ses contrats respectifs. Le coronavirus, nous le savons aujourd’hui, a amené les Etats en l’occurrence le Bénin, à l’effet de le circonscrire et l’éradiquer de façon définitive de leurs différents territoires, à envisager des mesures drastiques et inédites au rang desquelles le confinement, l’isolement total ou partiel de certaines localités, l’arrêt des transports publics, la révision des prix, aggravant parfois les coûts d’exportation ou d’importation de certaines matières premières, de certains produits etc. Dans ces conditions, les co-contractants de l’administration expriment des préoccupations, somme toute, légitimes qui se rapportent à la fois à la force majeure et ses implications. Qu’est-ce donc la force majeure ? Dans quels cas peut-on l’invoquer ? Quelles procédures suivre pour en bénéficier ? Et quelles en sont les conséquences ?
Sans frontières posées, de toutes les législations qui évoquent la force majeure, l’article 38.2 des conditions générales applicables aux marchés de services financés par l’Union Européenne rend expressément mieux compte de la notion. Il dispose qu’il s’agit de « … tout événement imprévisible, indépendant de la volonté des parties ou qu’elles ne peuvent surmonter en dépit de leur diligence, tels que les catastrophes naturelles, les grèves, les lock-out ou autres conflits du travail, les actes de l’ennemi public, les guerres déclarées ou non, les blocus, les insurrections, les émeutes, les épidémies, les glissements de terrains, les tremblements de terre, les tempêtes, la foudre, les inondations, les affouillements, les troubles civils, les explosions… ».
Au regard de cette définition, trois critères évalués de manière cumulative permettent d’identifier la force majeure. Il s’agit de l’extériorité (l’événement est extérieur à la personne mise en cause), l’imprévisibilité dans la survenance de l’événement (on considère que si un événement est prédit, on pourra prendre les mesures appropriées pour éviter ou limiter le préjudice), l’irrésistibilité cette fois-ci dans ses effets (elle indique que l’événement est insurmontable, celui-ci n’est ni un simple empêchement ni une difficulté accrue (à honorer un contrat par exemple). En l’espèce, il est de toute évidence que la pandémie du Coronavirus est un fait imprévisible. En effet, la propagation de ce virus n’est pas une chose que les parties auraient pu prévoir au moment de la conclusion des contrats. Par ailleurs, la lutte contre le Covid-19 a contraint les pays qui en sont victimes à des mesures d’urgence sanitaire qui ne peuvent légalement être entravées par les parties contractantes en dépit de leur bonne volonté. Enfin, de ce qui précède, il ressort l’impossibilité pour les titulaires de marchés d’honorer les engagements contractuels qu’ils ont pris avant le cordon sanitaire avec la restriction des déplacements décidée par les États. Au regard de ces explications, l’on peut aisément dire que la pandémie de coronavirus constitue un cas de force majeure. Il s’ensuit que le contractant peut valablement invoquer cette théorie. Dans ce cas, il serait judicieux d’en informer par correspondance l’autorité contractante ou le pouvoir adjudicateur par écrit tout en précisant la nature, la durée probable et les effets envisagés de cet événement. Consécutivement à cette demande, il peut être envisagé en droit béninois des marchés publics, une résiliation. « Tout marché public peut également être résilié lorsqu’un cas de force majeure en rend l’exécution impossible » (Article 125 de la loi 2017-04 du l9 Octobre 2017 portant code des marchés publics en République du Bénin). Et si le marché peut survivre au-delà du coronavirus entraînant juste un retard dans la livraison des ouvrages, le même texte renseigne que « les empêchements résultant des cas de force majeure exonèrent le titulaire des pénalités de retard qui pourraient en résulter »(Article118). Voilà qui devrait rassurer le partenaire privé mais il doit constamment se référer aux dispositions contractuelles pour bénéficier de ses droits conformément aux procédures et exigences qui ont été préalablement retenues avec l’autorité contractante.



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