DEUXIEME FORUM SUR L'EDUCATION NATIONALE : UN NOUVEAU DEPLOIEMENT STERILE ?

La rédaction 8 avril 2014

Le séminaire gouvernemental prévu pour apprécier les préparatifs du deuxième forum de l’éducation nationale s’est tenu le 25 février 2014. A cette occasion, autorités gouvernementales, responsables du secteur éducatif à tous les niveaux, partenaires techniques et financiers et experts ont accordé leurs violons sur l’ensemble des maux qui gangrènent le système éducatif national et sur les solutions à leur apporter.

La commission a inventorié les facteurs empêchant le plein épanouissement du système éducatif béninois

Le rapport final établi par le Secrétaire général du Gouvernement synthétise les travaux de la commission en deux volets essentiels que sont : les dysfonctionnements et les orientations correctives.

1* LES DYSFONCTIONNEMENTS
Dans cette rubrique, le rapport du séminaire gouvernemental mentionne 31 aspects soigneusement inventoriés comme étant les facteurs empêchant le plein épanouissement du système éducatif béninois. En lisant le travail ainsi effectué, on est tenté d’affirmer que la commission n’a omis aucun détail. Elle aurait examiné la question sous toutes ses coutures et serait parvenue, penserait-on, à un diagnostic exhaustif. Seulement, une simple observation et une référence à un passé récent permettent de constater avec saisissement que l’inventaire si méticuleusement élaboré n’est qu’une répétition de ce que tout le monde connaît déjà bien. Mieux, la longue liste des dysfonctionnements est indubitablement un émiettement de problèmes que la commission aurait gagné à regrouper. Par ailleurs, il convient de s’interroger sur la présence du système Licence-Master-Doctorat (LMD) parmi les éléments inventoriés.

2* LES ORIENTATIONS CORRECTIVES
Pour 31 dysfonctionnements recensés, la commission propose en dix points, des remèdes comme si ceux-ci étaient des potions magiques à même de guérir à la fois, plusieurs maux. Cet exploit, s’il en était réellement un, serait curieusement comparable aux nouveaux médicaments que vantent depuis quelque temps, par médias interposés, la multitude de guérisseurs traditionnels et charlatans venus de nulle part. Ici, le devoir patriotique nous impose abnégation et discernement. Par conséquent, la question de la crise de l’éducation dans notre pays est suffisamment grave pour être abordée, une fois de plus, avec autant de légèreté. En jetant un coup d’œil sur la composition de la commission des experts et de tous ceux qui s’activent autour de la préparation ce second forum, on est en droit d’être rassuré quant à l’aboutissement des travaux. Seulement, il est d’une flagrante évidence que les résultats du séminaire gouvernemental tels qu’ils sont présentés présagent que le forum en vue sera un vain déploiement d’énergies, un gaspillage financier, en somme une grand-messe de plus.

3*SECOND FORUM SUR L’EDUCATION NATIONALE : UNE GRAND-MESSE DE PLUS
Avant même que d’envisager la tenue de ce second forum, il eût été certainement plus sage d’examiner très attentivement, les études ultérieurement réalisées dans le secteur. Dans ce sens, la commission préparatoire aurait obtenu sans se déranger outre mesure, une abondante moisson si elle s’était penchée assez sérieusement sur le contenu des travaux du premier forum sur l’éducation. Il est important d’insister tout particulièrement sur cet aspect dans la mesure où nulle part, le compte rendu du séminaire gouvernemental ne fait la moindre allusion aux Actes du Forum national sur le secteur de l’éducation, tenu à Cotonou du 12 au 16 février 2007. Pourtant, il y a sept ans seulement, dans son allocution d’ouverture des travaux de ce premier forum, le Président de la République, le Docteur Thomas Boni YAYI, après avoir rappelé les maux qui minent le système éducatif national et déjà bien connus en ce moment-là avait déclaré :
" Du forum, j’attends des réflexions profondes qui, partant de l’état des lieux et de l’expérience des réformes éducatives au Bénin, doivent proposer des solutions sur des problèmes importants tels que :
* l’adéquation de la formation/emploi ;
*la promotion d’une formation technique et professionnelle, vecteur de croissance économique et de développement durable ;
*l’offre et la demande de formations universitaires ;
*la recherche scientifique au service du développement ;
* la prise en charge de la petite enfance ;
*les enseignants et la quête de la qualité en éducation au Bénin ;
*la gratuité de l’école dans les enseignements maternel et primaire ainsi que les modes alternatifs de financement de l’école ;
*l’alphabétisation et l’éducation non formelle ;
*le dialogue social pour un climat apaisé en faveur de l’éducation et pour un temps
scolaire intégral ;
*les programmes d’études ;
*l’introduction des langues nationales dans le système éducatif formel au Bénin".
Se penchant sérieusement sur ces préoccupations du chef de l’Etat, le présidium du forum avait constitué dix commissions qui, sans désemparer, avaient travaillé avec amour, détermination, conscience et patriotisme pour produire des propositions pertinentes dont la mise en œuvre progressive aurait pu substantiellement améliorer notre système éducatif. Que nous faut-il de plus pour aller de l’avant : abandonner l’existant et nous acharner à défoncer des portes déjà ouvertes ? Aujourd’hui, au lieu d’organiser un second forum, nous gagnerions énormément à procéder à l’évaluation de celui de février2007 et à envisager concrètement l’exploitation rationnelle de ses résultats.
Malheureusement au Bénin, nous avons la mémoire courte et la réputation de piloter à vue et ce, au mépris des textes que nous avons, nous-mêmes, sciemment élaborés et délibérément adoptés. C’est hélas, l’une des causes principales de la déconfiture de notre système éducatif que nous peinons à restaurer.

4* REFUS DU RESPECT DES TEXTES ET DEGRADATION DU SYSTEME EDUCATIF
Le premier aspect qui illustre ce constat est l’obstination des Béninois à vouloir toutes les fois réinventer la roue. Déjà en 2007, il faut le déplorer, le premier forum ne s’était pas suffisamment appuyé sur les textes réglementaires. Pourtant, dans notre répertoire législatif figure en bonne place, la Loi N 2003-17 du 11 novembre 2003 portant orientation de l’éducation en République du Bénin. Une exploitation permanente et rationnelle de ce texte aurait conféré davantage de crédibilité au premier forum et nous aurait mis à l’abri des dérives que nous déplorons aujourd’hui et que nous nous apprêtons une fois de plus à perpétuer. En effet, la loi citée ci-dessus est le guide fondamental, indispensable à tous les travaux relatifs au secteur de l’éducation au Bénin. Ladite loi dispose en son article premier :" Dans le respect des principes définis par la Constitution du 11 décembre 1990, l’éducation, en République du Bénin, constitue et demeure la première priorité nationale.”
Qu’en est-il sincèrement de ce premier article dans la conscience des Béninois en général et plus particulièrement dans celle de leurs dirigeants ? Les premiers pourraient se targuer de leur ignorance tandis que les seconds ne trouveront aucune excuse quant à la méconnaissance de cet article jamais pris en compte à ce jour. Il en est du secteur de l’éducation comme de tous les autres de l’activité humaine au Bénin : ce sont les violations répétées des lois par la superstructure elle-même qui sont à l’origine du refus de notre pays d’aller vers le développement et la prospérité.
J’en viens à présent au Décret N 2010-272 du 11 juin 2010 portant adoption du système Licence-Master- Doctorat(LMD) dans l’enseignement supérieur en République du Bénin pour constater que ledit décret n’a été signé que depuis moins de quatre ans. A la date d’aujourd’hui, le système LMD n’est pas encore réellement mis en application dans toutes les entités de nos universités publiques et privées. Pourquoi donc peut-on déjà le citer parmi les éléments de dysfonctionnement de notre système éducatif ? Je devine aisément le pédantisme stérile de ceux qui ont introduit cet aspect dans les débats à venir.
Plus loin, au nombre des dysfonctionnements, le séminaire gouvernemental a mentionné "La politisation de l’enseignement ". A quoi veut-il exactement faire allusion ? Il est pourtant de notoriété publique que l’éducation est bel et bien le secteur privilégié de toute nation. On ne peut donc en parler sans en définir la politique. Et c’est au nom de cette politique que le Gouvernement se préoccupe tant du secteur éducatif. Ce n’est donc pas de la politisation de l’enseignement que le séminaire gouvernemental devrait parler mais certainement du peu d’intérêt que l’autorité politique accorde généralement à l’éducation. Et je n’en veux pour preuve que l’impressionnante mobilisation organisée en ce moment même autour de la campagne cotonnière pendant que le secteur éducatif est paralysé par une grève persistante et pernicieuse.
Par ailleurs, pourquoi nous lamentons-nous sans cesse sur la qualité plutôt dérisoire du personnel enseignant en poste dans nos établissements scolaires ? Encore une fois, au lieu de recourir aux textes qui réglementent le recrutement des enseignants, l’Etat lui-même procède régulièrement par reversements dans le secteur. Alors, arrêtons donc de fondre en jérémiades devant les conséquences de ce que nous avons engendré nous-mêmes c’est- à- dire le recrutement, au mépris des textes, d’individus sans qualification et leur utilisation dans nos centres de formation.

CONCLUSION
C’est indéniable que notre système éducatif national est sérieusement malade et qu’il faut le soigner au plus tôt et le guérir. Pour y parvenir efficacement, c’est d’abord un diagnostic sans complaisance qu’il faut poser. Dans notre cas et je l’affirme, c’est le non respect des textes qui est à l’origine de tout ce qui nous arrive. Nous devons donc, avant toute chose, recourir aux différents textes qui régissent le secteur et nous exercer à les appliquer très scrupuleusement. Toute autre démarche serait illusion, charlatanisme, perte de temps et gaspillage financier. Pour éviter à notre pays, le risque d’une nouvelle aventure hasardeuse et évidemment infructueuse, les experts et les différentes parties prenantes à l’organisation du second forum sur l’éducation nationale devraient simplement abandonner ce projet au profit de l’appropriation des actes du forum tenu en février 2007 en vue de leur exploitation rationnelle et ce, en rapport avec les textes réglementant le secteur de l’éducation.
Marius Thomas DAKPOGAN
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