Djakotomey au Bénin : La vie des femmes qui se soucient peu de la popote

La rédaction 11 octobre 2017

La popote, argent qui sert à faire la cuisine, permet à la famille de se nourrir. Sa gestion dans les ménages au Bénin semble être une source de dissensions entre les conjoints.

Il est 8 heures. Nous sommes à Djakotomey dans le département du Couffo, à l’Ouest du Bénin. Ici, les femmes sont mieux outillées et s’acharnent à nourrir leurs familles. Paniers sur la tête, bébés au dos, ces braves dames se rendent au champ. Souvent en convoi, elles discutent de tout et de rien. « Nous sommes 4 sous le toit de notre mari. Et chacune de nous a son activité. Par rapport à la popote, on se démène comme on peut. C’est rare de voir notre mari intervenir dans les affaires de popote. J’ai par exemple 20 hectares de maïs, de piment, de haricot et autres … », confie Yawa, l’air décontracté, car étant habituée à sa vie conjugale. Rompues à la tâche, les femmes de cette localité sont à l’image des amazones des temps modernes. Les hommes, eux, sont généralement polygames, mais travailleurs et soucieux de l’épanouissement de la famille…bref, c’est un système de complémentarité qui est érigé dans ces différentes concessions familiales. A la fin de la journée, les femmes sont adulées par leur mari pour le travail abattu. L’ambiance est vraiment conviviale entre les coépouses qui, parfois, sont tentées de se livrer des concurrences loyales. « Nous sommes des coépouses, et nous en sommes fières. Notre mari détient beaucoup de terres cultivables que nous exploitons pour subvenir aux besoins autant des enfants que de nous-mêmes », déclare Yawa, toute confiante.
A Djakotomey, les personnes âgées, têtes couronnées, sages et notables, sont garants de cette tradition. Coovi Isidore, chef traditionnel, habitant de Djakotomey confie que ses femmes n’attendent apparemment rien de lui. Elles se battent toutes seules, chacune pour subvenir aux besoins élémentaires de ses enfants et d’elles-mêmes. « Chez nous, c’est comme ça et elles-mêmes le savent. La femme doit travailler autant que l’homme pour que la famille soit épanouie », a-t-il ajouté.

Des points de vue divergents
La gestion de la popote dans les ménages au Bénin se révèle une équation à plusieurs inconnues. Faire de son foyer, un havre de paix, nécessite des préalables. Et en la matière, la question de popote revient sur tapis. Selon Achille Sodégla, sociologue au Laboratoire d’analyse, de recherche, religions, espaces, et développement (Larred) de l’Université d’Abomey-Calavi (Uac), la gestion de la popote diffère d’une ethnie à une autre. D’après lui, dans certaines communautés du Bénin, ce devoir n’incombe pas forcément à l’homme. C’est plutôt dit-il, à la femme de revenir rendre compte régulièrement à son mari des bénéfices qu’elle tire de son activité. « Dire que l’homme est le chef de la maison, et s’accrocher à un tel argument est absurde. Dans aucun document officiel, il n’est écrit une chose pareille », soutient-il. Maurace Assogba, journaliste spécialiste des questions de couple estime que la responsabilité n’incombe à personne. Seulement, lorsque les besoins quotidiens de la maison deviennent de trop et que l’homme n’arrive plus à répondre convenablement, on parlera de fuite de responsabilité, alors que tel n’est pas le cas. « Je ne dis pas forcément que la femme doit prendre le devant des choses. Mais pour assurer l’équilibre, il faut un apport d’un côté comme de l’autre », laisse-t-il entendre.

Une réalité perturbée par l’intellectualisme
A Cotonou, les positions sont tranchées, même dans le rang des ressortissants de la région de Djakotomey. L’homme se doit se battre pour subvenir aux besoins de sa famille, sans attendre quoi que ce soit de la femme. Le poids de la mondialisation et de l’intellectualisme en est pour beaucoup. Selon Emmanuel Houegnissan, conducteur de taxi à Cotonou, l’homme ne doit pas manquer de donner la popote au risque de perdre sa place devant sa belle-famille. « Moi, je me bats toujours au quotidien pour sauver mon honneur devant ma belle-famille. Un homme qui ne le fait pas, n’est pas moins qu’un incapable. Mais, si la femme décide d’elle-même d’apporter son soutien pour les dépenses secondaires, on ne peut que s’en réjouir », confie-t-il. Elise, la conjointe d’Emmanuel épouse bien la position de son mari. « J’aime mon mari. C’est pourquoi, je ne le laisserai pas seul faire face à toutes les charges, du moment où nous nous sommes unis pour se compléter. Chaque femme doit s’inscrire dans cette démarche », souhaite-t-elle. Que ça soit à de Djakotomey ou ailleurs, le débat est loin d’être tranché. Chaque couple se plait de ses réalités. L’essentiel est, comme le veut Elise, que la famille s’en sorte épanouie.
Arnaud SOGADJI (Stag)



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