Dr Elvyre Klikpo, Médecin Psychiatre au Cnhupc : « L’intelligence ne grandit pas quand on ne dort pas »

Patrice SOKEGBE 16 juin 2017

D’entrée, parlez-nous des stupéfiants qui existent aujourd’hui sur le marché ?
De façon commune, on les appelle les drogues. Mais de façon plus spécifique, on parle de substances psychoactives. Parce qu’elles perturbent le fonctionnement du système nerveux central par le changement de comportements, des sensations, des émotions et du fonctionnement de l’organisme entier. En fonction de leur action sur le système nerveux central, on en a trois groupes. On a les stimulants ou excitants. Ceux autorisés sont le café et le cola. Il y a ceux qui sont des drogues illicites défendues. Il s’agit de la cocaïne, des amphétamines, des méta-amphétamines dont la consommation et la vente sont interdites. En dehors des excitants, il y a les stupéfiants ou les dépresseurs. Eux, ils calment l’individu. Ils lui donnent une sensation de paix, de sérénité et de tranquillité. Dans ce groupe, on parle surtout des dérivés de l’opium où on peut avoir l’héroïne, le tramadol, le trabol, les 120. Le tramadol devient illicite quand la dose dépasse 50 mg. On retrouve sur le marché des gélules fabriquées par des trafiquants, qui passent de 300 à 500 mg. Ces substances qui pullulent de nos jours rentrent dans les drogues illicites. Il y a des alcools vendus en sachets à 50 Fcfa ou 100 Fcfa. C’est souvent de l’alcool mélangé soit au café ou à d’autres substances qui ne devraient pas y être. Il y a aussi les perturbateurs. Ces substances perturbent totalement le fonctionnement de l’organisme. L’individu peut dire des choses bizarres, il hallucine parfois. Ces perturbateurs sont généralement le cannabis, l’ecstasy, la phénylcyclohexylpipéridine ou Pcp, des substances qu’on n’a pas habituellement ici. Mais, elles commencent par venir, puisque beaucoup de jeunes vont étudier à l’extérieur et reviennent en vacances avec ces produits et initient ceux d’ici. Le Nigéria étant à côté, beaucoup de choses circulent dans notre pays. Je n’ai pas placé l’alcool dans les 3 catégories, mais l’alcool peut se retrouver dans ces groupes.

Dans quelles conditions l’alcool pourrait-il se retrouver dans les 3 catégories ?
En fonction de la dose consommée, de la tolérance de l’individu, l’alcool peut le rendre plus calme, lui donner le sommeil. Mais à une certaine dose aussi, l’alcool peut rendre la personne logorrhéique, elle va beaucoup parler, va être agitée et veut faire mille choses à la fois. Ça va paraître comme un excitant. Certains font des hallucinations, des délires…De ce point de vue, l’alcool devient un perturbateur.

C’est autorisé de boire du café. Certains apprenants prennent cette substance, et viennent à l’école les yeux rouges. Qu’est-ce qui explique cet état de choses ?
En réalité, le café n’est pas fait pour être bu le soir. Sa consommation change totalement le fonctionnement de l’organisme. Le café étant un excitant, il est produit pour être consommé le matin pour se donner un peu d’énergie, pas le soir et s’empêcher de dormir. Parce que quand on le prend ainsi, notre système interne est perturbé. Au lieu d’avoir sommeil, le café nous oblige à rester en éveil. Particulièrement chez les élèves, on observe bien cette forte consommation à l’approche des examens où malgré les nuits blanches faites, les résultats ne sont souvent pas à la hauteur des attentes. Parce que le café pris les soirs perturbe le système nerveux. Ce qui doit être mémorisé ne l’est plus. Celui qui respecte 4 à 6 heures de sommeil mémorise mieux.

Le sommeil joue alors un rôle important dans le fonctionnement système nerveux de l’homme...
Tout système a besoin de repos. Même les ordinateurs et les portables ont besoin de repos. Autrement, lorsqu’ils s’échauffent à l’utilisation, ils deviennent de plus en plus défaillants. Il en est de même pour notre cerveau. Parce que, dans ce processus de repos, le cerveau va stocker tout ce que l’apprenant a appris dans la journée. Dans le cas contraire, le cerveau n’enregistre qu’une petite partie de ce que nous avons appris. Et aussi, l’intelligence ne grandit pas quand on ne dort pas.

A quoi peut-on s’attendre quand l’individu consomme des stupéfiants ou des perturbateurs ?
Comme je l’ai déjà dit, la consommation des stupéfiants et des perturbateurs va modifier le fonctionnement de l’organisme. Ceux qui fument vont commencer par avoir des troubles respiratoires au niveau du poumon et de la gorge. La circulation sanguine sera perturbée au niveau du cerveau. Etant des molécules très fines, elles vont occuper les récepteurs au niveau du système nerveux central, principalement au niveau du cerveau. Parfois, les élèves et étudiants en consomment, parce qu’ils veulent être intelligents. Je peux vous dire que c’est faux. Ces molécules vont endommager les cellules nerveuses. Donc, c’est des substances grises qui sont perdues. C’est reconnu que lorsqu’on consomme de la drogue, tous nos organes sont affectés. Généralement, nous développons les tumeurs de cœur, de poumons, de la gorge et autres. Il y a des chutes de cheveux, des ongles et même des dents.
Au plan psychique, les drogues perturbent notre comportement. Lorsqu’on consomme de la drogue, on est irrité, nerveux, arrogant, agressif. En un mot, la personne devient réfractaire aux principes de la société. Les drogues entrainent aussi les maladies mentales. Ce sont généralement des attaques de panique, les crises d’angoisse aigües. Parfois, dans des classes d’examen, on voit des candidats qui se lèvent et commencent par crier et à prendre la route. En dehors de cela, on peut avoir des dépressions ou parfois le suicide. Le plus grave, ce sont les psychoses que les drogues entrainent. On a des cas de schizophrénie (folie). A ce stade, c’est souvent difficile à gérer, mais nous essayons de faire autant que nous pouvons.

Est-il possible d’arrêter la consommation de ces types de drogues ?
C’est possible d’arrêter. Même dans la grande dépendance, il est possible d’arrêter. Et c’est pour cela qu’il y a des spécialistes. Ici au Cnhupc à Jacquot, nous avons une unité de soins aux toxicomanes, qu’importe la drogue prise. Nous avons des protocoles scientifiques, des traitements et un suivi psychologique pour pouvoir les aider à arrêter et à maintenir l’arrêt, parce que c’est important. La première fois qu’on leur propose la drogue, on fait souvent l’éloge de cette substance et on ne leur dit jamais les conséquences.

Comment peut-on alors étudier sans consommer de la drogue ?
D’abord, il faut une planification de son temps. Il ne faut pas étudier 24h/24. Il faut au moins 4 à 6 heures ou 8 heures de sommeil par jour. Il faut dormir avant minuit. Et dans on planning, il faut espacer ses études de 30 minutes. En classe, lorsque le professeur fait 4 heures d’affiliée de cours, tout le monde est fatigué. Le cerveau n’arrive plus à suivre. Même pour mes révisions de 2 ou 3 heures, il faut une petite pause de 30 minutes. Les candidats peuvent profiter de ce temps pour écouter de la musique ou faire autres choses. Il ne faut pas étudier dans le bruit. Il aussi éviter de faire deux choses à la fois. En dehors de cela, il faut bien manger. Il faut avoir des heures de repas régulières. Même si c’est possible d’avoir la collation de 10 heures ou de 16 heures, c’est mieux.
Propos recueillis par Patrice SOKEGBE



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