Dr Expédit Vissin, à propos des inondations à Cotonou « Il faut dégager puis reloger les personnes installées sur les voies naturelles de l’eau »

La rédaction 15 juin 2017

L’Inondation à Cotonou n’est pas une fatalité. Tel est l’avis du Dr Expédit Vissin, Maître de conférences des Universités du Cames. A travers cette interview, l’Hydroclimatologue, enseignant à l’Uac, explique le rythme accéléré des pluies ces derniers jours, propose le dégagement des occupants des exutoires naturels de l’eau et appelle à l’intercommunalité pour faire face aux inondations.

Qu’est-ce qui explique, selon vous, le rythme accéléré de pluies constaté ces derniers jours à Cotonou et environs ?
Le rythme n’a pas changé. Nous avons toujours eu ce rythme au sud du Bénin. Ce qui se passe, c’est que d’une année à l’autre, nous avons de plus en plus une dynamique dans l’évolution des pluies. Cette évolution peut amener à une concentration des pluies et à l’effacement de la petite saison sèche, puis à un régime uni modal quelquefois. Le régime unimodal au sud du Bénin serait exceptionnel puisque nous sommes dans un climat subéquatorial, c’est-à-dire 4 saisons. Lorsqu’en une année, vous avez pratiquement une petite saison sèche, on est en face d’un régime uni modal. Cette concentration des pluies sur une courte période au Sud du Bénin amène à parler de la déstructuration du rythme. Et on parle en ce moment du dérèglement du régime pluviométrique.
Ce dérèglement va entrainer la concentration de pluies une courte période comme cette année. Nous avons pratiquement beaucoup de pluies en Juin et Juillet probablement. Si la quantité de pluie qu’on devait enregistrer en 6 mois se concentre sur 02 mois, c’est évident que le sol qui devait recevoir une quantité de pluies ne soit pas à même d’accueillir cette quantité qui vient. Alors, on assiste à des débordements constatés dans la ville de Cotonou.

Est-ce que ceci a un lien avec les changements climatiques ?
Il y a trop d’amalgames. Dès qu’un problème se pose, on le met sur le dos du changement climatique. D’abord, le changement climatique est une modification du climat sur une longue durée. Est-ce que tout ce que nous constatons cette année-ci doit se répéter exactement de la même manière l’année prochaine ? Non, ça peut varier. S’il arrive que ça varie, alors peut-on affirmer qu’il y a changement dans le régime ? Or le régime va demeurer bimodal. Dans ce cas, si nous sommes toujours dans un climat subéquatorial au sud du Bénin, on ne dira pas que cette partie du Bénin a subi un changement profond. En climatologie, on continue de dire qu’il y a variabilité parce que les modifications observées ne durent pas dans le temps. En réalité, c’est ce qu’on doit mettre sur le coup de la mauvaise occupation de l’espace à Cotonou qu’on met sous le coup du changement climatique.

Justement, les inondations à Cotonou sont beaucoup plus liées à l’occupation des exutoires. Que faut-il faire ?
On peut assainir Cotonou autrement et la rendre attrayante, mais il faut des actions majeures. Si on veut que Cotonou change, il faut casser, il faut dégager les personnes installées dans les voies naturelles de l’eau. L’eau est la matière la plus paresseuse qui soit. Lorsque vous l’empêchez de passer, elle s’installe et vous observe. Et quand elle se met à vous observer, elle vous crée tous les ennuis possibles. La mairie de Cotonou ne devait même pas placer les bornes dans l’eau. Malheureusement, elle l’a fait. Normalement, on ne doit pas occuper, les zones non habitables. Il faut être un maire fou pour gérer la ville de Cotonou. Seul celui-là qui ne veut pas s’éterniser à la tête de la mairie, peut créer des solutions. Les gens peuvent le décrier, mais plus tard ils vont en jouir. Malheureusement on s’accommode, on pense à l’électorat, on ne veut pas les déplacer.
Ensuite, il faut densifier les ouvrages d’assainissement, si les eaux stagnent c’est parce qu’il n’y a pas assez d’ouvrages, il faut drainer les eaux fluviales. Pour cela, il faut négocier, créer les conditions pour que les populations se sentent à même de partir. Sinon, si on les oblige, elles n’iront pas. Chacun veut être chez lui, même si c’est dans l’eau. Donc, il va falloir créer les conditions pour un déplacement volontaire pour des endroits plus sains. Le maire de Cotonou peut négocier avec celui de Calavi et déplacer des gens de Cotonou vers cette commune.

Il y a aussi le retour des eaux du Nord qui constitue un casse-tête pour la ville. Quelle politique peut-on mettre en œuvre en la matière ?
Nous travaillons dans l’intercommunalité. Si tous les maires s’associaient et pensaient à la gestion de ces ressources qui quittent le Nord pour le Sud, on va pouvoir gérer durablement le problème d’inondation à Cotonou. Si chaque mairie des communes traversées par le cours d’eau principal du Bénin, l’Ouémé, prenait la décision de désengorger cette quantité d’eau qui vient vers le Sud, on aura mieux d’eau à Cotonou. Pourtant, ces localités souffrent énormément d’eau en période sèche. Pourquoi n’arrive-t-on pas à mobiliser cette eau pour une gestion durable ? A Dassa et à Savè, par exemple, l’Ouémé passe par là, pourtant on ne réagit pas. Nous avons les ressources naturelles qu’il faut pour se développer.

L’intercommunalité est donc une solution face aux inondations.
Bien sûr. Si on se met ensemble on trouvera des solutions à nos problèmes. Mais la réalité est que nos communes, des territoires confondus presque, ne s’entendent même pas.

Votre mot de la fin
Le projet 3 Ci est un échec, Il faut penser autrement. Il faut que la municipalité tende la main aux autres communes, et que tous les maires des communes qui ont en commun ce bassin travaillent en synergie pour gérer le problème des inondations à Cotonou.
Propos recueillis par Fulbert ADJIMEHOSSOU



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