Dr Sohou Mireille, sur les problèmes relatifs à la conception chez la femme : « En cas d’infertilité, tout est désormais possible au Bénin »

La rédaction 21 juin 2017

Face aux problèmes d’infertilité qui se posent de plus en plus dans notre pays, Mireille Sohou, gynécologue-obstétricienne, exerçant à la clinique Jésus-Eucharistie d’Ekpe, prodigue quelques conseils aux couples souffrant de cette situation désespérante Pour la spécialiste, le Bénin dispose désormais de la compétence nécessaire pour affronter ce problème.

Qu’est-ce qu’un gynécologue ?
Un gynécologue, c’est le médecin de la femme, celui qui s’occupe de la santé de reproduction et plus précisément de l’appareil génital de cette dernière.

Quelle différence y a-t-il entre un gynécologue et un obstétricien ?
L’obstétricien, c’est celui qui s’occupe de la grossesse, depuis le début jusqu’à l’accouchement. Alors que le gynécologue s’occupe de tous les problèmes liés à la femme en dehors de la grossesse et de l’accouchement. Dans certains pays, la formation est séparée. Mais au Bénin, avec notre formation, on n’est pas gynécologue sans être obstétricien, c’est pourquoi on dit souvent gynécologue-obstétricien.

L’homme se fait-il traiter aussi par le gynécologue ?
En principe, comme je l’avais dit plus haut, le gynécologue est le médecin de la femme. Mais en cas d’infection chez la femme, on traite le couple, et à un moment donné, pour certains problèmes majeurs de l’homme, on passe la main à l’urologue, qui est celui qui s’occupe de l’appareil génital de l’homme.

A quel moment la femme a-t-elle recours au gynécologue ?
La femme a recours au gynécologue, le plus souvent en cas de malaise lié à son sexe ou à ses seins, puisque le gynécologue s’occupe des seins et du petit bassin (l’utérus, les ovaires, le vagin, la vulve….)

Parlez-nous du cycle menstruel chez la femme. Comment la femme peut-elle connaître la durée de son cycle ?
Le cycle menstruel de la femme, c’est la période qui s’écoule entre deux menstrues. Quand vous avez vos menstrues à un moment T, l’intervalle qui s’écoule avant les prochaines règles, c’est ça qui fait votre durée de cycle menstruel. Et pour connaître la durée moyenne de votre cycle, vous notez pendant trois à six mois, l’intervalle qui sépare deux menstrues, et vous faites la somme que vous divisez par le nombre de mois. Ça ne veut pas dire que ce serait toujours régulier non plus.

Qu’est-ce que l’ovulation ? Comment se produit-elle et pourquoi est-elle importante ?
En fait, le petit bassin de la femme est constitué de l’utérus, qui a le col, le corps et les trompes. Dans les trompes, nous avons les pavillons ; les pavillons communiquent avec les ovaires dans lesquels nous avons les follicules depuis le ventre de nos mères. Et dès que la jeune fille commence par développer des caractères secondaires, il y a une sécrétion hormonale qui déclenche la libération des ovules du sein des ovaires : c’est ça l’ovulation. Elle est liée à l’axe hypothalamo-hypophysaire. L’hypothalamus qui va sécréter de la Gnrh, va agir sur l’hypophyse qui, elle, va sécréter de FshLh qui va maintenant agir sur les ovaires, et lorsque nous avons un pic de Lh, le follicule est libéré et la femme féconde. Donc, ça vient le plus souvent au milieu du cycle, et pour les cycles irréguliers, il faut savoir que ça vient 14 jours avant les prochaines règles. Mais vous ne pouvez pas savoir quand est-ce-que vous ovulez si vous ne maîtrisez pas votre cycle, mais le jour où vous ovulez, si vous comptez 14 jours, vous aurez les règles ; mais avant l’ovulation, ça peut varier en fonction de votre cycle. L’ovulation est importante parce qu’elle fait partie de la reproduction. Une femme qui est normale doit pouvoir ovuler, et en ce moment, si elle s’approche de son homme, il y aura fécondation et elle pourra alors enfanter.

Quelle différence y a-t-il entre jour d’ovulation et jours fertiles ?
Le jour d’ovulation, c’est le jour où il y a la pente ovulaire, l’ovocyte est libéré. Les jours fertiles, c’est en moyenne six jours avant l’ovulation et trois jours après l’ovulation.

Que faut-il comprendre par fertilité, fécondité et stérilité ?
La fécondité, c’est la possibilité de rencontrer des gamètes (ovocyte et spermatozoïde), mais la fertilité c’est la capacité de pouvoir tomber enceinte et quand vous avez cette capacité, vous pouvez alors féconder. La stérilité, c’est l’incapacité qu’a un couple de concevoir sans aide, ce qui est différent de l’infertilité qui est la difficulté qu’a un couple de concevoir.

Quels sont les signes qui font penser à l’infertilité d’un couple ?
C’est d’abord un couple qui a un désir de grossesse, qui est ensemble depuis environ un à deux ans, avec des rapports sexuels réguliers, c’est-à-dire trois rapports espacés en moyenne par semaine, et malgré cela, il n’arrive pas à concevoir. Donc, la femme n’a pas d’aménorrhée, on peut dire que ce couple est infertile. Dans ce cas, il faut consulter pour exploration.

Quelles peuvent être les causes de l’infertilité ?
En ce qui concerne la femme, les infections génitales, basses ou hautes, mal traitées, non traitées ou passées inaperçues sont le plus souvent à la base de l’infertilité. Elle peut aussi avoir une malformation congénitale, une obstruction tubaire, une pathologie ovarienne (des femmes qui n’ovulent pas du tout parce qu’elles n’ont pas les hormones de l’ovulation), un problème au niveau de l’axe hypothalomo-hypophysaire, l’absence de ses règles par exemple, les expositions aux radiations ionisantes, etc… Dans ces cas, ces femmes ont besoin d’aide pour concevoir. Mais il faut noter qu’il y a aussi des infertilités de cause inconnue. Aussi, l’infertilité n’est pas liée qu’à la femme comme on a l’habitude de penser, parce que l’homme aussi peut avoir une anomalie du spermogramme.

Et quelles sont les causes les plus fréquentes des infections chez la femme ?
Les infections chez la femme, sont le plus souvent, sexuellement transmissibles, et quand elles ne sont pas sexuellement transmissibles, elles sont liées à l’hygiène quotidienne de la femme. En parlant d’hygiène quotidienne, je parle par exemple des femmes qui enfoncent leur doigt dans le vagin, sous prétexte de le nettoyer, alors qu’elles détruisent sans le savoir, leur flore vaginale. Elles s’exposent aux microbes parce que, quand elles nettoient ainsi, leurs propres gènes sur leur corps, peuvent maintenant les infecter : c’est ce qu’on appelle une auto-infestation.

Que faut-il alors faire dans ces cas d’infertilité ?
D’abord, si vous avez un désir de grossesse, et vous essayez pendant un ou deux ans sans tomber enceinte, vous devez consulter un gynécologue au plus tôt pour exploration et diagnostic. Et c’est au gynécologue de savoir quel problème à cette femme et quand intervenir. C’est après un ensemble d’examens cliniques complets qu’on peut connaître les causes de cette infertilité, les traiter, et donner une chance à cette femme de procréer.

Quels sont les traitements possibles pour garantir une meilleure conception ?
Quand un gynécologue fait le diagnostic et que l’examen est normal, il doit faire le nécessaire pour que cette femme tombe enceinte. Mais quand il y a anomalie, par exemple, une malformation au niveau de l’appareil génital, alors on arrive avec la chirurgie à les aider. Quand c’est les trompes qui sont bouchées, on les aide avec l’hystéroscopie plus la cœlioscopie, on arrive à désobstruer les trompes pour les reperméabiliser et permettre à ces femmes de tomber enceintes. Si c’est un utérus qui est poly fibromateux, on est obligé de l’opérer et de lui enlever ces fibromes, soit par célio, soit par chirurgie. Quand c’est une infection, on administre un traitement au couple. Il y a aussi les procréations in vitro, les inséminations, etc… En fait, tant que la femme a les moyens, elle a beaucoup plus de chance de garder une grossesse en cas d’infertilité.

Le Bénin dispose-t-il de compétences avérées pour ces cas ?
Le Bénin n’est pas un désert de compétences, il dispose de compétences très avérées même pour ces cas. Avant, quand les trompes sont bouchées, on ouvrait les femmes, comme une grosse opération afin d’accéder aux trompes, mais aujourd’hui, nous avons des colonnes de célio, des médecins qui ont fait cette formation. Et nous gynécologues, on se concerte pour orienter nos clientes vers ces médecins habilités à faire ces opérations. Si c’est une procréation médicalement assistée comme par exemple, la procréation in vitro, il y a des médecins et des centres de Fiv au Bénin qui donnent de très bons résultats. Donc, quand on essaye tout à notre niveau et si ça ne marche pas, on est obligé de les orienter vers les confrères qui s’occupent de ça. Actuellement au Bénin, il y a des dons d’ovocytes qui se font pour les femmes ménopausées et qui veulent toujours avoir une grossesse. On fait l’insémination avec le spermatozoïde de leur mari, on les surveille durant la grossesse et elles peuvent accoucher sans problème. Donc, plus besoin de voyager aujourd’hui en cas d’infertilité, tout est possible au Bénin.

Quels sont vos conseils à l’endroit de ces femmes en difficulté de concevoir ?
Mes conseils pour ces femmes, c’est d’abord de consulter un gynécologue. C’est vrai qu’on ne va pas balayer du revers de la main la tradi-thérapie, mais il faut savoir consulter à temps, ne pas perdre tout le temps parce que quand vous allez à la ménopause, ça devient difficile, puisque votre chance de procréation diminue déjà à partir de 35ans. Donc, il faut que ces femmes ne perdent pas le temps dans des centres qui sont incapables de les traiter. Que nos mamans et nos sœurs aient confiance en nous et qu’elles aillent voir les gynécologues, soit du public, soit du privé, avec qui elles doivent développer une certaine complicité. Il faut qu’elles se mettent en tête qu’il y a de la compétence au Bénin en matière de gynécologie et d’obstétrique.

Propos recueillis par : Clémence Akadiri (Stag)



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