Dr Zacharie Sohou, océanographe-biologiste : « Les algues qui se déposent sur la côte peuvent être transformées en biogaz »

La rédaction 18 mai 2017

L’érosion continue de menacer les côtes béninoises malgré les efforts fournis ces dernières années à travers la construction des épis. L’Océanographe, Dr Zacharie Sohou analyse, à travers cette interview, la situation. Le Directeur de l’Institut de recherche halieutique et océanographique du Bénin explique le dépôt d’algues observé sur les côtes et annonce le retour de la marée d’ici quelques semaines.

Dr Zacharie Sohou, qu’est ce qui explique le dépôt des algues sur nos côtes ?
Le dépôt des algues sur nos plages est dû aux aléas climatiques liés à l’élévation des températures au niveau de la mer, aux larges de Floride. Ce qui fait qu’elles se détachent. Avec le phénomène de la variation de la direction des courants, ces algues peuvent se retrouver sur nos côtes. Nous pousserons loin les études pour comprendre davantage le phénomène qui a cours depuis les années 2011. Aussi, on peut les utiliser pour la production de biogaz. Il suffit d’installer les digesteurs pour les transformer et les utiliser comme source d’énergie pour électrifier la plage et la population.

Au lieu de les considérer comme une menace, peut on les valoriser pour les utiliser comme des matières premières ?
Déjà, il est important de souligner que ce n’est pas toxique. Ils peuvent servir de nourriture au bétail. On peut les mettre dans la nourriture des poissons. Nous avons commencé des expériences à ce sujet. Des étudiants ont procédé à l’analyse de ces algues pour voir les différents types de protéines qu’elles contiennent.

Il y a quelques mois, votre institution était au cœur d’une alerte de marée haute. Finalement, il y a eu plus de peur que de mal. Qu’est-ce qui n’avait pas marché ?
En réalité, l’alerte-là ne devrait pas être faite. Au niveau du Bénin, nous avons un système d’alerte précoce qui fonctionne bien. Notre structure s’occupait du risque océanique. Il y a une équipe de prévision qui se réunit pour juger d’une alerte ou non. En ce qui concerne l’alerte dont vous parlez, la cellule n’a pas prédit. Nous, on n’a pas d’indices qui nous permettaient de prévoir ce phénomène en ce temps. C’est un phénomène qui arrive. D’ici, le mois de juillet, jusqu’au mois d’octobre, nous en connaitrons encore. Déjà à partir de mi-juillet, il faut que les populations riveraines soient prêtes. Quand ça arrive, c’est sûr qu’il y aura des déferlements.

Est-ce à dire que le phénomène de l’érosion côtière va s’accentuer les prochains mois ?
C’est clair, puisque c’est un phénomène cyclique. La période d’upwelling, c’est-à-dire la remontée d’eaux froides, est entre juillet-août. Ça peut aller jusqu’en septembre. Nous approchons cette période où le vent est trop fort, ce qui induit le mouvement de la houle et des vagues. Ces phénomènes vont impacter nos côtes. Quand la hauteur des vagues dépasse 1,5 ou 2 mètres, il y a déjà des problèmes. Le déferlement devient plus fort, et ça doit prendre nécessairement du sable quelque part. L’idée des épis construits est bonne, sauf que le dimensionnement des épis ne peut pas arrêter complètement l’érosion côtière. Mais, ce qui est fait est déjà bien parce qu’on constate l’accrétion du sable du côté ouest de tous les épis. Il y a des travaux confortatifs qu’on doit faire. Il faut apporter du sable pour qu’on ait l’accrétion très rapidement. Il faut noter qu’au dernier épi, l’érosion s’est accentuée. Nous menons des études depuis 2009. Nous avons 9 stations pour observer la dynamique de la ligne côtière. L’avancée est de 40 mètres par an après le dernier épi. Il y a aussi le segment du port à l’épi de Siafato, environ 2,5km, qui n’est pas protégé et qui est très menacé. Le ministère du cadre de vie est en train de prendre les dispositions dans ce cadre.

Il se fait que Grand popo, entre-temps épargnée, se trouve également menacée par les vagues
Effectivement, au moment où on avait implanté nos bornes et qu’on faisait des mesures à Hillacondji, il y a eu stabilisation. C’est un phénomène dynamique qui se produit là-bas. Il y a accrétion, et après, il y a érosion, puis ça se stabilise. Mais, depuis que le Togo a protégé ses côtes à Aného, la force a été renvoyée systématiquement du côté du Bénin. Nous avons déjà déplacé au moins quatre fois nos bornes qui nous servaient de repères pour les mesures. Une partie du village a disparu. Là aussi, des études sont diligentées par le Gouvernement pour assurer la protection. C’est aussi une question de moyens pour alimenter la côte en sédiments. Ailleurs, ils font des injections de sable et au bout d’un temps, ils reviennent recharger encore. C’est un choix qui coûte cher.

Votre mot de la fin
Je vous remercie pour l’opportunité que vous nous offrez. A l’institut, de nombreuses recherches se font, et nous aurons l’occasion d’y revenir. C’est important de sensibiliser les populations sur ce qu’il faut faire pour le bien-être. Je remercie le Ministère qui nous appuie dans ce sens.
Propos recueillis par Fulbert ADJIMEHOSSOU



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