Editorial : Drame, larmes et après ?

Angelo DOSSOUMOU 18 février 2019

Malheur, deuil et douleur. Rien ne vaut la vie et quand des morts se comptent par dizaine, c’est tout le Bénin qui pleure. Officiellement, une quarantaine de ses fils ont, le temps d’un naufrage, trépassé ou sont à jamais portés disparus au fond des eaux du fleuve Niger. Au nombre de la centaine de passagers qui ont embarqué mercredi dernier à Karimama dans une pirogue en direction de Houna, ils ont été brusquement enlevées à l’affection de leurs familles. Que la terre leur soit légère. Mais, ce drame n’est pas sans rappeler celui du Joola, le ferry sénégalais qui a coulé aux larges des côtes gambiennes et qui a fait près de 2000 morts. Même si cette grande catastrophe maritime n’a rien de comparable à celle de Karimama, assurément, les causes du chavirement sont presque identiques.
Selon les premiers témoignages recueillis sur place au lendemain de cet accident du 13 Février passé, sans une surcharge et un climat défavorable, les passagers de l’infortunée barque seraient arrivés sains et sauf à destination. Pareil pour les milliers de victimes qui, malheureusement, ont lié à jamais leurs noms au Joola. En somme, il y a de ces pays où tant qu’un drame n’est pas survenu, l’imprudence et la négligence peuvent, au vu et au su de tout le monde, régner en maître. Et c’est d’ailleurs pourquoi, tout en versant toutes les larmes de nos corps, essayons de voir la réalité en face. Ne nous leurrons pas. Elle est très laide et, comme on peut s’en douter, sans une chirurgie esthétique, les stigmates demeureront et feront que, de partout, nous serons pointés du doigt.
Sinon, quand la capacité de la barque est largement dépassée, le conducteur a beau être ingénieux, avec un vent violent, tout peut arriver. D’ailleurs, les conséquences d’un habituel incivisme dans le transport fluvial que terrestre parlent d’elles-mêmes. Déjà notons, pour la traversée du fleuve Niger, l’absence d’équipement de sécurité adéquat notamment les gilets de sauvetages. Vous me direz qu’au pays où la fatalité est une règle, c’est un luxe.
Mais avant, il faut également déplorer sur nos principaux axes fluviaux, la quasi inexistence d’une police qui aurait pu empêcher un entassement préjudiciable dans un contexte météorologique risqué. Je parie que si toutes les mesures sécuritaires étaient réunies, aujourd’hui, on n’en serait pas là à pleurer les morts et courir au secours de la soixantaine de rescapés marqués à vie. Une fois encore, ne regardons point là où nous sommes tombés mais plutôt là où nous avons trébuché. En plus clair, le mal vient de loin et l’heure n’est pas aux compassions hypocrites et politiques mais aux solutions idoines pour qu’au grand jamais, nos laxismes ne nous coûtent plus autant de vies.
Enfin, la donne en Afrique quand un deuil de cette envergure survient, c’est d’abord le soutien moral mais généralement après, aucune disposition pérenne pour prévenir d’autres drames. Alors, au lieu de guetter pareilles occasions et comme des charognards, de profiter de la situation pour capitaliser des sympathies électorales, le mieux, c’est de véritablement œuvrer à faire changer les mentalités. Et ça, ce n’est pas une affaire des seuls gouvernants mais de tous les citoyens. Cela suppose qu’à chaque niveau, chacun doit assumer ses responsabilités au mieux des moyens dont il dispose. Autrement, ce drame à Karimama en appellera d’autres plus graves et ce sera dommage.



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