Embauche et statut des collaborateurs extérieurs de l’Etat : Les réserves de la Csa-Bénin

La rédaction 13 mars 2017

Anselme Amoussou, Sg/CSA-Bénin

Vigilance, c’est le mot d’ordre à la Csa-Bénin face aux deux propositions de lois, l’une relative à l’embauche et l’autre au statut des collaborateurs extérieurs de l’Etat. Où se trouve l’urgence d’une loi pour prendre en compte des dispositions contenues déjà dans le code du travail en phase de relecture depuis plusieurs années ? Pourquoi, en tant que représentants du peuple, les honorables députés ne décident-ils pas d’œuvrer à l’aboutissement de ce projet de relecture du code du travail ? Que cache ce refus de la simplicité dans l’action publique ?
Quant à la proposition de loi portant régime général d’emploi des collaborateurs extérieurs, en quoi son contenu est-il une avancée par rapport à la situation actuelle où nous savons tous qu’il existe le décret 2015-315 du 03 juin 2015 qui régit déjà, la CSA-Bénin donne ici son avis technique sur ces deux propositions de textes pour attirer l’attention de tous (travailleurs, société civile, députés et gouvernants) sur tous les aspects à prendre en compte pour apprécier de façon responsable et empêcher un recul sur le plan des relations de travail.

I. PROPOSITION DE LOI FIXANT LES CONDITIONS ET LA PROCEDURE D’EMBAUCHE, DE PLACEMENT DE LA MAIN-D’ŒUVRE ET DE RESIALISATION DU CONTRAT DE TRAVAIL EN REPUBLIQUE DU BENIN
Pertinence
Les questions abordées par le projet de loi et qui concernent :
  les conditions et la procédure d’embauche et de placement de la main-d’œuvre ;
  la conclusion des contrats de travail et la cessation des relations de travail ;
  les conditions de travail ;
  le règlement des conflits individuels de travail, sont pertinentes.
Il est à noter cependant que ces questions sont contenues dans le code du travail en vigueur et reprises dans le code du travail en chantier avec des améliorations notables. En conséquence, il est souhaitable que l’étude du code du travail en chantier, soit accélérée au lieu de prendre quelques parties du code du travail pour en faire une loi.

Atouts de la proposition de loi :
  Formalisation du travail intérimaire : Depuis quelques années, le travail intérimaire a vu le jour au Bénin mais aucune législation ne l’organise. Cette loi permettra d’organiser le travail intérimaire au Bénin.

  Horaires individualisés de travail : Il s’agit d’une pratique qui va permettre à l’employeur de déroger à la règle de l’horaire collectif de travail tout en respectant la durée légale de travail fixée à quarante (40) heures par semaine.

  Composition des juridictions de travail : A partir de la mise en œuvre de cette loi, aucune juridiction de travail ne peut fonctionner sans les assesseurs travailleurs et employeurs.

Menaces
  Article 13 de la proposition de loi
« Le contrat de travail à durée déterminée peut être renouvelé indéfiniment ».
Il s’agit d’une remise en cause d’un acquit contenu dans le code du travail en vigueur qui prescrit que le contrat à durée déterminée n’est renouvelable qu’une fois. Il s’agit ici d’un recul par rapport aux acquis.
  Article 13 de la proposition de loi (dernier alinéa)
« Dans tous les cas, le caractère à durée déterminée d’un contrat de travail relève de la qualification donnée par les parties »
Cet alinéa est inutile dans la mesure où l’article 12 de la proposition de la loi prévoit : « le contrat de travail à durée déterminée est un contrat écrit portant un terme certain fixé par les parties ».
  Article 30 de la proposition de loi :
La limitation du montant de la réparation à neuf (09) mois de salaire en cas de licenciement abusif, n’est pas dissuasive et ne semble pas tenir compte des préjudices subis par le travail victime d’un abus. Il faudra laisser le juge continuer à fixer le quantum des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif.
  Article 32 de la proposition de loi :
Les dispositions du présent article ne prévoient aucune procédure en matière de licenciement pour motif économique. Il est donc nécessaire d’indiquer au niveau de cet article, les conditions dans lesquelles va se dérouler, le licenciement pour motif économique. C’est le cas au niveau du code du travail en vigueur où en cas de licenciement pour motif économique, l’employeur doit respecter une procédure (article 47,48 et 49).
  Article 36 de la proposition de loi :
« La démission est expressément notifiée par écrit à l’employeur. Elle peut être constatée »
Le constat de la démission au cas où elle n’est écrite sera fait par qui ? Cette précision manque à l’article. Ce constat devra être fait par l’inspecteur du travail ou le juge.

II. PROPOSITION DE LOI PORTANT REGIME GENERAL D’EMPLOI DES COLLABORATEURS EXTERIEURS

Pertinence :
L’utilisation des personnes non Agent Permanent de l’Etat (APE) ou non Agent Contractuel de l’Etat (ACE) ne date pas d’aujourd’hui. En effet, le décret 2015-315 du 03 juin 2015 portant conditions d’emploi des personnels non agents de l’Etat nommés par le Président de la République et les membres du gouvernement, a été pris pour la gestion des personnels non APE et non ACE utilisés par l’Etat.
La proposition de loi portant régime général d’emploi des collaborateurs extérieurs ne vient donc pas créer une situation nouvelle.
Le décret 2015-315 du 03 juin 2015, définit clairement les contours d’utilisation de ces personnels dont la gestion est faite en comparaison à la situation réservée aux agents de l’Etat, justifiant de la même qualification professionnelle. L’Etat conclut avec les intéressés, un contrat de travail dont la durée est limitée à leur séjour dans l’emploi pour lequel ils ont été nommés. Ces derniers n’ont jamais eu ni la qualité d’APE ni celle d’ACE. De même, les emplois pour lesquels ces personnels sont nommés sont précisés dans le décret suscité.
L’Etat pourrait donc continuer à utiliser les dispositions de ce décret qui règle suffisamment les questions liées à la gestion des personnels recrutés par l’Etat et qui ne sont ni APE ni ACE.
L’objectif caché, visé par la proposition de loi portant régime général d’emploi des collaborateurs extérieurs de l’Etat, est certainement de faire appel à des « militants » sous prétexte qu’ils vont occuper des emplois exigeant un niveau de qualification professionnelle élevé. C’est pour cette raison que les emplois concernés ne sont pas précisés dans la proposition de loi.
Plusieurs questions restent sans réponses satisfaisantes. En effet, en quoi cette loi permettra de :
  Renforcer la capacité d’employabilité des demandeurs d’emploi en vue de les sortir du chômage de longue durée ?
  Combattre le sous-emploi dans l’administration publique, les institutions de l’Etat ainsi que les collectivités territoriales décentralisées ?
  Réduire la pauvreté en assurant une cohésion sociale.
La pertinence en ce qui concerne l’adoption de cette loi reste donc à démontrer.

Insuffisances relevées
1- Le projet de loi n’indique nulle part, les conditions de recrutement de ces personnels. Seront-ils recrutés par concours, par appel à candidature ou par cooptation ?
Pour permettre l’égale admissibilité de tous à ces emplois publics, il serait nécessaire que les recrutements pour ces emplois publics, se fassent après appel à candidature dans le respect des dispositions en vigueur au Bénin en matière d’occupation des hauts emplois publics.

2- L’article 9 de la proposition de loi stipule « la rémunération et les autres avantages du collaborateur extérieur de l’Etat sont fixés par le contrat de collaboration ou le contrat de déplacement »
Il est nécessaire d’indiquer la norme selon laquelle, les rémunérations et avantages seront fixées.
Cette norme devra tenir compte de la situation salariale qui prévaut dans la fonction publique afin d’éviter que les collaborateurs extérieurs de l’Etat viennent bénéficier d’une situation salariale différente de celle des APE et ACE justifiant des mêmes qualifications professionnelles.
Par ailleurs, il faudra indiquer les emplois concernés par l’utilisation des collaborateurs extérieurs afin que les contours de cette loi soient connus dès maintenant.
Cette proposition de loi vient-elle régler un problème conjoncturel ?
Quelles sont les dispositions que l’Etat prend pour y remédier ?



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